Alpha Oumar Diallo tué par des gendarmes à Sonfonia : ce que demande son frère Amadou Diallo

Amadou Diallo, frère de Alpha Oumar Diallo, tué par des gendarmes à Sonfonia

L’Etat guinéen est signataire de la quasi-totalité des Chartes et conventions portant protection et promotion des droits de l’Homme. Pourtant, de l’indépendance à nos jours, des milliers de familles continuent de pleurer des leurs, victimes de violences d’Etat. C’est le cas du jeune Alpha Oumar Diallo, tué par balles en 2019, lors des manifestations contre le 3ème mandat du président Alpha Condé, renversé par le colonel Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021.

En marge de la remise de liste des victimes des violences d’Etat pour la période 2018-2020 et du mémo hier, jeudi 16 novembre 2023, à Conakry, aux représentants de l’Etat et aux organisations de défense des droits de l’homme comme l’OGDH, le HCDH et même le système des Nations Unies et l’Union Européennes, des victimes ou parents de victimes ont pris la parole pour témoigner.

Interrogé par un reporter de Guineematin.com, Amadou Diallo a expliqué la triste journée qui a connu la disparition de son frère cadet, Alpha Oumar Diallo, âgé de 29 ans au moment des faits.

« C’est le 14 octobre 2019 lors de la manifestation du FNDC (Front national pour la défense de la constitution qui regroupait des partis politiques et des organisations de la société civile). Vers 9 heures, mon jeune frère est sorti de la maison pour aller déjeuner à Manguéboundji, dans la commune de Matoto. Vers 10 heures, il a suivi ses amis qui manifestaient. Au niveau de Bar café (à Sonfonia). Arrivé à la T7, 4 pick-up de gendarmes ont surgi pour tirer des gaz lacrymogènes. Ils se sont dispersés. Les jeunes ont repris leurs manifestations avec des slogans. Mais, deux gendarmes armés de fusils s’étaient détachés du groupe pour monter une embuscade. Ils ont tiré sur une jeune de Télimélé qui est mort sur place. Puis, ils ont tiré Alpha Oumar sur le cou et la balle est sortie par la colonne vertébrale. Il est tombé en criant ‘’ils m’ont tué. Ses amis sont venus le secourir mais les gendarmes sont les disperser et ils ont tenté même de marcher sur Alpha Oumar. Les jeunes se sont révoltés pour venir chercher leur ami et l’envoyer à la T8. Ce jour, ils ont tué 8 personnes. Mais à la T8, c’était très chaud, il n’y avait même pas de passage. Nous avons appelé la Croix rouge de Ratoma qui n’est pas venue, nous avons appelé celle de Matoto, ils ont dit qu’il n’y a pas de route. Mais nous avons insisté qu’il faut qu’ils viennent. Finalement, ils sont venus prendre le corps du jeune de Télimélé, Alpha Oumar et un jeune qui avait reçu la balle au pied. Arrivé au niveau de Wanidara Rails, les gendarmes ont essayé de barrer la route à l’ambulance. Arrivé à Donka, ils nous ont dit qu’ils ne sont pas autorisés à recevoir des blessés ou des morts. Ils sont allés à Ignace Deen. Ils ont reçu un niet catégorique des responsables de l’hôpital. Finalement, l’ambulance est allée les débarquer au camp Samory Touré. De passage, quelqu’un est venu les trouver là. Alpha Oumar souffrait mais n’avait perdu la connaissance. Il a échangé avec ce Commandant qui l’a pris pour l’amener à Donka. Il m’a téléphoné de venir. Et surtout de ne pas parler de lui, sinon il risque d’avoir des problèmes. Finalement, j’ai appelé un des amis puisque ne je pouvais sortir, c’était très dangereux. Le lendemain je suis venu le trouver aux urgences, sans soins. Ils m’ont de l’envoyer en neurologie. Il est resté là pendant une semaine sans soins. Ils ont demandé qu’il fasse un IRM qui coûte 3 millions 500 mille francs à la Caisse nationale de la sécurité sociale. On n’avait pas les moyens. Finalement, comme c’est un apprenti maçon, je suis allé voir son maître qui nous a aidés à avoir 3 millions et j’ai ajouté 500 mille francs. Après les examens et la présentation du rapport le médecin nous a dits que celui-ci ne pourra plus marcher. De lui chercher un petit chariot. Des gens disaient que le gouvernement prenait en charge les soins des victimes, ils n’ont payé qu’une seule ordonnance. Nous sommes restés un mois et ils ont fini par nous demander de sortir de l’hôpital. J’ai dit qu’on ne peut pas sortir alors que la plaie n’est pas guérie. Après trois jours de discussion, ils l’ont fait sortir sur une civière. Le jeune n’avait ni père, ni mère. J’étais tout pour lui. De la maison, je suis allé voir Hadja Halimatou Dalein Diallo, l’épouse de Cellou Dalein. Elle nous a demandé de l’envoyer chez le Pr Hassane Bah à Lambanyi. Nous avons passé la-bas aussi un mois. Mais ça n’allait toujours pas. Il avait une sonde et faisait tout sur place. Je ne pouvais pas rester continuellement avec lui et laisser la famille. C’est ainsi que nous sommes sortis le 27 décembre 2019. Et on n’a plus reçu d’assistance. Il est resté dans cette souffrance et la sonde lui a créé d’autres problèmes. Finalement, après quatre ans, nous sommes repartis à Ignace Deen où il a été opéré. Nous sommes restés  un mois  cinq jours avant qu’il ne rende l’âme, en 2023. Nous remercions cette la DSV/BI et toutes les bonnes volontés et les acteurs des droits de l’homme. Je demande justice pour mon frère. Je veux savoir pour il a été tué et qui l’a tué. Quel que soit l’endroit où le procès peut avoir lieu, je le souhaite vivement. Nous demandons aux représentants des autorités guinéennes de nous aider à faire cesser ces actes de violences dans notre pays », a sollicité Amadou Diallo.

De 2018 à 2020, la Guinée a organisé quatre scrutins (les élections locales, le référendum, des élections législatives et l’élection présidentielle). Ces consultations ont suscité de contestations dans plusieurs parties du pays et ont fait 3 473 victimes, selon un recensement réalisé par la DSV/BI.

Dans le mémo remis aux autorités et aux représentants des différentes organisations nationales et internationales, il est demandé à la Guinée d’ouvrir un procès contre les auteurs et commanditaires de ces violences et crimes politiques.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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