Des officiers jugés pour trafic drogue à Conakry : réactions croisées du parquet et de la défense aux exceptions soulevées

Comme annoncé précédemment, le procès des présumés narcotrafiquants, de la drogue à haut risque, s’est ouvert hier, lundi 8 janvier 2024, au tribunal de première instance de Dixinn. Ce sont 12 accusés, dont 4 officiers de l’armée et de la gendarmerie (3 colonels et un commandant), qui sont jugés dans cette affaire.

A l’ouverture de l’audience, une partie des avocats de la défense a demandé d’annuler la procédure pour libérer les accusés « parce qu’il y a vice de forme ». Le parquet s’y est catégoriquement opposé, parlant d’arguments non fondés. Après le renvoi à une semaine pour se prononcer sur les exceptions soulevées, Guineematin.com à travers son reporter a donné la parole aux parties au procès.

Les douze (12) accusés dans cette affaire sont poursuivis pour avoir importé et transporté de la drogue à haut risque en Guinée. Après des débats sur la forme, le tribunal a mis le dossier en délibéré pour rendre sa décision sur les exceptions soulevées par la défense.

Maître Mohamed Sidiki Bérété, un des avocats de la défense, a expliqué les raisons pour lesquelles il a soulevé des exceptions de nullité dans cette procédure. « Dans le groupe, il y a quatre officiers, dont trois colonels et un commandant. Sur le fondement de l’article 48 du Code de la justice militaire, la poursuite contre un officier supérieur est subordonné à l’autorisation préalable du ministre en charge de la défense. Et la poursuite contre un officier général doit être autorisée par le décret du président de la République. Donc, comme il y a quatre officiers supérieurs, nous avons estimé qu’on ne peut pas les poursuivre sans avoir cette autorisation préalable. Nous avons soulevé l’article 396 par rapport à la nullité de la procédure. Parce que l’ordonnance de renvoi n’est pas successible de recours. Toutefois, si on soulève l’incompétence, violation de la loi ou autre vice de forme, la loi nous autorise au point 2 de l’article 396 de soulever la nullité.

C’est pourquoi nous estimons que si le droit triomphe, parce que la détention préventive en matière criminelle ne doit pas excéder six mois, renouvelable deux fois ; exceptionnellement, ça peut arriver à 18 mois. Au pire des cas, en matière de génocide et autres infractions telles que la cocaïne, ça ne doit pas excéder 24 mois. Depuis le mois de février 2021, ils sont en détention préventive. Donc, ça dépasse trois ans. Le mandat est caduc, leur liberté ne peut plus être justifiée par une légalité. Donc, c’est de la séquestration (…) Nous estimons que le juge peut dire le droit pour annuler toute la procédure pour détention prolongée sans autorisation préalable par rapport aux officiers supérieurs. Même si le procureur voulait esquiver par rapport aux mandats et autres en disant de faire le recours devant la cour d’appel. Ça, je tombe des nues. Parce que les incidents de procédure, c’est devant la composition criminelle à la base », a dit l’avocat.

Des arguments contredits par le Substitut du procureur près le tribunal de première instance de Dixinn. Mamadou Hady Diallo soutient mordicus que ces nullités soulevées par la défense ne sont pas fondées. « Vous constaterez tout d’abord que c’est un effort que notre parquet a fait depuis que nous sommes venus pour programmer certains dossiers qui ont duré au parquet du tribunal de première instance de Dixinn. C’est un dossier qui a duré ici, l’instruction est finie depuis un certain temps. Et vous avez constaté que nous avons programmé ce dossier aujourd’hui. Mais des exceptions ont été soulevées par les avocats, auxquelles exceptions nous avons répondues. Ils ont demandé à ce que la procédure soit annulée parce qu’il y a des nullités qui ont été soulevées. Et nous, nous avons démontré au tribunal que ces nullités ne sont pas fondées et en aucun cas il y a des nullités. Parce que toute la procédure a été respectée.

Ils ont été inculpés et renvoyés par le doyen des juges d’instruction. Alors dire que ce sont des officiers de police judiciaire (OPJ) ou parce qu’ils sont des militaires, ils ne doivent pas être traduits devant ce tribunal, c’est pourquoi nous avons répondu en visant les dispositions de l’article 14 du code de procédure pénale guinéen, pour leur faire comprendre que ce ne sont pas tous les officiers qui ont la qualité d’OPJ. Et donc, pour avoir la qualité de l’OPJ, il ne suffit pas toujours d’être un agent, ou bien commandant, ou un commissaire. Mais il faut que la personne soit habilitée par le procureur général et que la personne ait cette habilitation pour pouvoir bénéficier des avantages ou des privilèges de juridictions, accordés par les dispositions des articles 753, 754 du Code de procédure pénale. Donc, nous avons demandé à ce que ces exceptions soient rejetées par le tribunal », a dit le magistrat.

Pour sa part, maître Bernard Saa Dissi Millimouno, un des avocats de la défense, qui ne fait pas partie de ceux qui ont soulevé les exceptions de nullité, dit être pressé d’aller aux débats de fond dans cette affaire. « Je précise que ce n’est pas nous qui avons fait cette demande de nullité. C’est une partie de la défense. Par rapport à ça, je me réserve de commenter le bien ou le mal fondé de cette demande. Pour nous, ce qui est important, c’est le début du procès aujourd’hui. Rappelez-vous que depuis trois ans nos clients sont en privation de liberté. Il y avait eu une première ordonnance de renvoi, on est venu devant ce tribunal. Malheureusement, il y avait une anomalie.

Il y avait deux inculpés qui avaient bénéficié d’un non-lieu mais le juge d’instruction n’avait pas ordonné leur mise en liberté. Donc, quand la mise en liberté avait été demandée par leurs avocats à l’audience, le juge a préféré ordonner un supplément d’information. Il a laissé le juge d’instruction se prononcer sur leur liberté. Quand ce juge a pris sa décision il y a eu un recours du parquet. Finalement, arrivé devant la chambre de contrôle de l’instruction, celle-ci a prononcé l’annulation de l’ensemble de la procédure. Cela fait que nos clients sont en détention depuis trois ans maintenant. Nous sommes vraiment pressés d’aller au fond sans ce dossier, si toutefois le tribunal ne suit pas la partie de la défense qui a soulevé l’annulation de la procédure », a déclaré maître Millimouno.

Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

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