Dissolution du gouvernement, dialogue inclusif, levée des restrictions d’internet… Dr Alhassane Makanéra dit tout 

Les réactions ne faiblissent pas depuis la dissolution du gouvernement de la transition, dirigé par Dr Bernard Goumou. Alors que les commentaires vont bon train, des voix se font entendre pour solliciter des actions concrètes pour un retour à l’ordre constitutionnel. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce vendredi 23 février 2024, Alhassane Makanéra Kaké, juriste et enseignant-chercheur, pense que le dialogue entamé il y a quelques temps doit se poursuivre et avoir un caractère inclusif.

Guineematin.com : le Général Mamadi Doumbouya a dissous le gouvernement de Dr Bernard Goumou. Est-ce une bonne ou mauvaise décision ?

Dr Alhassane Makanéra Kaké : je dirai que la nomination et la révolution d’un gouvernement entre dans la compétence personnelle et discrétionnaire du président de la République. Le président de la République peut révoquer un gouvernement, quel que soit la mission que ce gouvernement a accomplie. Même si ce gouvernement a atteint 100% de ses objectifs. C’est un privilège. Comme il peut les révoquer pour sanctions, parce que la mission qui lui a été assignée, n’a pas été atteinte. Donc dire que la décision de dissolution, c’est bon ou ce n’est pas bon, on n’a pas sa place dedans. C’est lui qui sait avec qui il peut travailler et pendant combien de temps. Donc, il peut te nommer aujourd’hui matin comme ministre ; le soir, il te révoque. Il n’a pas de comptes à rendre. Ça, c’est le premier aspect. C’est lui qui sait pourquoi il l’a fait. Maintenant, s’il estime qu’il ne peut plus travailler avec lui, il est libre. Normalement, on doit le féliciter et l’applaudir parce qu’au moins, quoiqu’il arrive, pour nous, une transition, un gouvernement qui reste pendant 2 ans, pour moi c’est trop. Mais c’est à titre personnel. Je vais toujours dire que c’est de son pouvoir discrétionnaire de nommer qui il veut et son pouvoir discrétionnaire n’est l’objet d’aucun contrôle. Donc il ne faut même pas en parler. Peu importent les raisons de la dissolution du gouvernement.

Selon vous, qu’est-ce qui a prévalu à cette dissolution du gouvernement ?

Le président de la République peut à tout moment renvoyer ses ministres. Mais quand-même, en tant qu’observateur, je prends deux faits, mais de simples spéculations, parce que je ne sais pas qu’est-ce qui a motivé la décision de la dissolution. Quand je fais un regard externe, je dirais que le Premier ministre a fait des évaluations des ministres et le résultat n’était pas éloquent. Lui-même a dit sur une des évaluations qu’un ministre a eu zéro. Le second aspect, nous avons constaté quand-même un disfonctionnement. Lorsqu’un Premier ministre donne des ordres à un de ses ministres et que ce dernier n’exécute pas ces ordres, est-ce qu’on peut parler d’un chef de gouvernement ? Donc pour nous, c’est déjà suffisant ces deux aspects à l’absence de résultats et l’absence de collégialité. Alors qu’un gouvernement, c’est collégial. Par défaut de collégialité, il faut le renvoyer. Ça, c’est le regard externe.

Faut-il reconduire certains ministres ou non dans le futur gouvernement ?

Franchement, je n’ai pas le résultat de l’évaluation des ministres. Dans un monde de communication, on est trop informé ; mais souvent, on n’est pas bien informé parce qu’on n’a pas la bonne information. A travers les coupures de presse et les interventions des ministres, nous ne pouvons pas tirer l’essentiel. Parce que je n’ai vu aucun des ministres, quoiqu’on dise, que le résultat n’est pas bon, qu’on n’a pas été à la hauteur des attentes. Je n’ai vu aucun ministre à la télévision pour dire que dans mon département, ça ne va pas. Pour dire alors qu’il les reconduise, il faut voir les résultats ; et si on n’a pas les résultats, on peut indexer des gens qui doivent être reconduits, parce que dans la gestion publique, quelqu’un peut paraître meilleur, mais au fond, vous pouvez le trouver plus médiocre. Il faut donc se méfier de la publicité publique qui peut être différente des faits réels sur le terrain.

Avec la nomination d’un futur nouveau gouvernement, l’appel aux acteurs politiques, de la société civile et le CNRD autour de la table pour un dialogue, dit-on inclusif est-il imminent ?

Si on comptabilise, on peut dire qu’il y a eu un entretien, un dialogue inter-guinéen, même si ce dialogue n’a pas eu de résultats. Mais ce qui a été dit que le dialogue est ouvert. Ça veut dire que les acteurs qui ne sont pas impliqués peuvent à tout moment le rejoindre, s’impliquer. Donc pour moi, c’est une occasion comme on dit que le résultat du dialogue est là et que le dialogue n’est pas fermé, qu’on vienne rejoindre, discuter et faire des propositions, et qu’on se prononce sur le résultat déjà obtenus et faire des propositions. Moi, je comprends comme ça. Mais quand on dit dialogue, il faut tenir compte de la définition du mot inclusif. Lorsque des acteurs non moins importants n’ont pas participé, il faut reconnaître que ça n’a pas été inclusif. Pour rendre inclusif, il faut faire venir tout le monde. En tout cas, si on tient à la dénomination du processus “dialogue inclusif et inter-guinéen”. Peut-être on profitera de l’occasion pour mettre en place un nouveau cadre de dialogue tout en comptabilisant les acquis. J’ai une idée sur le rapport du dialogue qui indique qu’il y a des acquis qu’on pourra probablement améliorer. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a quelque chose quand-même. La Guinée a besoin d’un dialogue inclusif et inter-guinéen. Je suis pour cela.

Le prochain gouvernement doit-il être un gouvernement d’union nationale ou composé de technocrates ? Quelle doit-être sa forme ?

Je pourrais mieux donner si vous savez la mission à lui assigner. Ça relève du pouvoir discrétionnaire et personnel du Chef de l’Etat.

Les restrictions de l’internet semblent être levées. En tout cas, dans la journée de ce vendredi, nombreux sont des citoyens qui se connectent sur internet sans passer par un VPN. Ça représente quoi pour vous ?

Je suis très content de cette levée des restrictions sur internet. Je fais 80% de mes travaux avec internet. Parce que je suis chercheur. Alors, si je ne peux pas accéder à l’internet et faire facilement mes travaux à travers l’internet, je fonctionne à 20% de mes capacités. Parce que je suis obligé de lire les livres que vous avez derrière moi ici, et ça ne suffit pas parce que ces livres, certains ont vieilli, il y a des dispositions dépassées, et pour être sûr, je dois mettre ces livres à jour à travers les recherches et sur internet. Si je n’ai pas accès à l’internet, ça veut dire que je fonctionne à 20%. Donc, si les restrictions sont levées, je suis le premier à danser. Parce que ma vie dépend aujourd’hui de l’internet. Si je n’ai pas l’internet, mes travaux, je ne peux pas les envoyer à gauche ou à droite. Je communique avec des institutions de pays étrangers, si je ne peux pas dans ce cas leur envoyer mes articles, en ce moment, je ne peux pas avoir de l’argent. Je suis très content aujourd’hui, si l’Etat a levé les restrictions. Je souhaite que pour les centres de recherche, même à titre privé, que le prix de l’internet soit encore plus bas et qu’on puisse se connecter à tout moment.

Propos recueillis par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com  

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