Massacre du 28 septembre : la question de la requalification des faits « bloque » le procès

Ibrahima Sory 2 Tounkara, président du tribunal criminel de Dixinn

Malgré la décision du tribunal de reporter sa décision sur la requalification des faits réclamée par le ministère public, cette question met un coup d’arrêt au procès. En effet, la défense a sollicité et obtenu la suspension des audiences jusqu’à ce que sa requête adressée à la Cour d’appel de Conakry soit examinée, a constaté Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

Après les débats houleux qui ont eu lieu la semaine autour de la demande du parquet de requalifier les faits poursuivis en crimes contre l’humanité, le procès des événements du 28 septembre 2009 devait connaître une nouvelle phase ce lundi, 25 mars 2024, avec le début de la confrontation des accusés. Mais dès l’ouverture de l’audience, le président du tribunal a annoncé avoir reçu une requête aux fins de sursis à statuer déposée par les avocats de la défense. Ibrahima Sory 2 Tounkara a donc donné la parole aux deux représentants désignés par la défense pour défendre cette demande.

« Cette demande de sursis à statuer est consécutive à l’appel interjeté contre le jugement avant dire droit qui a été prononcé ici à l’audience du 21 mars 2024, suivi d’une requête déposée au greffe de la Cour d’appel de Conakry, en application des dispositions des articles 591 et 592 du Code de procédure pénale », a introduit Me Pépé Antoine Lama, avocat du capitaine Moussa Dadis Camara, avant de revenir sur les raisons qui ont motivé cette démarche. « Après trois jours de débats houleux, la question que nous avions bien voulu que le tribunal tranche n’a pas été tranchée puisque le tribunal a décidé de joindre cette affaire au fond. La défense étant insatisfaite, a estimé qu’elle ne pouvait pas continuer dans cette situation qui ne rassurait pas les personnes dont elle a la charge de défendre.

Raison pour laquelle elle a fait usage des voies de recours que la loi lui offre. On n’est pas venus ici pour savoir ou discuter si notre recours est fondé ou pas fondé, la question qui se pose ici est de savoir : est-ce que les débats doivent continuer pendant que la défense a exercé un recours contre une décision dont l’appréciation est d’une utilité indispensable pour l’issue des débats ? Nous, nous estimons que sur le fondement des textes que nous venons de citer, et au regard des actes que nous avons posés et en raison de l’incidence que l’appréciation de cette question peut avoir sur la suite des débats, il est sage et même d’une bonne administration de la justice que le tribunal ordonne le sursis à statuer jusqu’à ce que cette question soit définitivement examinée », estime cet avocat de la défense, dont les propos ont été soutenus par son confrère Me Lancinet Sylla.

La juridiction a ensuite recueilli les avis du ministère public et de la partie civile, qui se sont tous les deux opposés à la demande de la défense. Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn, Algassimou Diallo, a indiqué que les dispositions citées par les conseils des accusés (les articles 591 et 592 du Code de procédure pénale) ne peuvent pas s’appliquer en pareil cas, étant donné que le tribunal n’a pas encore tranché la question de la requalification des faits. Une position partagée par la partie civile, qui voit la démarche de la défense comme une volonté de bloquer le procès.

« Quand un juge décide de joindre un incident au fond, cela signifie qu’il ne s’est pas prononcé. Dès lors que vous ne vous êtes pas prononcé, monsieur le président, sur la question de la requalification, je ne vois pas par quel miracle la défense peut interjeter appel contre une telle mesure d’administration judiciaire. Ça, c’est une question élémentaire. Monsieur le président, je crois que, dans sa volonté manifeste de prendre en otage le procès, est en train de nous amuser. C’est pourquoi, je vous demande très respectueusement, étant donné que la demande est manifestement mal fondée, de passer purement et simplement outre. Nous, nous tenons à ce que les débats continuent dans cette affaire », a déclaré Me Alpha Amadou DS Bah, avocat de la partie civile.

Après avoir écouté toutes les parties, le tribunal a décidé de donner une suite favorable à la requête de la défense, en ordonnant le sursis à statuer en attendant la décision de la Cour d’appel de Conakry concernant le recours exercé par les avocats des accusés.

Alpha Diallo pour Guineematin.com

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