Conakry : 5 léonais et un guinéen jugés pour le trafic de plus de 2 000 kg de cocaïne

L’État guinéen, représenté par l’agent judiciaire de l’État, poursuit le guinéen Simon Délamou, et 5 léonais pour détention, transport, trafic illicite de stupéfiants et complicité. Leur procès s’est ouvert ce lundi, 22 avril 2024, au tribunal de première instance de Kaloum. A tour de rôle, les accusés, qui nient les faits, ont expliqué ce qui s’est passé dans cette affaire devant le juge Ousmane Sylla, avec un feu roulant de questions du ministère public, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les 6 accusés dans cette affaire sont en détention préventive à la maison centrale de Conakry depuis le 3 août 2022. Il s’agit de Simon Délamou, Hassan Maria Conteh, Juma Barrie, Jonathan Formah, Al hadj Bangoura, Vandy Kamara, jugés pour détention, transport, trafic illicite de stupéfiants et complicité. Des faits prévus et réprimés par les articles 19, 20, 823 du code pénal.

Selon nos informations, les faits se sont déroulés le 27 juin 2022. Un bateau en provenance de la Sierra Leone est arraisonné par la brigade de sécurité flottante de la marine nationale dans les eaux guinéennes, à 10 km des côtes de Boffa vers 19h. Jonathan Formah, Vandy Kamara, Simon Délamou, Alhassane Maria Conteh, Aladji Bangoura et Juma Barrie constituaient les membres de l’équipage. Les fouilles effectuées dans le bateau avaient abouti à la saisie de 2 318 plaquettes de cocaïne importée, d’un poids total de 2 605,1 kg. Le 22 août 2022, quelques 2 317 plaquettes ont été calcinées. 1 plaquette a été conservée pour les besoins de la procédure.

Appelé à la barre, Simon Délamou, né en 1978 à N’Zérékoré, navigateur depuis 1998, capitaine du bateau lors des faits, a nié les faits. « J’ai reçu un appel le 25 juin de la part de Kerfalla Pastoria Camara. Il me dit qu’il a acheté un bateau de pêche et veut que je vienne le trouver en Sierra Leone prendre le bateau pour Conakry. J’ai répondu que ma femme est enceinte, je ne peux pas y aller. Il m’a dit, si tu viens, on ne va pas passer la nuit. J’ai dit ok. J’ai demandé si le bateau a une autorisation pour aller à Conakry. Il m’a dit oui. Il m’a dit d’envoyer le bateau à Conakry et on va faire une licence de pêche. Le 26 juin, il m’a rappelé le matin en disant que si je viens ce matin, la nuit on sera à Conakry. J’ai dit OK. Le 26 vers 16h, j’ai bougé et je suis arrivé vers 19h. Ils m’ont logé à l’hôtel. Le matin, Kerfalla m’a dit de partir avec les cinq membres d’équipage Léonais. Il m’a remis leurs passeports, comme je suis le capitaine. Ce sont eux qui m’ont trouvé dans le bateau. On est sorti. Une fois que nous sommes arrivés dans la zone guinéenne, il m’a appelé pour dire de me rendre à Boffa. J’ai répondu qu’il n’y a beaucoup de carburant. Il m’a dit qu’il doit récupérer un colis se trouvant dans le bateau à Boffa. J’ai réagi en demandant pourquoi il ne m’a pas dit cela avant. Il a rétorqué que je suis le capitaine, ça ne doit pas m’intéresser. Il y a eu des insultes entre nous. Je voulais ramener le bateau en Sierra Leone. Il a dit : envoie le bateau, je vais augmenter le carburant. Quand on a fini de parler, notre bateau s’est croisé avec la Marine guinéenne. Quand la marine a fouillé le bateau, ils ont vu un sac contenant des plaquettes de cocaïne. Ils nous ont ordonnés de nous rendre au port de Conakry. Je ne sais pas qui a donné mon numéro à Kerfalla Pastoria Camara. Je ne le connais pas. C’est la seule fois qu’on a parlé. Il m’a dit qu’il a acheté un bateau mais souhaite avoir une licence guinéenne à Conakry. Pour cela, il a pris une autorisation pour arriver en Guinée. Je ne connaissais pas les travailleurs. J’ai vérifié l’intérieur du bateau sans rien constater d’anormal », a-t-il expliqué.

Prenant la parole, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Kaloum, Mamoudou Magassouba, a posé des questions au capitaine du bateau Simon Délamou. « Monsieur Kerfalla vous a proposé de vous payer 3 000 dollars pour ce voyage entre la Sierra Leone à Boulbinet. Sachant que c’est ce montant que reçoit un capitaine mensuellement d’après vous, cela ne vous a pas tiqué ? »

« C’est un risque parce que la navigation est un risque, surtout d’un pays à un autre », répond l’accusé.

« Vous naviguez comme les autres, qu’est-ce qui fait que votre risque soit plus élevé qu’eux ? La navigation est un risque. Quand il y a un problème, c’est le capitaine qui prend le pot cassé ».

Le procureur revient à la charge. « Vous inspectez le navire sans trouver d’anormal d’après ce que vous avez dit au tribunal, soit vous connaissez le contenu ou vous n’avez pas du tout fouillé, qu’est-ce que le tribunal doit retenir ? ». « Je ne connais pas. Si c’était un bateau de transport ou nouveau bateau, tu peux sentir. J’ai regardé la calle, elle était vide… »

« Connaissiez-vous les membres de l’équipage ? interroge le chef du parquet de Kaloum. Non, rétorque l’accusé.

« Monsieur le Président, c’est de cette manière que travaille les cartels de drogue. Ils réunissent des gens qui ne se connaissent pas », va commenter Mamoudou Magassouba.

« Je ne sais rien de cette affaire. Ce n’était pas facile de trouver là où il y avait les sacs. Je n’ai aucune affinité avec l’équipage. Pas de contact entre eux et moi », va réitérer Simon Délamou.

Pour sa part, Jonathan Formah va expliquer les circonstances qui l’ont conduit à la barre. « Je ne reconnais pas les faits. J’étais dans ma maison. J’ai reçu un appel d’Abdoulaye Bangoura me demandant si je suis Jonathan. J’ai dit oui. Abdoulaye m’a dit qu’il a un navire au port de Freetown. Il veut que je vienne dans ce bateau pour travailler avec lui. Il m’a dit de venir le matin au port… Je lui ai demandé quel est mon salaire ? Il m’a dit que c’est 2 millions de francs guinéens. J’ai dit ok, mais que je ne peux pas travailler sans papier. Abdoulaye m’a répondu que quand le bateau sera à Conakry, le lendemain, on va rencontrer le patron du bateau, Kerfalla Pastoria Camara pour signer. Le matin, quand je suis arrivé au port, on m’a montré le bateau. J’ai appelé Abdoulaye Bangoura et ce dernier m’a demandé si le capitaine est à bord, j’ai dit oui. Je me suis présenté au capitaine. Quelques heures après, on a quitté le port pour Conakry. Je n’avais aucune activité dans le bateau, je dormais. Quand on venait à Conakry, on a entendu des coups de feu. Quand je me suis levé, j’ai vu les militaires. Ils ont dit au capitaine d’arrêter le bateau. Ils ont demandé à l’équipage de monter. Ils se sont mis à fouiller le bateau et trouver les sacs sous le plancher », a-t-déclaré.

Même son de cloche chez Vandy Kamara, mécanicien de profession. « Mohamed m’a appelé pour me qu’ils ont un navire qui doit aller à Conakry. Il a donné mon numéro à une personne. J’ai reçu un appel d’un certain Moustapha. Moustapha m’a dit qu’il y a un bateau qui doit aller à Conakry pour la pêche. Si je suis prêt, j’ai dit oui. Le matin, je suis allé au port. J’ai demandé à propos de mon salaire. Il m’a demandé combien que je dois te payer. Je lui ai dit 10 millions leones. Quand je prendrai la licence à Conakry, nous en parlerons. Quand je suis venu, j’ai appelé Mohamed. Il m’a dit que c’est un navire qui appartient à l’entreprise. On m’a appelé le 26 juin 2022 pour venir au navire. Le 27, quand je suis venu, ils ont pris mon passeport. Qu’ils vont aller à Conakry. Je suis allé me coucher… »

Ensuite, ce fut le tour de Juma Barrie, également mécanicien, de donner sa version des faits. « John m’a appelé de venir le 26 juin pour travailler au bateau. Il m’a dit que lendemain, le 27 juin, je dois commencer. John m’a dit que le bateau était au port de Freetown. Je lui ai demandé combien je dois être payé. Il a dit que c’est le propriétaire qui le sait. Je lui ai dit aide moi à travailler dans le bateau. Le 27 juin, il m’a dit que le bateau devait venir à Conakry. Quand je suis venu au port de Freetown, j’ai vu John. Il m’a dit que le bateau est là. J’ai vu beaucoup de personnes dans le bateau le soir. Mon boulot, c’était la pêche. Nous nous sommes embarqués pour Conakry. À l’entrée de Conakry, les militaires sont montés fouiller le bateau. Ils ont fouillé l’intérieur du bateau. Ils brisaient les trucs à l’intérieur. Ils ont vu un sac et demandé ce que c’était ? On a dit qu’on ne savait pas. Ils ont dit d’aller au port de Conakry. Le matin, ils ont pris beaucoup de sacs. Ils ont trouvé que c’était de la cocaïne. Et nous avons dit que nous ne savions pas que cela se trouvait à l’intérieur ».

Dans la même lancée, Aladji Bangoura réfute les faits. « J’étais chez moi. Je dormais. Je me suis levé pour la prière. J’ai trouvé un appel en absence. J’ai rappelé le numéro qui est au bout du fil. Il a dit que c’est ton ami Ibrahima de l’entreprise « Tongaye ». Il m’a demandé si je travaille. Je lui ai dit que ça fait 7 mois que je suis sans travail. Cet ami Ibrahima m’a dit que quelqu’un vient de Conakry, il va acheter un bateau, qu’il a besoin d’un équipage. Il m’a demandé si je peux travailler avec lui. Ibrahima m’a dit d’appeler Moustapha… Moustapha m’a dit que son frère guinéen compte acheter un bateau et il a besoin de cinq membres d’équipage. J’ai parlé avec Moustapha d’être payé à 2 millions 500 mille GNF en tant que cuisinier. Il m’a dit d’attendre à Conakry. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans le bateau », raconte ce cuisinier Léonais.

Le dernier accusé à comparaître à la barre est cet autre léonais, Hassane Marie Conteh, pêcheur ordinaire, qui ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. « C’était le 26 juin. J’ai reçu un appel d’Abdoulaye. Il m’a dit qu’il y a un bateau de Shera fishry qui doit venir à Conakry pour pêcher. Arrivé au port, de demander Moustapha… Je me suis vu avec Moustapha le 26 juin au Port de Freetown vers 18h. Il m’a parlé du bateau qui doit aller à Conakry. Il a pris mon passeport. Il m’a dit de revenir le lendemain matin du 27 juin… Je lui ai demandé à propos de mon salaire, mais rien n’a été conclu. Je suis monté dans le bateau… Je dormais et j’ai entendu la voix de Juma Barrie disant de sortir. En me levant, j’ai entendu des coups de feu. Les militaires sont montés dans le bateau…Quand j’ai su que c’était de la drogue, j’ai pris ma tête… », soutient Conteh.

Après ces dépositions, le tribunal a déclaré les débats clos avant de renvoyer le dossier au 6 mai 2024 pour les plaidoiries et réquisitions. Par ailleurs, il a émis un mandat d’arrêt contre Kerfalla Pastoria Camara, propriétaire du bateau ; Abdoulaye Bangoura ; Abdoulaye Cissé ; Moustapha ; John ; et Trésor.

Boubacar Diallo pour Guineematin.com

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