Guinée : un enseignant-chercheur dénonce le choix du Nimba comme branding national et va saisir la justice

Mamadou Yaya Baldé, enseignant-chercheur

Le Nimba, qui fait office de branding de la Guinée depuis l’avènement du CNRD au pouvoir, est diversement apprécié dans l’opinion. A l’occasion d’une conférence de presse animée ce jeudi, 30 mai 2024, à Conakry, l’enseignant-chercheur Mamadou Yaya Baldé, conférencier du jour, désapprouve les démarches de l’État qui fait du masque Nimba sa marque. Pour lui, l’État viole le principe de la laïcité en choisissant le signe d’une religion pour vendre l’image du pays à l’extérieur. Il appelle l’État à retirer ce masque ; à défaut, des avocats seront constitués pour attaquer le décret du président de la transition créant la coordination nationale du branding Guinée, rapporte l’équipe de Guineematin.com déployée à la maison de la presse.

Mamadou Yaya Baldé, enseignant-chercheur, a fait un exposé sur le thème « quand l’État viole le principe de la laïcité ». Selon lui, le masque Nimba est une divinité adorée par certains guinéens. « Le masque Nimba était utilisé par les Baga comme divinité, et ils pensaient que cela leur apportait de bons augures et leur permettait d’avoir une bonne production dans les champs. Donc, chaque année, on faisait circuler ce masque dans tout le territoire Baga, pensant que cela apportait l’abondance et une bonne récolte. Mais, il se trouve qu’aujourd’hui, la majeure partie des Baga est devenue musulmane ou chrétienne, donc seuls quelques-uns sont restés animistes », a dit Monsieur Baldé.

 Pour lui, étant un pays laïc, la Guinée ne devrait pas prendre comme symbole quelque chose de religieux. « La laïcité est un principe de séparation de l’État et de la religion, cela est connu de tout le monde. Donc, cela signifie que l’État n’a pas à se mêler de ce qui est religieux, encore moins prendre quelque chose de religieux comme symbole. Maintenant, en vertu de quoi l’État s’immisce-t-il dans les affaires de la religion ? La Guinée est fondée sur le principe de la République, la laïcité, la liberté et la démocratie. La Guinée n’est pas un pays où la charia de l’islam est pratiquée, ni un pays où les lois chrétiennes sont en vigueur comme au Vatican. Alors, je ne comprends pas pourquoi l’État chercherait un masque qui relève d’une autre religion et le prendrait comme symbole national », dit-il.

Selon lui, en faisant du masque Nimba le symbole national du branding, la Guinée a violé la charte de la transition en ses articles 3 et 7 qui gouvernent le pays actuellement : « En Guinée, actuellement, c’est la charte de la transition qui fait office de constitution. Mais si vous regardez l’article 3 de cette charte, il est dit que la Guinée est un État laïc, souverain ; c’est une République, un État social et démocratique. Donc, même dans ce texte de loi, la laïcité est consacrée. Si vous allez à l’article 7 de cette même charte, il est dit que quiconque tente de remettre en question le principe de la laïcité, de la République, de la liberté, de la démocratie et de l’unicité de la Guinée, sera poursuivi pour haute trahison. Aujourd’hui, on voit l’État aller chercher un masque qui relève d’une autre religion et prendre ce masque comme branding. Nous ne sommes pas d’accord, parce qu’on met en danger les principes de la République. Donc, c’est une boîte de Pandore qui est ouverte. Demain, les chrétiens diront qu’ils veulent la croix sur les documents administratifs, après les musulmans diront qu’ils veulent le croissant lunaire, et cela deviendra de la pagaille. L’animisme n’est pas la seule religion en Guinée. Au début, j’ai pensé que cela n’allait pas prendre des proportions inquiétantes, mais vu que je suis enseignant, j’ai retrouvé ce document sur lequel les élèves doivent faire les examens avec le Nimba. Que tu le veuilles ou pas, tu dois accepter. Là, je suis déçu ; je ne suis pas d’accord avec le gouvernement. J’invite l’État à revenir en arrière pour organiser un débat national pour que tout le monde se prononce », fait-il savoir.

Dans les jours à venir, cet enseignant-chercheur, fervent opposant du symbole du branding national, compte mettre en place un mouvement non violent qu’il appelle « NON au BRANDING ». Plus loin, il dit que des avocats seront saisis pour attaquer en justice le décret du président de la transition créant la coordination nationale du branding Guinée.

Abdoulaye N’Koya SYLLA et Hassanatou Bah pour Guineematin.com

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