Le procès d’Aboubacar Camara, guérisseur traditionnel, communément appelé « terre-à-terre », a pris fin ce mardi, 4 mai 2024, au tribunal criminel de Mafanco. Traduit en justice pour des faits de viol sur une mineure de 11 ans, il a été reconnu coupable et condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Pourtant, il a systématiquement nié les faits tout au long de son procès, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.
Selon nos informations, c’est au mois d’octobre 2023 que ce viol aurait été commis sur la personne de AC, âgée de 11 ans au moment des faits. Cependant, durant toute sa déposition, Aboubacar Camara, en détention préventive depuis le 25 octobre 2023, a nié les faits.
« J’ai commencé à guérir les gens, en dehors de la Guinée. Si vous venez chez moi, c’est le Coran et des chapelets que vous trouvez. C’est le médicament qui se trouve dans le Coran que j’utilise pour soigner les gens. Ils sont venus le jeudi 17 octobre 2022 chez moi, au nombre de 3 personnes. Ils ont dit que la fille AC est suivie par les diables. Quand je l’ai consultée, je leur ai dit qu’elle n’est pas suivie par les diables. Mais, elle souffrait. J’ai lavé sa tête qui lui faisait mal. Le lendemain, elles sont venues à deux. Là aussi, je lui ai remis du produit. Je suis sorti de la chambre. Je lui ai dit de faire vite, les autres aussi vont rentrer. Le 3ème jour, le même rituel a continué. Ils ont apporté 180 mille francs guinéens. Quand elles sont parties, elles ne sont pas venues le dimanche. Le lundi, on m’a envoyé une convocation, en disant que j’ai couché avec elle. Moi, mon éducation, ma réputation, ne me permettent pas de faire ça », a déclaré terre à terre.
Pour sa part, le représentant de la victime, Lansana Condé, est revenu sur les circonstances dans lesquelles ce viol a été commis. « C’était un samedi, aux environs de 21 heures. J’étais en train de manger, ma femme est venue en pleurant. Elle m’a dit qu’Aboubacar Camara « terre à terre » a violé AC. Je lui ai demandé comment s’est passé. Elle m’a dit que AC était allée avec sa grande sœur chez le guérisseur pour se faire soigner. Et il a demandé à tout le monde de sortir. Il a étalé une natte et il a demandé à la fille AC de se coucher. C’est là qu’il a abusé d’elle. Comme elle se plaignait, on l’a envoyée à l’hôpital où ils ont le viol. La famille de terre à terre nous a approchés pour faire la négociation. Ils nous ont proposé 200 millions de francs guinéens pour qu’on abandonne l’affaire. Mais, on n’a pas accepté », a expliqué le représentant de la fille.
Après cette déposition, la victime, étant mineure, a été entendue à huis clos en chambre de conseil. Au retour du huis clos, qui a duré 2 heures d’horloge, le tribunal a déclaré les débats clos et a ordonné la tenue des réquisitions et plaidoiries.
Prenant la parole pour ses réquisitions, le procureur Kanfory Ibrahima Camara a dit être convaincu qu’il y a eu viol. C’est la raison pour laquelle il va demander au tribunal de le condamner à 15 ans de réclusion criminelle. « Monsieur Camara s’est couché sur elle. Et il a abusé d’elle. Après son désir sexuel, il a menacé la fille de ne pas dire ça à quelqu’un d’autre. Mais monsieur Camara nie systématiquement les faits. C’est à travers les démarches de la fille que la famille a su ce qui lui est arrivée. Et de fil en aiguille, elle a fini par dire ce qui lui est arrivé. Le viol est devenue monnaie courante dans notre pays. Et les filles mineures sont les plus exposées. Elle a réitéré en chambre de conseil ce qui lui est arrivé. Mais, monsieur Camara continue à nier les faits… La fille a dit qu’il y a eu pénétration sexuelle. Il l’a terrassée, en mettant un mouchoir dans sa bouche pour l’empêcher de pleurer. Même la mort pouvait arrivée ce jour. Elle a été violentée. Donc, tous les éléments constitutifs du viol sont constitués à l’encontre d’Aboubacar Camara. Par rapport à tous ces faits, vous le retiendrez dans les liens de la prévention de viol. Pour la répression, vous le condamnerez à 15 ans de réclusion criminelle », a requis le procureur Kanfory Ibrahima Camara.
La défense quant à elle prétend qu’il n’y a pas eu de viol dans cette affaire. L’avocat estime que cela est un montage et qu’il n’y a aucune preuve qui atteste qu’il y a eu viol. Il va demander également au tribunal d’écarter le rapport médico-légal versé au dossier.
« Aboubacar Camara a été surpris et stupéfait quand on lui a dit qu’il a violé AC. Au cours des débats qui ont eu lieu ici, il y a un véritable doute. On déclare que le viol aurait eu lieu le jeudi. Alors que ce jour, ils étaient au nombre de 3 chez le guérisseur. On dit que la fille a été terrassée, cette version du procureur ne peut pas passer. On ne peut pas faire ça à une fille de 11 ans, sans qu’il y ait des cris. C’est un montage. Il n’y a aucune preuve dans cette affaire. Après cette épreuve, la fille, âgée de 11 ans, a marché au moins 3 kilomètres. Le lendemain elle est revenue à pied chez le guérisseur. Ensuite, il n’y a eu aucun saignement. Une fille de 11 ans qui aurait été victime d’une agression sexuelle, sans saignement… il y a une énigme dans cette affaire. On ne peut pas compter sur ce rapport médico-légal. Méfions-nous de ce rapport médico-légal. Écartez-le. Je vous appelle à l’examen des faits. Terre à terre ne peut pas faire ça dans son lieu de travail. Ce n’est pas possible. Qu’on apprend à respecter les gens dans ce pays. Ce dossier est vide. Renvoyez Aboubacar Camara des fins de la poursuite pour crime de viol non constitué à son égard », a plaidé l’avocat de la défense.
En rendant sa décision, le tribunal a déclaré Aboubacar Camara, alias terre-à-terre, coupable des faits de viol mis à sa charge. Pour la répression, il est condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com
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