Centre national d’orthopédie de Conakry : « Imaginez 4 techniciens spécialisés pour toute la Guinée »

Ousmane Abdel Fofana, Orthophoniste de formation, chef service du centre national d'orthopédie de Guinée

Le Centre national d’orthopédie situé à Donka dans la Commune de Dixinn est un service qui donne des soins aux personnes victimes de déformation, aux handicapés avec des appareillages orthopédiques. Mais, ce service connaît d’énormes difficultés qui empêchent son bon fonctionnement dans un contexte où la demande est de plus en plus forte. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, ce mercredi 12 Juin 2024, le chef service du Centre national d’orthopédie, Ousmane Abdel Fofana, évoque les difficultés que rencontre ce centre qui n’a que 4 techniciens pour un pays peuplé d’environ 14 millions d’habitants. Il en a profité pour demander l’aide de l’État afin de fournir les ressources nécessaires pour le fonctionnement du centre.

Ousmane Abdel Fofana, chef service du centre national d’orthopédie de Guinée, revient sur le fonctionnement du service d’orthopédie. « Le centre national d’orthopédie est un service socio-sanitaire qui dispense des soins et des appareillages orthopédiques. Il a pour mission la réhabilitation et la réinsertion socioprofessionnelle des personnes handicapées. La réhabilitation signifie aider cette personne à restaurer son autonomie de marche à l’aide d’un appareil orthopédique. La réinsertion professionnelle signifie que la personne qui a perdu une jambe suite à un accident ou à une maladie quelconque, automatiquement va perdre son emploi, parce qu’elle ne sera plus apte à travailler ou à exercer un métier. Alors, donner cet appareil à cette personne et restaurer son autonomie de marche permet à la personne de reprendre sa profession. La réadaptation sociale veut dire que cette même personne qui a perdu un de ses membres, un segment de ses membres, ou est né avec une déformation, n’a pas la liberté d’intégrer la société, la famille. À l’aide de cet appareil orthopédique, la personne a la possibilité de vaquer à ses occupations quotidiennes, de se réintégrer au sein de la communauté », a expliqué Ousmane Abdel Fofana.

Par ailleurs, le chef du Centre national d’orthopédie a fait savoir qu’il y a 3 à 4 types d’appareils utilisés sur les patients pour leur permettre de se tirer d’affaires.

« L’appareillage orthopédique est un domaine très vaste, mais qui concerne spécifiquement les hommes, la locomotion, c’est-à-dire les os. Ici, au centre d’orthopédie, nous avons 3 à 4 appareils que nous réalisons. Dans la première catégorie, nous avons des prothèses destinées aux personnes amputées. Suite à un accident, suite à une maladie, la personne perd un segment de membre ou le membre en entier. Nous avons ce type d’appareil pour remplacer ce membre qui n’existe plus. La deuxième catégorie, ce sont les prothèses qui sont destinées à soutenir un membre qui existe déjà. C’est-à-dire que le membre existe, mais il est déficient. Il y a aussi que le patient a un membre qui existe, mais qui est déformé. Alors, il faut faire ce type d’appareil qu’on appelle Orthèse pour permettre à la personne de corriger cette déformation en fonction de la croissance osseuse. C’est pourquoi, dans notre procédure de traitement, la prise en charge précoce est la stratégie la mieux adaptée. La 3ème catégorie, c’est tout ce qui concerne le tronc, soit la déformation ou les maladies. Il y a des maladies, quand ça attaque le tronc, les os, ça déforme. C’est pourquoi vous verrez des gens qui ont des bosses. Vous verrez d’autres qui sont victimes de la tuberculose extra pulmonaire qui fragilise les os et la colonne vertébrale, où il suffit seulement d’un petit mouvement pour qu’on assiste à une fracture. La 4ème catégorie d’appareil orthopédique que nous réalisons, ce sont les attelles qui sont destinées aux enfants, les nouveaux nés, mais qui naissent avec une déformation congénitale, c’est-à-dire depuis le ventre de leur maman. Donc, il faut corriger ces déformations. C’est là l’importance de la rééducation à travers la correction placée qu’on appelle la ténotomie, où on corrige par une méthode conservatoire, on n’ouvre pas. Il y a aussi la rééducation fonctionnelle. A travers cette rééducation, nous avons la possibilité, notamment les patients victimes d’AVC, d’arthrite et d’accidents sur la voie publique, de traumatisme quelconque. Après le traitement médical, il s’installe ici, Il faut rééduquer ce membre pour qu’il reprenne le mouvement habituel, afin de permettre à la personne de se déplacer », a fait savoir notre interlocuteur.

En outre, Ousmane Abdel Fofana a évoqué les difficultés que le centre rencontre. « La première difficulté que le centre traverse, c’est l’insuffisance des ressources humaines spécialisées. Il y a eu deux promotions qui se sont succédé. Au retour, ils ont été versés dans la production. Il fallait attendre de 1972, année de création du centre, jusqu’à 1998 pour bénéficier de l’appui d’une ONG qu’on appelle handicap international, pour former une autre équipe, et pendant ce temps, la toute première équipe, une bonne partie était déjà à la retraite. Donc, il a fallu l’appui d’handicap international pour former une deuxième équipe à l’école nationale de Lomé. Parce-que la formation en Orthopédie est une formation spécialisée, qui n’est pas encore dans le cursus de formation de nos écoles. Donc, ils étaient au nombre de cinq. Actuellement, ils sont au nombre de quatre. Imaginez quatre techniciens d’orthopédie spécialisée pour une population d’environ 14 millions d’habitants, c’est très peu. La deuxième difficulté, c’est l’équipement, ce qu’on utilise ici jusqu’à maintenant c’est depuis 1972. Alors, c’est pour dire que, malgré le fait que les gens sont formés, mais avec l’évolution de la technique Orthopédique, l’équipement ne répond plus. Heureusement, le Centre national d’orthopédie, avec l’appui de l’ambassade d’Allemagne en Guinée, a signé un contrat avec une ONG allemande qui a aidé le centre en équipements. Ce sont de nouveaux équipements, de la dernière génération. Mais qui ne sont pas encore fonctionnels, parce que ça nécessite un changement de matériaux pour pouvoir les utiliser… »

Les deux dernières difficultés rencontrées par le Centre national d’orthopédie sont des problèmes de locaux et de logistique. « La 3ème difficulté, je crois ça va bientôt être un souvenir pour nous, ce sont les locaux qui ne sont plus adaptés. A ce niveau, l’État guinéen a engagé un projet de reconstruction du centre national d’orthopédie. C’est un bâtiment en chantier qui, malheureusement depuis 2013, il y a eu la pose de la première pierre avec une entreprise locale qui n’a pas été à la hauteur de ses engagements. Les fonds ont été décaissés, le chantier traîne. La 4ème difficulté, ce sont les moyens logistiques. Un malade qui se trouve à N’zérékoré, Lola, Yomou, est obligé de se déplacer jusqu’à Conakry. Alors, nous avons initié depuis un certain temps des séries de mesures, c’est-à-dire, c’est le centre d’orthopédie qui va vers les patients. Mais, nous n’avons pas les moyens de déplacement pour faire tout ce parcours de la Guinée. Le centre national a aussi créé avec l’appui de Handicap international des antennes à l’intérieur du pays, une antenne à Kankan et à N’zérékoré. Nous avons, dans la perspective, la création des centres régionaux d’appareillages orthopédiques pour que nous soyons beaucoup plus près de nos patients. Nous demandons l’acheminement des travaux de reconstruction du centre, parce qu’actuellement, nous occupons des locaux qui ne sont ni adaptés, ni appropriés pour un centre orthopédique. C’est juste pour nous permettre de maintenir le service minimum. Ensuite il ne s’agit pas seulement de construire, mais il faut équiper… »

Pour finir, Ousmane Abdel Fofana demande l’aide de l’État pour que le centre puisse sortir de l’ornière. « Que l’État accepte d’accompagner le centre national d’orthopédie pour l’équiper afin que le centre fonctionne très bien. Que l’État accompagne également le centre dans la formation. Quatre techniciens orthopédiques pour tout le pays, c’est peu. C’est un grand défi qu’on ne peut relever sans l’appui de l’État. Je pense que les autorités sont engagées dans ce sens. Aussi, nous sommes un EPA, nous avons la latitude de former, d’encadrer les employés en attendant qu’on bénéficie d’un appui quelconque pour les envoyer à l’extérieur du pays. Cela nécessite un accompagnement. Voilà ce cri de cœur que je lance à l’endroit des autorités pour aider le centre à aller de l’avant. Le besoin est énorme compte-tenu de l’évolution des maladies invalidantes », a-t-il lancé.

Bâtiment inachevé du centre Orthopédique

 

Ismaël Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 624 693 333

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