Justice : ce que risque le journaliste Babila Keita dans le dossier qui l’oppose à Charles Wright

Mamoudou Babila Keita, Directeur du site Inquisiteur.net

Le procès du journaliste Mamoudou Babila Kéita, poursuivi pour diffamation par voie de presse au préjudice de l’ancien ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, en était aux réquisitions et plaidoiries ce jeudi 27 juin 2024. Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Mafanco, Kanfory Ibrahima Camara, a requis la condamnation du directeur de publication du site inquisiteur.net à une peine pécuniaire de 3 millions de francs guinéens. Le chef du parquet a également requis la suspension du site d’informations et du journaliste pour une durée de 3 mois. Pourtant, Babila ne cesse de clamer son innocence dans cette affaire, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Renvoyée à cette date pour les réquisitions et plaidoiries, cette audience a connu la relance des débats à la demande du procureur, Ibrahima Kanfory Camara. À l’ouverture de l’audience, le procureur a tenu à soulever un passage de l’article qui dit ceci au ministre Wright : « qu’il a présenté une politique pénale qui peine à rassurer les guinéens… »

Dans sa réplique, Mamoudou Babila Keita a fait cas notamment des dénonciations sur les contrats du projet de rénovation du palais du peuple, un contrat minier au Ministère des Mines, la passation du marché du projet de rénovation de la maison centrale de Conakry. Le journaliste a également fait mention du cas de quatre entreprises dont la société Belco sarl, Wagué et frères et GIE dont le contrat de passation des marchés publics a violé le code de passation des marchés publics, selon lui.

Séance tenante, l’avocat de la défense, Me Sidiki Bérété, a fait part d’une préoccupation. Après avoir adressé une requête à qui de droit dans ce sens, l’avocat a fait savoir à la barre qu’il doute de l’impartialité du juge en charge de ce dossier, Souleymane 1 Traoré, au regard, selon lui, des liens d’amitié de celui-ci avec la partie civile (Alphonse Charles Wright). Maître Bérété a sollicité du juge audiencier de s’abstenir pour dit-il un cas de conscience. « M. le juge, vous êtes sérieux, vous avez un avenir mais vous avez un cas de conscience devant vous. Dessaisissez-vous », a lancé Me Bérété.

En réponse à cette requête soulevée par la défense, Me Lancinet Sylla, avocat de la partie civile, a estimé qu’on n’est pas dans une procédure de récusation. Mieux, selon lui, la requête devrait être adressée au président de la Cour suprême pour une suspicion légitime ou récusation d’un magistrat. Il a par ailleurs demandé au tribunal de passer outre cette requête « manifestement illégale » et d’ordonner la continuation des débats.

Le ministère public va également opter pour la continuation des débats parce que selon lui, le juge audiencier est un magistrat aguerri et responsable.

Au terme de ces discussions, le juge Souleymane 1 Traoré, accusé d’être un ami intime de l’ancien ministre de la justice, Alphonse Charles Wright, va répondre : « Je ne peux pas être le juge de ma propre abstention. Mieux encore, je ne peux pas prendre une décision sans fondement juridique », a lancé le juge.

Ce qui a conduit à l’ouverture des réquisitions et plaidoiries.

La parole est revenue aux avocats de la partie civile pour leurs plaidoiries. En prenant la parole, Me Bernard Saa Dissi Millimouno s’est adossé sur la sanction disciplinaire infligée au journaliste par la HAC (Haute Autorité de la Communication). Pour l’avocat, Mamoudou Babila n’a jamais apporté la moindre preuve de ses allégations devant le conseil de discipline de la HAC. Mieux, il a reconnu n’avoir mené aucune démarche auprès de celui qu’il accuse pour recouper son information. C’est à l’issue de cela que la HAC a pris une sanction disciplinaire à la hauteur de la faute commise, a dit maitre Millimouno. « C’est pourquoi, nous estimons que le prévenu est dans le cadre de la défiance institutionnelle et dans le cadre de l’acharnement contre le ministre Charles Wright. C’est pourquoi ces faits constituent une atteinte grave à l’honneur et à la considération de la personne d’Alphonse Charles Wright ».

En se plongeant dans la lecture de l’article de presse mis en cause, intitulé « Ministère de la Justice : parfum de corruption autour de la rénovation de la maison centrale de Conakry (enquête exclusive) », l’avocat en déduit que cette démarche du journaliste met en doute l’indépendance de la justice et accuse le ministre Charles Wright de corruption. « Ce sont des contre-vérités, M. le juge », affirme l’avocat.

En outre, maitre Millimouno soutient que tous ces éléments sont constitutifs d’infraction. « Par conséquent, monsieur le président, veuillez recevoir M. Alphonse Charles Wright dans sa constitution de partie civile. Condamnez le prévenu au paiement d’un franc symbolique à la partie civile. Ordonnez la suspension du site et de son administrateur pour un délai de trois mois et ordonnez la publicité de la décision dans trois journaux de place ».

Abondant dans le même sens, Me Lancinet Sylla a de son côté rappelé les valeurs qu’incarne le ministre, arguant que Charles Wright a été atteint dans son honneur. « Le prévenu a décidé de mettre l’honneur de cet homme dans la boue. On ne doit pas narguer les institutions », soutient-t-il. Selon lui, ces agissements sont constitutifs de l’infraction de diffamation par voie de presse.

En prenant la parole pour ses réquisitions, le procureur de la République, représentant le ministère public, a estimé qu’il y a une dose d’acharnement non pas contre le département de la justice mais contre la personne du ministre Charles Wright. « Des allégations diffamatoires et fantaisistes », dit le procureur Kanfory Ibrahima Camara. « C’est pourquoi, je vous prie, monsieur le président, de retenir Mamoudou Babila Keita dans les liens de diffamation par voie de presse. En application des articles 98, 108, 148 et 141 de la loi L02 portant sur la liberté de la presse, de condamner Mamoudou Babila Keita au paiement de 3 millions de francs guinéens. Et d’ordonner la destruction suppression) de l’article intitulé “Ministère de la Justice : parfum de corruption autour de la rénovation de la maison centrale de Conakry enquête exclusive”

Dans sa ligne de défense, Me Sidiki Bérété, avocat de la défense, a réitéré à l’entame de sa plaidoirie qu’il y a eu bel et bien de la corruption dans ce cas révélé par son client. Pour lui, l’administrateur général du site inquisiteur.net n’a fait que révéler des cas de corruption sur un montant de 64 milliards GNF, sur la base des preuves détaillées à la barre. « Ces faits ne sont pas inventés et c’est à bon droit », soutient l’avocat. C’est pourquoi, je plaide la relaxe de mon client, sur le fondement de l’article 544 du code de procédure pénal pour délit non constitué à son égard ».

Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 8 juillet 2024.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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