Fraudes au BEPC : plusieurs enseignants jugés à Dalaba

Justice de paix de Dalaba

“Mes chefs hiérarchiques (le DPE et le chef section pédagogique) m’ont dit de ne pas reconnaître les faits, de dire que le téléphone appartient à une candidate. Mais moi je ne peux pas nier, parce que les photos de ma famille étaient dans le téléphone”, a déclaré l’enseignant Amadou Barry.

La justice de paix de Dalaba a entendu hier, mercredi 3 juillet 2024, huit enseignants accusés d’avoir commis des actes de fraude lors du déroulement du Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Ces enseignants sont poursuivis par l’Etat guinéen à travers le ministère de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation, représenté dans cette affaire par la direction préfectorale de l’éducation (DPE) de Dalaba et l’inspection régionale de l’éducation (IRE) de Mamou. Mais à la barre, c’est un seul prévenu, Amadou Barry, qui a reconnu les faits mis à sa charge. Les autres prévenus ont réfuté en bloc toutes les charges articulées contre eux devant cette juridiction, rapporte le correspondant de Guineematin.com à Dalaba.

C’est monsieur Amadou Barry qui a ouvert le bal des dépositions devant cette juridiction. Il a surveillé le BEPC. Et à l’en croire, c’est lors de la troisième journée qu’il a été surpris avec un téléphone Android dans une salle d’examen.

« C’est la 3ème journée que le superviseur m’a surpris dans la salle numéro 01, il m’a appelé, fouillé et trouvé le téléphone avec moi, il m’a fait sortir….. Le lendemain, on m’a appelé à la gendarmerie pour m’entendre. Mes chefs hiérarchiques (le DPE et le chef section pédagogique) m’ont dit de ne pas reconnaître les faits, de dire que le téléphone appartient à une candidate. Mais moi je ne peux pas nier, parce que les photos de ma famille étaient dans le téléphone. C’est le rapporteur, monsieur Souleymane Saran Keïta, qui introduisait les sujets traités. Il l’a fait en physique et géographie. Je ne sais pas qui traitait les sujets et je n’ai pas cherché à le savoir aussi. Je l’ai fait sans condition aussi, mais j’ai été obligé. Je l’ai fait sous la pression de mes chefs », a-t-il déclaré pour sa défense.

Appelé à la barre pour répondre des allégations portées contre lui par Amadou Barry, le prévenu Souleymane Saran Keïta a clamé son innocence dans cette affaire. Il a aussi présenté son accusateur comme un frustré qui tente de l’emporter dans sa chute.

« Effectivement j’étais le rapporteur du centre, mais je ne me suis pas impliqué dans le cas de fraude. Je ne connais rien de ce qui s’est passé. Pour monsieur Amadou Barry, moi je suis son supérieur hiérarchique. Mais je peux certainement prendre des décisions impopulaires. Pour moi, monsieur Barry a parlé de cela juste parce qu’il n’a pas été retenu sur la liste des correcteurs, sinon je ne sais pas pourquoi il me dénonce », a-t-il indiqué.

Abondant dans le même sens que Souleymane Saran Keïta, cet autre prévenu, Alhassane Kouyaté, chef section pédagogique et vice-président des centres d’examens, a réfuté les accusations articulées contre lui par son co-prévenu, Amadou Barry. Il a aussi indexé monsieur Mamadou Lamine Baldé (le SAF) comme un jaloux qui est contre sa promotion.

« Je suis accusé d’avoir introduit des documents, mais je ne sais rien de ça. Mon rôle est de recevoir les délégués, les loger, m’occuper de leur restauration. J’ai trouvé Mamadou Lamine Baldé (le SAF) dans le centre, je me suis posé la question de savoir le pourquoi. C’est ainsi que j’ai informé le DPE de la présence de monsieur Mamadou Lamine Baldé qui ne faisait partie d’aucune commission. C’est ainsi que le DPE est venu. Après nous nous sommes rendus dans le bureau du DPE où le SAF, Mamadou Lamine Baldé, nous a montré des images vidéos où il y avait une personne qui marchait, il y avait les pieds qui sortaient, mais je ne connais pas la circonstance. Je suis désagréablement surpris d’entendre que monsieur le DPE peut influencer quelqu’un à introduire un document dans une salle. Pour le ministre, c’est un parent d’élève qui lui a envoyé les vidéos. Mais par après, celui qui a envoyé les vidéos s’est dénoncé lui-même. Il est contre ma promotion, j’ai été averti par certains dans mon bureau, me disant de faire attention avec Baldé SAF. Je n’ai jamais donné une copie à un surveillant, ils sont là et ils peuvent le témoigner. S’il me dénonce, certainement il a ses raisons que moi j’ignore. Sinon entre nous, c’est le chef et son subordonné. Pour moi, c’est un règlement de compte », a-t-il martelé.

Accusé d’avoir participé à un groupe WhatsApp, cet autre enseignant, Gnankoye Kpoghomou, a clamé son innocence devant le juge.

« Le ministre était venu dans notre centre pour demander à rencontrer certains enseignants. Il dit que je suis impliqué dans une situation de fraude à travers un groupe whatsapp et m’a dit que si cela est effectif il va me faire sortir de la fonction publique. Moi j’étais dans la salle 08, je n’ai rien fait, ni participé à un groupe whatsapp », s’est-il défendu.

Cet autre prévenu, Naby Laye Youssouf Camara, vice-président du centre d’examen, indique qu’il est blanc comme neige dans cette affaire.

« Je ne me reproche rien, seul le DPE sait pourquoi je suis là. Le ministre est arrivé à l’avant dernier jour du BEPC, il m’a demandé quelle est la salle la plus proche, j’ai dit que c’est la salle numéro 09. Dans cette salle, lui-même a fouillé plusieurs élèves. Pour la fraude, je ne peux ni nier, ni affirmer », a-t-il dit?

Poursuivi également dans cette affaire, Mamadou Samba Diallo, le directeur des études du collège du Centre, dit qu’il y a certainement erreur sur la personne.

« J’ai reçu un appel téléphonique du DPE me disant de venir sans délai. Il m’a dit : monsieur Diallo, je porte plainte contre vous. Il a élaboré la plainte et m’a dit de ne pas paniquer et de repartir pour se présenter à la gendarmerie le lendemain. Sauf que je suis surpris et déçu. Je n’étais pas surveillant, ni rapporteur de l’examen, je ne me suis mêlé de rien. Certainement ils m’ont confondu au Censeur. Moi je suis le directeur des études », a-t-il soutenu.

Devant cette juridiction, Mme Hassanatou Diakité a aussi nié les accusations portées contre elle.

« Le mercredi, 19 juin 2024, j’ai été appelée par monsieur Naby Laye Youssouf Camara dans la première salle. A ma sortie, c’est le ministre que je vois devant moi, il m’a montré mon image dans un téléphone, j’ai dit que l’image était moi-même, où j’avais une copie du sujet du 1er jour et non un sujet traité », a-t-elle dit.

Abondant dans le même sens, cette autre enseignante, Mme Kadiatou Oumar Baldé a dit qu’elle n’a rien à voir avec les cas de fraude qu’on lui colle à la peau.

« J’étais avec Mme Hassatou Diakité, après avoir porté le sujet au tableau, elle faisait la lecture du sujet pour voir s’il n’y a pas d’erreur, cela s’est passé dans notre salle. Je suis appelée parce que lorsqu’un individu prenait sa photo, j’étais avec elle dans la même salle. Lorsque le ministre m’a appelée, j’étais dans la salle numéro 04. Je ne connais rien de ce qui s’est passé », s’est-elle défendu.

Appelé à la barre en qualité de partie civile, Ibrahima Diakité, le DPE de Dalaba, a dit que c’est sur instruction du ministre de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation, Jean Paul Cedy, qu’il a porté plainte contre ces enseignants. Il y a aussi botté en touche les allégations formulées contre lui par le prévenu Amadou Barry.

« J’ai été instruit par monsieur le ministre qui avait reçu des informations de la part d’un parent d’élèves. Il m’a montré des images et m’a demandé si je connaissais celle qui se trouvait sur l’image. C’est ainsi qu’il m’a instruit de porter plainte. Cela concernait cinq (5) enseignants pour la première plainte. Moi je ne peux pas conseiller monsieur Amadou Barry de ne pas dire la vérité, il est majeur, ce qu’il dit sur moi n’est pas vrai. C’est le ministre qui les a convoqués, pas moi. Je confirme avoir entendu dans une image vidéo monsieur Gnankoye Kpoghomou dire : continuez ! Mais je ne sais pas ce que cela veut dire… J’ai toujours donné des conseils aux élèves en leur demandant de compter sur eux-mêmes », a-t-il indiqué.

Dans cette affaire, Amadou Soumah, l’inspecteur régional de l’éducation de Mamou, souhaite que les coupables soient punis à la hauteur de leur forfaiture.

« Le ministre de l’enseignement pré-universitaire et de l’alphabétisation m’a ordonné de venir assister à cette audience en tant que partie civile. Nous voulons que les coupables soient punis. On s’était réunis avant d’arriver ici, je leur ai demandé de dire la vérité », a-t-il dit.

Entendu à titre de témoin dans cette affaire, Mamadou Lamine Baldé (le SAF) a accusé le DPE Ibrahima Diakité de laxisme.

« C’est le premier jour que j’ai vu monsieur Alhassane Kouyaté distribuer des copies traitées dans la salle. Je lui ai posé la question de savoir le pourquoi, il m’a répondu que c’est quelque chose qui est planifié. C’est ainsi que j’ai filmé et photographié des surveillants, j’ai montré les images au DPE, il m’a dit de les supprimer, il n’a pas pris ses responsabilités. J’ai transféré les images à monsieur le ministre, et il s’est déplacé pour venir à Dalaba », a-t-il témoigné.

Au terme de ces dépositions, le juge de paix a renvoyé l’affaire au 10 juillet prochain pour la suite des débats.

De Dalaba, Hammady Sow pour Guineematin.com

Facebook Comments Box