Mme Diaby Madina Daff sur la réussite de la Transition en Guinée : « il faut l’implication de la junte féminine »

Madame Diaby Madina Daff, présidente du forum des femmes de Guinée pour la paix

Présidente du ‘’Forum des Femmes de Guinée’’, madame Diaby Madina Daff suit attentivement le processus de Transition en cours dans notre pays le 05 septembre dernier. Elle salue certains actes déjà posés par le CNRD au pouvoir, mais se désole que la situation de la femme soit laissée à la traine. Elle déplore notamment la faible représentativité des femmes au gouvernement et au CNT, mais aussi la récurrence des violences en leur égard en cette période où la justice est la boussole qui est censée guider les actions de citoyen.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com dimanche dernier, 13 février 2022, madame Diaby Madina Daff a plaidé pour une plus grande implication des femmes dans cette transition. Car, elle assure que la réussite de cette transition dépend en grande partie du niveau d’implication de la femme.

Décryptage !

Guineematin.com: Quel doit être le rôle de la junte féminine dans cette Transition en cours dans notre pays ?

Madame Diaby Madina Daff : vous n’êtes pas sans savoir que tout repose sur la femme en général. Une transition, c’est une période un peu spéciale. Et, pour que cette spécificité soit apaisée, il faut l’accompagnement de la junte féminine. Parce que qui dit femme, dit paix, amour, réconciliation, vérité,  humilité. Donc, la transition, pour sa réussite, a besoin de cette junte féminine. Je souhaiterais que les autorités de cette transition prenne ça en compte et qu’elles notifient qu’il faut l’accompagnement de la femme dans le processus de la transition.  Au delà de ce processus de transition, il faut la femme pour un développement durable, une société harmonieuse et heureuse.

Guineematin.com: Selon vous, quelle est l’attente particulière de la junte féminine par rapport au pouvoir du CNRD ? 

Madame Diaby Madina Daff : L’attente est vraiment énorme. Vous savez, les femmes gagnent leur vie difficilement et elles sont les premières victimes. En cas de conflit, c’est soit ton enfant, soit ton mari, soit ton frère,  ton père, ton oncle qui est touché. Donc, en aucun cas la femme ne peut échapper à une violence de quelle que nature qu’elle soit. Et, vous savez aussi, elle est la première à se lever et la dernière à se coucher. Donc, cette femme a besoin de l’accompagnement des nouvelles autorités en termes de justice sur les violences faites aux femmes, les viols sur mineurs. Sans la justice, ça ne peut pas aller. La femme est victime sur toute la ligne. Donc, elle attend énormément du CNRD. Parce que quand on dit qu’un homme en uniforme à pris le pouvoir, nous estimons qu’il a l’habitude de défendre la nation toute entière.  Maintenant qu’il est venu au pouvoir, il doit pouvoir défendre les personnes vulnérables. Et, Dieu seul sait que la femme est vulnérable. Elle est vulnérable dans la mesure où elle subit sur toute la ligne. Donc, en tant que présidente du forum des femmes de Guinée pour la paix,  nous attendons un accompagnement apaisé. C’est à dire l’implication de la femme dans les prises de décision, dans le processus de la transition. Nous attendons d’être impliquées entièrement.

Guineematin.com: Le président de la transition avait promis la représentativité de la femme guinéenne à hauteur de 30% dans le gouvernement et dans le CNT. Aujourd’hui quel est votre regard par rapport au respect de cet engagement ?

Madame Diaby Madina Daff : Je dirai que dans ce cadre le président de la transition n’a pas tenu à 100% son engagement. Vu que la junte féminine représente plus de 52% de la population. Mais, au niveau du gouvernement on n’a pas les 30% et au CNT on n’a pas les 30%. Donc, je dirai que l’engagement n’a pas été tenu.

Guineematin.com : Beaucoup d’observateurs croient que cette faible représentativité des femmes au niveau des instances de décision s’explique surtout par leur faible niveau de formation. Est-ce que vous êtes de cet avis ? 

Madame Diaby Madina Daff : Je vais vous racontez une petite histoire que j’ai eu à vivre avec une femme. Ça s’est passé  en 2010 entre les deux tours. Je suis venue rencontrer une dame pour la sensibiliser et pour qu’elle nous accompagne dans le cadre de la réconciliation entre les familles qui se déchiraient à cause de la politique. Elle ne parle même pas un mot français. Je lui ai dit : maman, pourquoi vous ne voulez pas nous accompagner. Elle me dit : ah, vous estimez qu’on n’a  pas étudié. Donc, puisqu’on n’a pas étudié, on n’a pas l’expérience de la vie. J’ai dit : OK, alors dans cette histoire là, moi je vous écoute. Elle m’a dit : les femmes qui se trouvent dans les marchés, vous les transformez en clubs de paix. Elle a dit ça dans ça en langue soussou. Elle a dit : elles vont nettoyer le marché et ça sera leur participation citoyenne. Est-ce qu’on a besoin d’aller à l’école pour ça ? J’ai dit : non. Elle dit, donner des conseils aux chefs de quartiers pour que le quartier soit propre, est-ce qu’on a besoin d’aller à l’école pour ça ? J’ai dit : non. Je suis d’accord avec toi. Aujourd’hui, elle est  la 3ème personnalité. Elle est chargée des projets au sein du forum des femmes de Guinée pour la paix. Elle s’appelle Mama Aissata  Bangoura, elle est au quartier Hafia dans la commune de Ratoma. Aujourd’hui, par ses conseils, par son implication, elle est la pièce maîtresse au sein du forum des femmes de Guinée pour la paix. Donc, moi je dirai que dire que les femmes sont analphabètes ou non, moi je suis d’accord avec vous. Mais, je souhaiterais que ça soit corrigé par le gouvernement aussi. Il y a le ministre de l’alphabétisation, il y a des ONGs qui sont là. Il suffit de les accompagner pour alphabétiser les femmes. On n’a pas besoin de sortir de la Sorbonne pour faire une action citoyenne dans son pays, pour être  patriote.

Guineematin.com : quel bilan dressez-vous des 5 mois de gestion de la Guinée par le colonel Mamady Doumbouya et son équipe?

Madame Diaby Madina Daff : Je remercie le colonel Mamady Doumbouya et son équipe pour les actes qui sont déjà posés ; mais, nous attendons un peu plus. Je vous ai parlé de cette parité au sein du gouvernement. Je viens aussi de vous parler des violences qui continuent pendant le CNRD. Je vous rappelle encore que des petites filles sont détruites. Tout ça, qui va le gérer ? C’est la justice. Je les remercie par rapport à la création d’une structure qui lutte contre la gabegie financière, le détournement des deniers publics. Mais, il n’y a pas que le côté finances, il n’y a pas que des bandits à col blancs. Il y a les bandits qui sont en train de violer les petites filles. Donc, sans la justice, ça ne peut pas aller. Pour créer de l’emploi ici, il faut rassurer les partenaires aux développements. Mais, personne ne viendra investir s’il sait qu’il va investir et perdre. Ça, c’est la justice qui doit jouer son rôle. Mais, comme il a promis que cette justice sera la boussole de la transition, nous le suivons. Les femmes le suivent de près. Nous l’accompagnons pour le moment, parce qu’il pose des actes positifs. Il y a des ratés, c’est humain ; mais, il y a quand-même des actes très positifs qui nous encouragent et qui donnent de l’espoir.

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 58 95 27/664 41 32 27

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