Les méga projets de la compagnie chinoise TBEA en Guinée : une guinéenne grugée

Le PDG Zhang Xin et Hadja Hamidé Sako reçus pour la première fois par le président Alpha Condé

Le chef de l’État a lancé le vendredi 19 janvier 2018 les gigantesques travaux de la compagnie chinoise TBEA pour un financement de 10 milliards de dollars. Il s’attribue le beau rôle mais en réalité c’est la femme d’affaires guinéenne Hadja Hamidé Sako qui a facilité ces projets, du début à la fin. Elle est finalement écartée par TBEA, qui est soutenue par le président Alpha Condé, et ses droits sont bafoués. Femme de caractère, elle compte recourir à tous les moyens légaux.

Les travaux de TBEA porteront sur la construction d’un barrage hydroélectrique à Amaria (dans la préfecture de Dubréka), d’une capacité de production énergétique de 600 mégawatts, l’exploitation de la riche bauxite de Santou (dans la préfecture de Télimélé), une voie ferrée minière de 169 kilomètres, un port en eau profonde à Tayigbé, une fonderie d’aluminium et une centrale thermique de 64 mégawatts.

D’abord, entente et collaboration

La compagnie chinoise TBEA Co Ltd n’avait aucun contact en Guinée jusqu’au jour où elle approche la directrice générale d’AFRIRESSOURCES PLUS, Hadja Hamidé Sako. Le 21 avril 2017, dans un élan enthousiaste, TBEA signe avec la femme d’affaires guinéenne un contrat de partenariat visant son implantation en Guinée et l’obtention de marchés dans les secteurs minier et hydroélectrique. Selon le contrat, Hadja Hamidé Sako devient consultante et partenaire de la compagnie chinoise. La convivialité règne, TBEA procède à un début d’exécution. Ce premier geste est certes modeste mais il montre bien que le contrat est entré en vigueur.

Hadja Hamidé Sako en Chine, dans sa chaise roulante poussée par le PDG de TBEA Zhang Xin

Malgré sa santé chancelante, qui l’oblige à se déplacer en chaise roulante, la femme d’affaires Hadja Hamidé Sako met alors tout son argent et toute son énergie à implanter en Guinée le géant chinois de l’hydroélectrique. Elle facilite aux dirigeants de la compagnie chinoise l’obtention des visas d’entrée en Guinée, elle les héberge. Plusieurs voyages sont faits. Ensemble ils démarchent inlassablement l’administration et le gouvernement guinéens. Cela dure des mois. Elle leur ouvre toutes les portes utiles dans le pays et effectue, avec des officiels guinéens, des visites en Chine qui établissent la crédibilité financière de TBEA Co Ltd et la pertinence de ses projets en Guinée.

Les démarches aboutissent finalement à la signature de protocoles d’accord et ensuite de conventions entre le gouvernement guinéen et la compagnie chinoise TBEA Co Ltd portant sur les mégaprojets lancés en grande pompe, le vendredi 19 janvier 2018, par le président de la république en mettant à l’écart la citoyenne qui en est l’alpha et l’oméga.

Or, TBEA Co Ltd notifie sa satisfaction à sa partenaire guinéenne AFRIRESSOURCES PLUS SARL et salue expressément la coopération et l’indispensable appui que la directrice générale Hadja Hamidé Sako a apportés auprès des autorités guinéennes. En l’article 4 du contrat, TBEA s’engage à payer à AFRIRESSOURCES, dès la signature des conventions avec le gouvernement guinéen, des honoraires de consultance calculés à un pourcentage convenu de l’investissement total. La compagnie doit également verser un pourcentage des bénéfices qui seront générés par chacun des projets.

Ensuite, le président Alpha Condé s’en mêle, les Chinois larguent Hadja Hamidé Sako

La compagnie chinoise TBEA a désormais dans ses attachés-cases les conventions après lesquelles elle soupirait et qu’elle n’aurait manifestement pas obtenues sans l’implication de sa partenaire guinéenne. Les deux parties sont d’abord reçues chaleureusement par le président Alpha Condé. Il remercie Hadja Hamidé Sako pour son travail à la fois remarquable et utile au pays. Par la suite, quand il découvre les énormes enjeux financiers du contrat liant la Guinéenne aux Chinois, il la prend en grippe. Les dirigeants de TBEA ont apparemment fait leur œuvre. Parvenus à leurs fins, ils trouvent inutile de s’encombrer d’une simple citoyenne guinéenne s’ils peuvent traiter directement avec la plus haute autorité du pays. Forts de ce puissant soutien, ils se dérobent à leurs obligations contractuelles envers leur partenaire Hadja Hamidé Sako. Elle ne perçoit pas ses émoluments.

Pourtant en Chine, après la signature des conventions, la dame et TBEA avaient trouvé un nouvel accord et la compagnie était prête à l’exécuter. Hadja rentre à Conakry confiante. Les Chinois lui diront ensuite que le président Alpha Condé leur a demandé le largage de la dame et qu’il s’oppose catégoriquement à tout payement de ses émoluments.

Parce qu’elle n’abandonne pas son combat pour ses droits, Hadja Hamidé Sako est convoquée à Sèkhoutoureya. Dans son palais, devant les Chinois, le président traite sans ménagement la citoyenne guinéenne lésée. Il menace de l’emprisonner ainsi que son avocat maître Adama Kourouma parce que ce dernier demande sans désemparer au PDG de TBEA, Zhang Xin, de respecter les clauses du contrat signé avec AFRIRESSOURCES. La dame tient tête au président, les nerfs s’emballent. Le président dit haut et fort que la société TBEA n’a plus besoin de partenaire privé en Guinée à partir du moment où elle traite avec lui, le chef de l’État. Séance tenante, il demande aux Chinois de rompre le contrat avec Hadja Hamidé Sako et de lui faire juste une maigre consolation. Il dicte lui-même le montant (un quatre-centième des honoraires fixés dans le contrat). La dame refuse de prendre cette obole humiliante et s’en va. Et voilà ses projets désormais récupérés par le président, qui signera avec les Chinois à… Dubaï.

Néanmoins, Hadja Hamidé Sako préfère d’abord user de voies non pénales pour faire valoir ses droits auprès de TBEA. Ainsi, à la requête de la société AFRIRESSOURCES PLUS SARL, les huissiers de justice associés près les cours et tribunaux maîtres Aboubacar Camara et Boubacar Télimélé Sylla signifient, pour toutes fins utiles, à Zhang Xin, le président-directeur général de TBEA Co Ltd, une correspondance datée du 15 Septembre 2015 de l’avocat maître Adama Kourouma lui demandant de « respecter les dispositions des points 3, 4, 5 et 9 du contrat en date du 17 avril 2017 ».

Cette correspondance reste sans suite.

Le 21 Septembre 2017, le conseil français d’AFRIRESSOURCES maître Julien Aubier, basé à Paris, adresse lui aussi un mail au PDG Zhang Xin dans lequel il lui fait copie du courrier qui a été adressé à celui-ci le 15 septembre 2017 à ses bureaux de Conakry par maître Adama Kourouma concernant « la situation entre TBEA et la société AFRIRESSOURCES PLUS SARL ». L’avocat français rappelle à Zhang Xin que sa cliente attend une réponse de sa part « au plus tard le 25 septembre, afin de pouvoir trouver une issue favorable aux deux parties et ainsi permettre de mener à bien le projet sur lequel TBEA et AFRIRESSOURCES PLUS SARL travaillent depuis de longs mois maintenant ».

Ce mail aussi est royalement ignoré par TBEA.

Le 29 Septembre 2017, maître Adama Kourouma adresse une nouvelle correspondance à Zhang Xin où il évoque les engagements que sa compagnie a pris et les investissements réalisés par AFRIRESSOURCES PLUS dans le cadre du contrat du 21 avril 2017. L’avocat informe Zhang Xin que la société AFRIRESSOURCES PLUS SARL est disposée à un règlement amiable du point de discorde que constitue la modification du contrat que la compagnie TBEA Co Ltd impose unilatéralement à sa partenaire. L’avocat précise toutefois que l’aboutissement amiable n’est possible que si AFRIRESSOURCES PLUS SARL reçoit « une juste compensation financière au regard de l’ensemble du travail et de l’apport déjà réalisés par elle ».

Cette troisième correspondance reste sans suite, elle aussi.

De guerre lasse, la vieille dame Hadja Hamidé Sako grugée par TBEA adresse, le 9 octobre 2017, un mémo circonstancié à l’ambassadeur de Chine en Guinée et demande son arbitrage. Le diplomate, sans doute informé des dessous de l’affaire et intimidé, reste silencieux. Il marche sur des œufs ! Le président Alpha Condé a toujours dit qu’il renverrait par le premier avion tout ambassadeur qui se mettrait en travers de son chemin.

Une immixtion présidentielle arbitraire

Selon les juristes interrogés, le président de la république s’est immiscé arbitrairement dans une affaire concernant une société privée étrangère et sa partenaire privée nationale, du moins en ce qui concerne le contrat liant ces deux parties indépendamment de toute convention avec le gouvernement guinéen. Par ailleurs, en s’imposant en personne comme seul interlocuteur de TBEA, le chef de l’État a outrepassé ses droits, disent les juristes.

Dans tout autre pays, même dans les républiques bananières, le président prend fait et cause pour son compatriote injustement traité par un étranger dans son propre pays. Chez nous, c’est le contraire.

Hadja Hamidé Sako est certes une veuve malade et impotente qui se bat pour assurer ses vieux jours et l’avenir de ses enfants et petits-enfants. Elle ne manque cependant pas de ténacité. Elle se dit prête à obtenir réparation du tort qui lui est fait. Elle envisage d’abord un sit-in devant l’ambassade de Chine dont elle avait demandé en vain l’implication pour trouver un dénouement rapide et satisfaisant pour les deux parties et éviter ainsi l’esclandre d’une procédure judiciaire plus que préjudiciable à l’image des entreprises chinoises en Guinée et en Afrique.

Signature du contrat entre TBEA et Hadja Hamidé Sako, à son domicile, à Conakry

Si le sit-in ne prospère pas, elle prendra, dit-elle, la tête d’une manifestation de jeunes et de femmes de Kaloum où elle est née d’un compagnon de l’indépendance et où elle a grandi.

Si cette démonstration reste sans effet, elle est décidée à saisir les juridictions du pays et les juridictions supranationales, comme le tribunal arbitral de l’OHADA, mais également les tribunaux de Singapour et d’Europe compétents dans cette affaire, conformément au contrat bafoué par TBEA.

Déjà son intervention énergique sur les radios de Conakry ce weekend a créé l’émoi dans le public. Le scandale est total, ça se commente dans les salons huppés comme dans les chaumières. L’on commence à se demander si la mandature actuelle n’est pas qu’affairisme déguisé. Pourquoi, en effet, le président s’oppose-t-il à l’exécution du contrat qui lie les Chinois à Hadja Hamidé Sako ? Pourquoi refuse-t-il qu’ils payent ses émoluments ? Est-ce dans ses attributions de s’immiscer dans des affaires privées ? Ces questions sont aujourd’hui dans tous les esprits et intriguent l’opinion publique.

Une chose est sûre, l’ingérence injustifiée du président Alpha Condé dans le contrat qui lie la compagnie chinoise TBEA et sa partenaire guinéenne AFRIRESSOURCES PLUS est de nature à décourager les autres Guinéens à faire venir un quelconque investisseur étranger dans le pays. Si une fois l’affaire parvenue là-haut, on est purement et simplement écarté, personne ne voudra plus être le dindon de la farce.

Pour sa part, Hadja Hamidé Sako ne demande que le respect du contrat par TBEA. L’esclandre judiciaire n’est pas son objectif, sauf si on ne lui laisse pas le choix. Mais que faire lorsque nos droits individuels sont bafoués par le maître du pays en personne, qui plus est le président en exercice de l’Union africaine ? Quel recours a-t-on en pareille situation ? Se battre, se battre, se battre ! Par tous les moyens légaux et sur tous les fronts.

Ousmane Soumah, citoyen de Kaloum

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