Plénière sur les budgets sectoriels : le discours de Docteur Mahmoud Cissé, ministre de la Sécurité

Ministre de la Sécurité et de la protection civile, Mahmoud CisséComme annoncé précédemment, le ministre de la Sécurité et de la protection civile, Dr. Mahmoud Cissé, étaient parmi les ministres attendus ce jeudi 4 décembre 2014. Guineematin.com vous propose, ci-dessous, l’intégralité de la communication de Docteur Mahmoud Cissé :

 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Mesdames et Messieurs les honorables Présidents des commissions ,

Honorables députés ,

Mesdames et messieurs,
Chacun en ses grade et qualité,

Qu’il me soit permis, tout d’abord , de saluer avec satisfaction et déférence l’élection de l’Assemblée Nationale qui symbolise de manière éloquente le retour à une vie constitutionnelle normale dans notre pays désormais engagé inexorablement sur le chemin de la construction d’un État de droit.

Cela dit, je suis particulièrement heureux de me retrouver devant votre auguste Assemblée au cours de la session parlementaire de Loi de Finances 2015.
Comme vous le savez, il y a seulement un mois six (6) jours que j’ai pris fonction à la tête du département de la sécurité et de la protection civile, suite à la confiance qu’à bien voulu m’investir, Monsieur le Président de la République, le Professeur Alpha Condé.

Si la providence a fait que je me retrouve devant vous, aujourd’hui, au début de mon magistère, pour défendre mon budget, vous conviendrez avec moi que c’est plutôt une opportunité rare. Que la prise de fonction , en si peu de temps , d’un ministre coïncide avec la session budgétaire, ça c’est une grande chance, une très belle occasion à saisir.

Une autre chance.

Nous sommes à l’orée de la matérialisation, de la traduction dans les actes de la vison du chef de l’Etat, le Professeur, Alpha Condé, dans le domaine de la Réforme du Secteur de Sécurité.

En effet, la première reforme engagée par le Président de la République est la reforme des Forces de défense et de Sécurité.

Je prends donc les rênes du Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile au moment où la vision du chef de l’Etat pour ce secteur névralgique, dans la pure acception du terme,  n’a plus besoin que d’être mise en application.

Honorables députés,
En effet, la sécurité et la protection civile sont directement liées au développement.

Aucun développement n’est possible dans un contexte d’insécurité. A l’inverse, des carences en matière de gouvernance peuvent mener un pays à l’insécurité.

Aujourd’hui , il est établi que les capacités de nos forces de sécurité sont fortement affaiblies. Or, l’une des principales attentes des citoyens est que l’Etat soit en mesure de garantir leur sécurité : la sécurité de la vie, des biens et des droits politiques, économiques et sociaux.

Quoi de plus normal.

De plus en plus souvent, le concept de sécurité recouvre non seulement la sécurité de l’Etat, mais la vaste notion de sécurité de l’être humain, et notamment la capacité de vivre en liberté, en paix et en sûreté. Il s’agit à la fois d’un intérêt national et de droits
individuels.

De nos jours, la problématique de la sécurité a évolué.

On entend par sécurité, non seulement la sécurité de l’Etat et des citoyens, mais aussi la capacité des services à faire face aux menaces provenant de l’extérieur.

Une autre nouvelle donne réside dans le fait que l’efficacité des forces de sécurité est devenue un indicateur de bonne gouvernance.
C’est un signal fort aux investissements et au bien-être dans un pays.
Un levier du développement.

Honorables députés,
Voici planté le décor comme on a coutume de le dire.
Ne nous voilons pas la face. La sécurité aujourd’hui chez nous, par la force des choses, est devenue un grand problème à multiples facettes.

Étant donné que chaque problème mérite d’être résolu , je puis dire que c’est vous honorables députés , qui détenez la clé de la résolution du problème.

Pourquoi ? et quels sont les problèmes du secteur aujourd’hui ?

Primo, il ya un problème urgent de formation. 77% des 13 000 policiers et sapeurs pompiers, soit 10 000 ont besoin d’une mise à niveau immédiatement, si l’on veut exiger d’eux un comportement professionnel en conformité avec les exigences de l’heure, une police digne de ce nom.

Secondo, qui dit formation dit infrastructures.

En tout, nous ne possédons que deux écoles non encore achevées pour assurer la formation. La capacité totale de ces deux écoles n’excède pas 1 800 personnes, soit près du 10ème des besoins.

En fin Tertio , c’est un constat que vous vivez tous les jours, car c’est de la volatilité de la sécurité à Conakry qu’il est question.
L’insécurité est rampante dans la capitale, avec des pics qui sont en conjonction avec les turbulences politiques. Comme ce fut le cas tout le long de l’année 2013.

A cela, il convient de signaler qu’il existe d’autres réalités plus préoccupantes encore.

La population dans les villes a augmenté.

A Conakry, cette concentration est visible à l’œil nu. Cette concentration si elle est accompagnée de chômage, de l’oisiveté, de l’extension anarchique de la ville pour créer des quartiers périurbains qui se transformeront ensuite en ghettos, difficilement accessibles par les agents, la situation va davantage se compliquer.

Que dire des difficultés d’accès des sapeurs pompiers aux lieux en flammes, avec cette urbanisation anarchique, ces rues exigües, ces embouteillages qui  n’en finissent pas, de ce manque de civisme qui ne permet même plus aux usagers de ceder le passage aux secouristes, et j’en passe.

Honorables Députés,
Face à ces nombreux défis à relever, dont je n’ai cité que quelques uns, la police manque de tout. Faute de moyens (grenade lacrymogènes, boucliers, grenades assourdissantes …) et de formation adéquate.

Nos agents, les mains nues, sont parfois contraints de se défendre comme ils peuvent, en répondant aux jets de pierres par des jets de pierres. Cela s’est bien passé en 2013. Quand cela ne suffit pas, quand ils sont débordés, il n’est pas rare de les voir battre en
retraite, laissant derrière eux beaucoup de blessés, voire des morts.

Je ne vous apprends rien, en vous rappelant que le budget est l’instrument principal de mise en œuvre d’une vision, d’une politique. Il est l’un des déterminants de la réussite ou de l’échec d’une action. En guise d’illustration, s’il est besoin, la situation catastrophique de 2013, que l’on peut qualifier d’Annus Horribulis (d’année horrible) en matière de sécurité était imputable en partie à la faiblesse de la part du budget affecté à la sécurité.
En 2013, il avait été prévu, la réalisation de certaines infrastructures qui visait l‘amélioration de la couverture sécuritaire de Conakry. Le montant de dix neuf milliards, six cent soixante seize millions, trois cent millions GNF (19 676 300 000 GNF)  avait été inscrit pour y faire face. Ce montant devrait servir à former 4 015 nouveaux fonctionnaires nouvellement engagés.

En 2015, une ligne budgétaire, d’un montant de cent cinq milliards GNF (105 000 000 000 GNF) avait été acceptée. Finalement mon département se retrouve avec neuf milliards, cinquante millions GNF (9 050 000 000 GNF).

Au titre de l’année 2015, il était prévu la mise en place de nouvelles structures, à savoir : les services d’incendie et de secours à Labé, Kindia, Boké et Kankan, la CMIS à Siguiri, Kissidougou et Kamsar, les directions régionales de Police à Kankan, Kindia et Faranah.
Auxquelles  s’ajoute le siège de l’OPROGEM dont le rôle dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants  n’est plus à démontrer.

Que dire alors des menaces à la sécurité intérieure qui se profilent de l’extérieur et que la porosité des frontières et l’imprécision du tracé de celles-ci rendent de plus en plus prévisibles ?

Ainsi, du fait de son emplacement géographique, la Guinée a été sévèrement affectée par les conflits du Libéria et de la Sierra Léone, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau et à présent le Mali.

Un autre risque pour la sécurité de la Guinée lié aux dynamiques régionales est le trafic d’armes légères et de petit calibre et surtout de drogue dont le volume s’accroit constamment.
Monsieur le Président, Honorables Députés, Mesdames et Messieurs,

Loin d’épuiser le sujet, l’énumération que je viens de vous faire des enjeux que nous promet l’année 2015 vous permet néanmoins de vous faire une idée de  l’immensité de la détresse que le temps imparti à l’occasion de cette cérémonie ne saurait permettre de dépeindre dans
sa totalité.

Vous mesurez donc l’immensité de l’espoir qui m’habitait en abordant l’élaboration du budget 2015 de mon Département.
Cependant, à l’analyse du document issu des travaux préparatoires de votre auguste assemblée, force est pour moi d’exprimer le sentiment de frustration qui m’envahit.

En effet, si le projet initial de budget 2015 est de 277 213 000 000 gnf , l’on constate une diminution sévère de 9%par rapport au budget initial de 2014 qui était de 314 854 000 000 gnf .

Vous comprendrez honorables Députés que maintes préoccupations importantes exprimées par mon Département n’ont pas été prises en compte.

Honorables députés ;
N’oubliez pas l’agenda de  l’année 2015, qui sera une année électorale. La sécurité est l’affaire de tous, car l’insécurité ne choisit pas ses victimes. Elle n’a pas de prix. Elle exige de nous un sacrifice soutenu.

Honorables députés, la sécurité sera ce que vous aurez voulu qu’elle soit, en votant le budget à affecter à ce secteur, dont je viens de vous décrire les contours ainsi que les tenants et aboutissants de la problématique.

Nous n’avons pas le droit à l’erreur.
Je vous remercie.

Le ministre de la Sécurité et de la protection civile, Mahmoud Cissé

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