Rencontre de Sékhoutouréya : les erreurs que Cellou Dalein devait éviter

sékoutouréya Cellou et AlphaC’est désormais acté ! Le chef de l’Etat a eu 55 minutes exactement d’entretien avec le chef de file de l’opposition guinéenne hier, mercredi 20 mai 2015, au palais présidentiel Sékhoutouréya. Cette audience qui était très attendue laisse comme un goût d’inachevé ! Le président de la République a écouté son opposant et a dit à se dernier qu’il consultera sa mouvance (présidentielle) avant de lui faire savoir sa décision via ses ministres : terminé !

Entouré des stratèges politiques et lui-même ancien opposant historique et politicien endurci, le président Condé a déjà bien écouté dans les médias et imaginait parfaitement ce que son adversaire politique attendait de cette rencontre. Menant le combat sur tous les fronts- y compris dans les grands salons- Alpha Condé a joué la surprise et fait l’exact-contraire de ce qu’on attendait de lui. Même une seule fois nos cameramans et photographes n’ont eu une image de Condé serrant la main de Diallo… Et, en se forgeant une image d’un « père de la Nation à l’écoute de toutes les sensibilités politiques avant de trancher », Alpha veut se mettre au-dessus de la mêlée des contradictions politiques actuelles et s’offre l’avantage de « garder la main » !

Les erreurs que Cellou Dalein n’aurait pas dû commettre

Cellou Dalein Diallo1)- Le report d’un rendez-vous qu’il a déjà accepté :

Même si ce n’était pas le souhait de la majorité (?) des Guinéens, ce n’est quand même pas exceptionnel qu’un opposant refuse de s’asseoir et discuter avec son adversaire politique au pouvoir. En RDC, une plateforme de partis de l’opposition, dont le MLC et l’UNC, vient de rejeter le dialogue politique proposé par le président de la République, Joseph Kabila, sur (eh oui !) le calendrier électoral. Plus près de nous, un certain Alpha Condé s’est toujours glorifié de n’avoir jamais accepté de s’asseoir et discuter avec son adversaire de président, Lansana Conté… Leur seule rencontre (connue) aura été à la présentation des condoléances quand le défunt président avait perdu sa chère maman. Député à l’époque, le professeur Alpha Condé avait alors serré la main de son adversaire pour le consoler de cette triste perte… Mais, à part cela, il a toujours dit NON !

Donc, ne pas vouloir rencontrer celui qu’il est sensé combattre pour prendre sa place et dont il n’hésite plus à remettre en cause la légitimité à la tête de notre pays allait faire jaser, mais pourrait aussi être interprété comme une certaine « audace » de Cellou Dalein Diallo contre lequel l’auteur de « Cellou Lâmikhé » aurait composé un morceau on ne peut plus évocateur : « Gorko Suussaï » (littéralement, le garçon doit être audacieux)…

Bref, le report de la rencontre du vendredi 8 mai a été la première erreur que le chef de file de l’opposition n’aurait pas dû commettre. Au contraire, tenant à aller à Sékhoutouréya rencontrer le président de la République, Elhadj Cellou Dalein Dialo aurait pu annuler la manifestation de la veille, maintenir celle du lundi qui suivait et des autres qui avaient été annoncées comme cycliques. Cela aurait également pesé dans le dialogue qu’il aurait pu avoir avec le chef de l’Etat. Alpha Condé n’aurait évidemment pas donné sa langue aux chats s’il savait qu’une manifestation était en vue ! Mais, dans l’état actuel des choses, qu’est-ce qu’un chef d’Etat a-t-il à demander à son opposant qui a publiquement annoncé suspendre toutes les contestations pour donner plus de chance au dialogue ? « Je vais me concerter avec ma mouvance et ma réponse vous sera transmise par mes ministres » ! Autrement, « si tu as fini de parler, j’ai d’autres priorités »… Et, il est déjà à Beyla ! En « campagne » ?

sékoutouréya Cellou Dalein et autres2)- La composition d’une délégation de l’UFDG à la place de l’opposition dont il revendique la chefferie :

« Vous voulez ce débat, vous l’aurez », a répondu à un journaliste Elhadj Cellou Dalein Diallo, peu après son retour de Sékhoutouréya. Car, depuis un moment, le président de l’UFDG a du mal à se faire accepter comme le véritable patron de l’opposition guinéenne. La troisième force politique se fait clairement voix, notamment à travers Baïdy Aribot et Mohamed Tall qui ont remis en cause la « qualité » de la représentativité de l’opposition par Elhadj Cellou Dalein Diallo à la présidence. Mohamed Tall par exemple a clairement dit que Cellou ira au nom de l’UFDG. Et, malheureusement, à voir l’entourage qui l’a accompagné à Sékhoutouréya (3 membres de l’UFDG et aucun représentant d’un autre parti de l’opposition), on a l’impression que Tall n’a pas eu tort !

3)- Le compte rendu de l’audience :

Selon le reporter de Guineematin.com qui était à Sékhoutouréya, Ibrahima Sory Diallo, le président de la République et le chef de file de l’opposition ont eu un huis clos d’environ une heure. Et, pendant ce temps, les accompagnateurs ont été « casé » dans une salle d’à côté en attendant le tête à tête entre les deux principaux adversaires… Au sortir d’une telle rencontre, on a le choix de dire TOUT ou de choisir les thèmes favoris sur lesquels on se plaira à faire un compte rendu !

En tous les cas, « révéler » que le chef de l’Etat lui aurait demandé d’intervenir dans le « conflit religieux » entre les musulmans Sunnites et Tidjanistes à Labé n’est pas la plus applaudie des annonces de l’opposant. A part se réduire en un conquérant de sa préfecture natale où le président lui chargerait d’intervenir pour faire taire des divergences, Elhadj Cellou Dalein Diallo avalise ainsi qu’un « conflit » religieux existe ou est à craindre dans sa préfecture d’origine. Une préfecture confrontée souvent à des rumeurs de la présence des djihadistes, alors que jusque-là les ressortissants et personnes de bonnes volontés essayaient de raisonner les uns et les autres à s’accepter sans attirer l’opinion internationale échaudée par la présence des djihadistes au Nord-Mali, etc. « Oh ! Mais, ça c’est une grave erreur que Cellou ne devait pas commettre », se fâche un sage qui pense qu’on est en train d’amplifier de petits malentendus dans les pratiques religieuses et qu’on est très loin d’un conflit à plus forte raison de la présence d’un quelconque djihadiste sur le territoire guinéen…

Enfin, si certains estiment que cette très attendue rencontre a accouché d’une souris, d’autres pensent qu’elle donne carrément l’avantage et le temps au président face à son opposition qui est réduite actuellement à de querelles de positionnement et de leadership !

Qu’est-c que l’opposant aurait dû faire pour échapper à tout piège et garder l’avantage ?

Elhadj Cellou Dalein Diallo aurait pu se faire accompagner à Sékhoutouréya d’un certain nombre d’opposants (pour l’image). Et, pour le réel, préparer (en concertation avec ses pairs de l’opposition) un mémorandum qu’il aurait pu remettre au président de la République. A la sortie, dire aux médias qu’il a remis au président un mémorandum qui contient toutes les revendications et les pistes de solution de l’opposition, en laissant transparaître une menace de reprendre les manifestations de rue si rien n’est fait.

Mais, à quatre mois des élections présidentielles qu’ils souhaitent aborder après les locales, nos opposants vont encore attendre la réaction d’un pouvoir qui se montre actuellement très occupé…

Nouhou Baldé

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