Touba : et si l’argent était à la base du conflit ?

Mosquée de ToubaLe mercredi dernier, Guineematin.com a dépêché son correspondant basé à Boké dans la cité sainte de Touba où Mamadou Diouldé Diallo a obtenu plusieurs entretiens avec les acteurs durant son séjour. De retour à Boké, avant-hier nuit (dimanche 1er novembre 2015), notre envoyé spécial revient sur les origines profondes de la crise qui secoue cette sous-préfecture de Gaoual actuellement.

La fondation de Touba

La cité sainte de Touba est fondée en 1815 avec l’arrivée du grand Waliyou, Al-Hadj Salim, fils de Cheikh Mohammad Fatouma, écrit-on dans un livre offert à Guineematin.com par le Directeur de la radio locale pour nous permettre de bien nous imprégner de l’histoire de Touba et de sa population.

On apprend donc que le fondateur de la cité est né le 8 Septembre 1722 dans la ville de “Didé” sur les terres de Boundou, à l’Est du Sénégal. C’est son dévouement à l’enseignement coranique qui lui a valu le surnom de Karamoko bâ. C’est un mot en langue Diakhanké :  Karamoko signifie maître et bâ signifie “le grand” ; d’où le nom de sa fondation Karamokobaya (ou tout simplement Karambaya).

Ainsi, à Touba, il y a deux (2) grandes familles : la famille de Karamokoba, appelée « Karambaya «  et celle des autres Diakhankés résumée en « Diakha ».

A cause de sa réputation en islam, Al-Hadj Salim fut le grand Khalife qui a introduit le coran et l’a enseigné aux enfants de Touba. Les gens venaient de tous les pays voisins le côtoyer et recevoir son enseignement.

En 1822, ayant un nombre important de Talibés (élèves coraniques), il a fait la pose de la première pierre de la mosquée de Touba, alors qu’il avait déjà cent ans ! Depuis, Karamokoba a bénéficié de la confiance et du respect de tous les Toubakas à qui on se referait pour tous les problèmes de Touba. Tout visiteur descendait chez Karamokoba et recevait toujours quelque chose de sa part avant de repartir. D’où une consigne donnée de la part du chef des Diakha qui stipule : « comme c’est le Karamokoba qui enseigne le coran aux enfants de Touba, nous lui devons du respect et c’est lui qui reçoit des étrangers. Toute chose destinée à tout Touba se partage comme suit : la famille de Karamokoba, appelée Karambaya, a droit au 2/3 de la chose ; et, tous les autres Diakhankés qui se résume en famille « Diakha » reçoivent 1/3 ».

Depuis lors, jusqu’en 2012, ce prestige est accepté et mis en application par les sages qui se sont succédé dans les familles Diakha et Karambaya.

Les origines du conflit actuel

Touba radioSelon les informations confiées à Guineematin.com par le Directeur de la radio « Kamoula Fm » de Touba, Elhadj N’famady Diaby (porte parole du Khalife général dans la famille Karambaya), le conflit qui existe entre Karambaya et la famille Touraya, dans Diakha, date de 2012, à l’occasion du FIDAOU organisé à Touba.

Tout d’abord, il est important de savoir que les Karambaya et les Touraya sont des frères. Ils ont tous le même arrière grand père : Karamokoba, le fondateur de Touba.

Seulement, les uns ont habité là où Karamokoba a fait toute sa vie, d’où le nom de Karambaya ; et, les autres (Touraya) se sont déplacés un peu plus haut vers l’Est, à coté des Diakha.

A en croire les explications de Elhadj N’famady Diaby, à l’occcasion du FIDAOU de 2012 à Touba, l’État guinéen leur a accordé une subvention de deux cent vingt millions de francs guinéens (220 000 000 GNF) pour l’organisation du FIDAOU.

Après toutes les dépenses, il est resté une somme de trente millions (30 000 000 GNF) à partager. Conformément à la consigne ancestrale, une somme de 10 millions a été remise à la famille Touraya et les 20 millions sont restés pour Karambaya. C’est ainsi que monsieur Mamadou Diaby, dit « Dienkembadi » de Touraya, né vers 1963, venant de la France, a pris les 10 millions et s’est rendu à Karambaya, chez le Khalife général, pour les lui remettre au nom des sages de Touraya. Comme pour dire que s’il ne partage pas à égalité Touraya ne gardera pas les 10 millions. C’est là le début de la contestation entre les deux familles soeurs !

Après cette tentative non réussie, le même Mamadou Diaby « Dienkembadi » a écrit au préfet de Gaoual pour lui demander d’ériger Touba en deux Districts : Touba1 et Touba2. Après études, il s’est avéré que la localité dont Dienkembadi souhaitait voir érigée en District ne remplissait pas les conditions. Un deuxième essai rate !

C’est ainsi qu’en août 2014, il a entamé ce projet de mosquée. Par analogie, vu toutes ces tentatives essayées par la même personne, Dienkembadi, les frères de Karambaya pensent qu’il y a une autre chose cachée derrière cette affaire de mosquée. Pour eux, l’objectif de “ce parisien’’ de la famille Touraya est de diviser la population de Touba. En plus, Karambaya défend sa position en disant que Touraya n’a pas suivi la procédure normale, qui consistait à soumettre la proposition de construire une mosquée au Khalife de Touraya. C’est ce dernier qui devait remonter l’information chez le Khalife de Diakha qui, à son tour, aura à saisir le Khalife général, Elhadj Soriba Diaby. La question devrait être débattue au “BOLONDALA”, une case où « l’Assemblée nationale » se tient.

Par contre, Elhadj Mamadou Diaby, le porte parole de la famille Touraya, a dit à l’envoyé spécial de Guineematin.com avoir respecté toutes les étapes à propos de cette mosquée. « Nous avons envoyé cinq (5) paquets de cola à Karambaya et neuf (9) à Diakha », a-t-il confié.

C’est dans ces contradictions que Guineematin.com a trouvé et laissé ces deux (2) familles sœurs de Karambaya et Touraya, qui s’entendent peu depuis 2012. Les uns ne veulent pas d’une seconde mosquée à Touba, les autres ont décidé de ne plus prier dans la mosquée unique…

Deux ministres impliqués

ToubaPlusieurs témoignages concordants ont révélé à Guineematin.com l’implication souterraine de deux personnalités gouvernementales. Chaque famille rencontrée par l’envoyé spécial de Guineematin.com à Touba a essayé de défendre « son ministre » et pourfendre l’autre. A bien suivre les confidences des uns et des autres, le général Bouréma Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation est le soutien ministériel de la famille Touraya. Monsieur Condé serait celui qui souhaiterait poster des agents aux alentours du chantier pour permettre à la deuxième mosquée d’exister.

Pour sa part, Docteur Mahmoud Cissé, le ministre de l’Intérieur serait favorable au respect de la coutume est des traditions de Touba. Il ne serait pas favorable à cette mosquée de la discorde. C’est le ministre apprécié de la famille de Karambaya et donc du grand Khalif de Touba.

Une décision du conseil des ministres attendue

Touba projet mosquéeDu mois d’août 2012 à octobre 2015, Touraya n’a réussi à réaliser dans ce projet de mosquée que le soubassement et un mur qui n’atteint pas deux (2) mètres de hauteur. C’est l’intention des gens de Karambaya de démolir ce mur qui a déclenché les échauffourées du 26 au 28 octobre dernier.
Des échauffourées qui ont engendré des dégâts matériels énormes et plusieurs personnes blessées. Désormais, ce conflit de Touba est transporté en conseil des ministres. C’est en tout cas ce que l’autorité préfectorale a confié à l’envoyé spécial de Guineematin.com à l’occasion de son entretien avec le secrétaire général chargé des collectivités de Gaoual. C’est donc un calme précaire qui y règne, en attendant la décision de Conakry.

De Boké, Mamadou Diouldé Diallo pour Guineematin.com

Tél.: 622 671 242 / 656 464 286

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