Covid-19 : sérieusement éprouvé, Aboubacar Diallo raconte « l’enfer » qu’il a vécu

Le nombre de compatriotes atteints du Covid-19 croit chaque jour un peu plus avec 622 cas testés positifs à la date de ce lundi, 20 avril 2020. Sur les 122 déclarés guéris du terrible mal, figurent des journalistes récemment testés positifs, sortis du Centre de Traitement Epidémiologique (CTE) de Donka. Aboubacar Diallo, journaliste au groupe Hadafo Médias et administrateur général du site mosaiqueguinee.com, fait partie de ces confrères qui ont rejoint leurs familles.

Joint au téléphone ce lundi, le chroniqueur de l’émission les Grandes Gueules de la radio Espace FM est revenu sur son état de santé, sur ce qu’il a éprouvé en contractant la maladie et sur d’autres questions liées au Covid-19.

Guineematin.com : il y a près d’une semaine, on vous a déclaré guéri du Covid 19. Quel est votre état de santé depuis ?

Aboubacar Diallo : merci de l’opportunité et je dis merci à Guineematin.com. Je dois préciser que tout ceux sortent ces derniers jours du centre de traitement de Donka ne sont pas définitivement déclarés guéris. La précision est importante. Je constate qu’au niveau de l’autorité sanitaire, il y a eu peu de communication ou il y a un manque de communication à ce propos et je m’explique : ce qui nous a été dit au moment où on nous a libéré ou autorisé de regagner notre domicile est que nous n’étions pas définitivement déclarés guéris. On a été autorisé de rentrer à la faveur d’un premier test de contrôle qui s’est révélé négatif. Cela traduit le fait qu’il a été constaté que la charge virale dans notre organisme avait disparu à cet instant. Alors, ce qui doit être expliqué, ce qu’il y a eu une petite évolution dans le protocole thérapeutique de la Guinée au regard du nombre assez faible de guéris contrairement à d’autres pays. Donc, les autorités sanitaires ont mené des réflexions pour arriver à cette évolution qui consiste à permettre à tous les malades qui sont testés négatifs au premier contrôle de rentrer à la maison et de poursuivre le confinement à l’aide d’un certain nombre de produits qu’ils continuent de prendre à la maison. Ils sont testés deux autres fois à l’issu desquelles, lorsqu’ils sont négatifs, on leur établi un certificat définitif de guérison. Voici l’explication et donc, nous ne sommes pas totalement déclarés guéris. Les médecins viendront demain mardi, puisque ça fera une semaine depuis que nous sommes revenus. Ils passeront chez moi tout comme chez Oury (Mamadou Oury Diallo de Gangan TV : ndlr) pour nous faire le second prélèvement et le mardi qui suivra, ils passeront pour nous faire le deuxième test. Lorsque les deux se révéleront négatifs, en ce moment, nous serons déclarés définitivement guéris. Maintenant, sur mon état de santé, j’ai pu dire que mon état s’améliore du jour en jour. Et le fait de revenir dans le cocon familial m’a permis de rapidement et très progressivement remonter la pente. Donc, la chaleur du milieu familial et le fait que je m’alimente un peu plus, ça me redonne la force et je recouvre progressivement ma santé. Le moral est bon et Dieu aidant, je suis entrain de recouvrer progressivement ma santé.

Guineemati.com : pour quelqu’un qui a contracté cette maladie, cela a dû être une terrible épreuve j’imagine ?

Aboubacar Diallo : laisse-moi te dire mon cher ami que le Covid 19 est une maladie extrêmement dangereuse. J’ai pu l’attester parce que de tous les journalistes qui ont été alités à Donka, je suis l’un de ceux qui ont été durement éprouvés par cette maladie. Je suis arrivé le 03 avril dans un état extrêmement critique. Je venais de passer une semaine à la maison en train de faire le tour des cliniques, en train de me torturer à l’aide de différents produits. Entre temps, la maladie se développait et dès que j’ai constaté que la toux me torturait, une toux un peu sévère, alors j’ai dit au médecin qui me suivait « mon cher ami, en plus des maux de tête, de la fièvre, je commence à faire de la toux. Je pense que je dois avoir attrapé le coronavirus ». Il n’en croyait pas du tout ses oreilles et il a dit non, il continuait de contester. Alors, je lui avais dis de ne plus continuer à me toucher sans porter des gangs. Entre temps, on avait passé le test et on attendait les résultats. Le résultat est tombé et j’ai été déclaré positif au coronavirus. Par la suite, on a été conduit au centre de traitement de Donka. Quand je suis arrivé, on a été pris en charge. La spécificité de ce virus, du point de vue de sa dangerosité, c’est que c’est un virus qui agit de manière multiforme et croisée sur sa victime. Je m’explique. Vous avez là un virus qui agit sur l’organisme de sa victime sur plusieurs aspects et qui, au même moment, fait en sorte que le patient s’affaiblisse. Qu’est-ce que je veux dire ? Le coronavirus enlève tout appétit à sa victime. Donc, vous n’avez pas la possibilité de vous alimenter. Vous vous affaiblissez et au même moment lui, il agit de manière croisée sur vos différents organes. En plus de la perte de l’odorat et du goût, vous avez des maux de tête, vous avez de la fièvre, vous avez de la courbature. Et ce qui était la spécificité de mon cas, j’avais des rétrécissements respiratoires avec de la toux extrêmement sévère. Donc, ça ne me permettait pas de pouvoir respirer. Je manquais d’air et je l’ai dit par endroit, que j’ai failli être placé sous oxygénation. Il y a tout cela à la fois, vous faites des vertiges, vous avez des céphalées, le corps qui chauffe, vous vous déshydratez, etc. Voici en quelque sorte ce qui fait la dangerosité de ce virus.

Guineematin.com : est-ce que vous avez des nouvelles des autres confrères qui sont encore alités à Donka, notamment madame Moussa Yéro ?

Aboubacar Diallo : jusqu’à hier soir (dimanche 19 avril : ndlr) j’ai parlé avec madame Yéro. Elle espère et nous espérons tous qu’elle regagnera son domicile entre ce lundi et demain mardi parce qu’elle a fait un nouveau test, si je ne m’abuse vendredi dernier, et les résultats pourraient tomber aujourd’hui ou plus tard demain. Alors, dans le cas de madame Yéro, ce qu’il faut dire ce que contrairement à nous autres qui avons été soumis au traitement au Covid sur la base du protocole thérapeutique qui a été adoptée par la Guinée, elle, elle est venue au centre de Donka dans un état de famille avancé. Elle est à huit mois et presque à terme. Donc, son état de famille a fait qu’elle n’a pas été soumise au même traitement que nous autres. Elle ne prenait pas les mêmes produits que nous. Ce qu’on a pu faire pour elle, c’est de lui administrer de la vitamine C parce qu’elle avait perdu et du goût et de l’odorat. Donc, c’était pour lui permettre de pouvoir retrouver de l’appétit. Du coup, la disparition du virus de son corps ne se fait pas au même rythme que nous autres. Elle a été soumise à un premier test qui s’est révélé positif, ils ont constaté qu’il y avait une faible trace du virus dans son corps et donc, il faut du temps pour que le virus disparaisse complètement de son organisme puisqu’elle ne prend aucun produit contre le virus.

Guineematin.com : l’autre question qui intéresse les gens aujourd’hui est que certains disent qu’il y a beaucoup plus de morts que les chiffres officiels annoncés par l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire. Est-ce que vous qui avez séjourné dans le centre de traitement, vous avez connaissance d’autres cas de morts ?

Aboubacar Diallo : je ne peux pas me prononcer sur cette question. Ce que je sais, ce qu’on a pu constater, d’ailleurs Lamine Mognouma Cissé depuis Donka l’avait relayé sur nos médias, nous avions constaté, étant au 3ème étage, qu’avant que le premier décès lié au Covid 19 ne soit déclaré officiellement, que trois corps avaient été sortis du 1er étage où du rez-de-chaussée. Donc, ces cas de morts, on ne sait pas s’ils étaient liés au Covid 19. Tout ce que nous savons, c’est que tous ceux qui sont au bloc de pédiatrie à Donka, y sont parce qu’ils sont atteints par le coronavirus. Alors, au niveau du 3ème étage nous suivions tous les mouvements, nous avons constaté qu’à trois reprises, les ambulances étaient venues chercher des corps et nous en avons conclu que c’était des morts qui n’avaient pas été déclarés. Ce que je peux attester, c’est qu’au moins trois corps ont été sortis du rez-de-chaussée et avaient été transportés par les ambulances ; mais, ces corps n’ont, jusqu’à ce jour, pas été comptabilisés à ma connaissance.

Guineematin.com : quel est le mot de la fin ?

Aboubacar Diallo : sur le mot de la fin, vous me permettrez de dire deux choses. Premièrement, dire aux Guinéens que le coronavirus est une réalité. Personnellement, je suis quelqu’un qui en a été victime et qui a vécu ce virus dans sa plus grande brutalité. Je vous ai décrit ce qu’était ma situation. Je suis arrivé très mal en point et il a fallu toute la pugnacité du corps médical pour que je sois remis débout. Donc, j’ai été soumis à des soins intensifs pendant quatre jours. C’est ce qui m’a permis de me remettre. Je voudrais que mes compatriotes sachent que ce n’est pas du tout de la fiction. C’est une réalité et c’est une maladie extrêmement violente, extrêmement contagieuse et très dangereuse. Donc, j’en appelle à la responsabilité des uns et des autres pour que tout le monde se prémunisse de cette maladie. Elle peut facilement emporter plus de personnes. Deuxièmement, je vais rendre un hommage appuyé au corps médical de Donka. Vous savez que notre pays, la gestion de cette pandémie est contestée aujourd’hui. Le président de la République, on l’a vu dans tous ses états, il est toujours égal à lui-même, il est dans les dénonciations avec peu de mesures correctives. Mais, la réalité est que le corps médical à Donka, malgré toutes les insuffisances, fait de son mieux. J’en veux pour preuve, un jour, l’équipe de Dr Kaba Kéita à qui je rends un hommage appuyé, que je considère cette équipe comme mon sauveur, est venue pour me faire passer un sérum et plusieurs compositions. Ils sont arrivés ce jour et ont cherché avec beaucoup de peines une veine et au finish, ils l’ont trouvé. Mais, la question du sparadrap s’est posée pour coller la voie. Je vous l’assure, je les voyais se dépatouiller de gauche à droite pour pouvoir avoir le minimum pour prendre en charge les malades. Ce jour-là, ils ont enlevé les sparadraps qui étaient sur leurs gangs pour attacher la voie qui m’a été posée. Vous voyez dans quelle condition ces médecins travaillent ? Mais, ils sont d’une volonté extraordinaire et se battent pour venir au secours de leurs compatriotes pour les sortir de l’enfer de cette maladie. Donc, je rends hommage au corps médical. Les choses ne sont pas faciles, il y a beaucoup d’insuffisances, de défaillances, mais ils font du mieux qu’ils peuvent. A l’Etat de prendre des mesures correctives et de renforcer le dispositif.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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