Apprendre à lire le Coran en 3 mois : Fort de son succès, le CIFOD annonce sa 6ème édition

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé, respectivement Coordinateur et chargé de la pédagogie du CIFOD

Présent à Conakry depuis 2017, le centre islamique de formation et de documentation (CIFOD) s’investit depuis trois ans maintenant à apprendre aux « adultes intellectuels musulmans » de la capitale guinéenne à lire le Saint Coran. Cet apprentissage, qui s’effectue en trois mois, a déjà fait ses preuves sur le terrain. Le succès (90%) a d’ailleurs permis au CIFOD de multiplier les sessions de formation pour le grand bien de ses apprenants. Cette structure tend vers l’organisation de sa dixième session. Une session qui doit normalement démarrer les 22 et 23 août prochain.

Mais, est-il possible d’apprendre à lire le Coran en trois mois ? « Oui », assure le CIFOD dans un entretien accordé à Guineematin.com le weekend dernier. Cette structure de « formation continue » était représentée à cet entretien par Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé, respectivement Coordinateur et chargé de la pédagogie du CIFOD.

Décryptage !

Guineematin.com : Quelles sont les raisons, les motivations, qui ont conduit à la création du CIFOD ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : C’est le besoin qui s’est manifesté. On a constaté aujourd’hui que bon nombre d’adultes intellectuels musulmans en situation de service ont raté, s’il faut le dire ainsi, l’apprentissage de la lecture du Coran à bas âge. Et, ils seraient bien intéressés aujourd’hui à saisir une seconde chance, surtout avec un programme bien ficelé et adapté à leur situation de service, pour se rattraper sur ce domaine religieux qui nous interpelle en permanence. Donc, il n’est jamais trop tard pour apprendre avec une pédagogie qui a fait ses preuves. Ainsi, apprendre aux adultes intellectuels musulmans à lire, c’est ça la vision de CIFOD, et c’est ce que nous ambitionnons.

Guineematin.com : Apprendre à lire le Coran, sous d’autres cieux, prend des années ; mais, vous vous proposez à faire apprendre cette lecture en trois mois. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Nous entendons par apprendre à lire le Coran en trois, l’initiation. Nous ne promettons pas une maîtrise parfaite du Coran entier en trois mois. Mais, au bout de trois mois (donc une session), on a une pédagogie qui permet d’avoir l’initiation, c’est-à-dire la maîtrise de l’alphabet arabe et la grammaire arabe de base qui permettent à quelqu’un qui ne connaissait rien du Coran de pouvoir déchiffrer les versets du Coran de manière appréciable. Bien entendu, c’est un niveau qui restera à améliorer au fil des sessions. Car, après les trois mois, il y a la possibilité de passer à un niveau suivant pour trois mois encore. C’est un processus de formation continue par session de trois mois que nous avons.

Guineematin.com : Tout de même, apprendre à lire le coran en trois mois ressemble pour beaucoup comme escalader une montagne en quelques fractions de secondes. Comment vos apprenants doivent s’y prendre pour vraiment pouvoir lire le Coran en un temps record ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Comme vous l’avez si bien dit, visiblement apprendre à lire le Coran relève d’un parcours du combattant. Et, vouloir apprendre à lire le Coran en trois parait incroyable ; mais, c’est possible et c’est une réalité parce que nous l’avons expérimenté des années durant et dans plusieurs autres pays que la Guinée. Parce que CIFOD est une structure sous-régionale qui se trouve dans tous les pays francophone de l’Afrique de l’ouest. Donc, ici (en Guinée), depuis qu’on a commencé, on a vu que ça marche. On a des techniques d’apprentissage qui sont très simples pour permettre aux adultes intellectuels de pouvoir lire le Coran en trois mois. S’ils (les apprenants) respectent les consignes et les rendez-vous qui leur sont données, en trois mois, ils pourront vraiment déchiffrer les versets du Coran.

Depuis que nous avons commencé, les objectifs sont atteints à 90%. Nous pouvons même nous féliciter pour ça, parce que beaucoup de gens qui vient chez nous (CIFOD) n’ont pas envie de nous quitter. Ils nous expriment leur satisfaction et nous renouvellent chaque fois leur engagement. Ce sont des fonctionnaires, des personnes lettrées, s’il n’y avait pas de satisfaction, ils n’allaient pas continuer avec nous pendant trois ans. Parce que parmi eux (les apprenants), il y en a qui sont avec nous depuis le début et ils n’ont pas envie d’abandonner.

Guineematin.com : Quelle est la population cible du CIFOD dans le cadre de cette formation ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : La population cible, ce sont les intellectuels. Nous ne disons pas qu’il faut avoir un doctorat, parce que nos cours visent tous ceux qui parlent ou se débrouillent bien en français. Mais, le principale public cible sont les adultes intellectuels musulmans. Maintenant, des jeunes gens (des élèves, des étudiants) qui sont autonome, qui n’ont pas besoin de se faire accompagner par un parent pour rallier nos différents centre de lecture, peuvent venir suivre les cours.

Guineematin.com : Vous parlez de personnes lettrées ; mais, dans une grande ville comme Conakry, il existe beaucoup d’analphabètes qui ne savent pas aussi lire le Coran. Est-ce que le CIFOD a un programme d’apprentissage qui prend en compte cette autre catégorie de la population ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Non ! Pour le moment on n’a pas trouvé de solution pour les personnes illettrées. D’abord nous sommes avec les personnes lettrées au sein de toutes les couches de la population. Parce qu’on vient, tout récemment, de proposer une classe pour les enfants. Donc, actuellement, il y a des parents qui viennent avec leurs enfants pour apprendre le Coran. C’est que nous ne prétendons pas détenir la solution à tout le problème ; mais, nous apportons la solution à une partie du problème. C’est pourquoi, pour le moment, nous avons ciblé des intellectuels adultes en situation de service et nous avons adapté le programme de formation à leur disponibilité. Nous avons choisi les weekends, c’est-à-dire tous les samedis et dimanches, pour trois heures de temps.

Guineematin.com : Après niveau débutant (la première session de trois mois), est-ce que le CIFOD dispose d’un programme qui permet d’approfondir cet apprentissage ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Pour un apprenant qui vient nouvellement chez nous, il aura une première session qu’on appelle l’initiation ou le démarrage. Après sa première session, il peut se limiter là avec nous et aller approfondir sa connaissance ailleurs. Mais, nous aussi nous donnons la possibilité de continuer à s’améliorer et à approfondir avec nous. Parce que nous avons une formation continue.

Guineematin.com : Cette formation que mettez à la disposition des adultes musulmans lettrés de Conakry est gratuite ou bien elle est payante ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : A ce niveau, il faut préciser que CIFOD est une structure qui évolue avec ses propres moyens, sans le soutien ou le sponsoring d’une autre structure ou un pays musulman. Ce sont des jeunes enseignants qui ont pris cette initiative et qui évoluent avec leurs propres moyens. Donc, nous sommes autonomes. Et, à nos apprenants, on ne demande que 35 mille francs guinéens pour l’inscription, 75 000 francs par mois (niveau débutant) et 50 000 pour le manuel de cours. Mais, ça ne doit pas constituer un frein pour celui qui veut venir vers nous et qui n’a pas ces moyens. Parce que ce n’est pas l’argent la finalité. Ceux qui ne peuvent pas sincèrement s’acquitter de ces frais, qu’ils viennent chez nous, ils ont de la place.

Guineematin.com : Actuellement, vous vous préparez à organiser la dixième session de cette formation d’apprentissage de la lecture du Coran. A quand peut-on s’attendre pour le démarrage des cours de la présente session ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : La dixième édition va démarrée dans deux semaines. Ça sera les 22 et 23 août 2020 ; et, ce sont les centres habituels qui ont été retenus. Mais, le principal centre se trouve à la minière. Nous avons aussi l’université Mahatma Ghandi de Lambanyi, Victor Hugo de Matoto, Koumandjan Keïta de Coléyah et des nouveaux centres (à l’université Koffi Annan de Nongo, le Collège Saïfoulaye Diallo à Gbéssia-centre…)

Guineematin.com : Avec toutes les contraintes liées à la crise sanitaire de COVID-19 que traverse la Guinée, avec Conakry comme épicentre de cette maladie, comment vous comptez vous y prendre pour réussir cette dixième session tout en préservant la santé de vos apprenants ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Cette dixième session nous trouve dans une période de contrainte, ça nous a même beaucoup peiné. Parce qu’on aurait dû lancer la session depuis deux mois déjà ; mais, à cause de la crise sanitaire, nous avons dû repousser jusqu’aux 22 et 23 août. Qu’à cela ne tienne, nous avons essayé de mettre en place toutes les mesures sanitaires comme les kits de lavage des mains. Donc, nous sommes en collaboration avec les fondateurs des écoles et ils mettent à notre disposition leurs kits de lavage des mains et les thermo-flash. Nous sommes aussi avec des adultes intellectuels qui sont faciles à gérer. Donc, nous espérons que nous n’aurons pas de difficulté pour le respect de la distanciation sociale.

Guineematin.com : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans vos activités ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : C’est tout à fait naturelle de rencontrer des difficultés dans toute entreprise humaine. Nous (CIFOD) est encore en phase expérimentale ; et, la procédure pour l’obtention de l’agrément est en cours au niveau du secrétariat général des affaires religieuse. Donc, nous comptons sur les autorités compétentes pour nous faciliter l’obtention de cet agrément. Parce que c’est ce que c’est ce que nous attendons pour aller à l’intérieur du pays. Pour le moment, nous sommes seulement à Conakry ; mais, dès que nous allons décrocher l’agrément, si Dieu le veut bien, nous allons décentraliser cette formation à l’intérieur du pays.

L’autre difficulté, c’est au niveau des établissements. On peut commencer la formation mais, en cours de session, des problèmes surviennent. Seulement, par la grâce d’Allah, on trouve très vite la solution pour pouvoir continuer. Tout récemment, avec notre principal centre (la Source), on avait une petite incompréhension au niveau du démarrage ; mais, nos apprenants qui sont proches du fondateur de cette école sont intervenus et les soucis ont été réglés.

Il y a aussi le manque de mobilisation de certains auditeurs (apprenants) qui sont souvent indisponibles. Vous savez que nous ne donnons les cours que les weekends. Et, parfois, les affaires sociales sont aussi programmées les weekends. Donc, cela amène certains apprenants à rater deux, trois ou quatre séances de suite. Et, à leur retour, ils ont la difficulté de comprendre. Mais, on propose des cours de rattrapage. On a des enseignants qui sont plein de bonne foi et qui consacre du temps à la formation de ces adultes. Ils donnent gratuitement des cours de rattrapage. Seulement, malgré cette disponibilité de nos enseignants, il arrive toujours des apprenants ratent encore ces cours de rattrapage. C’est difficile, mais ça se comprend aussi. Parce que la plus part de nos auditeurs sont des fonctionnaires qui peuvent souvent être en mission.

Guineematin.com : Nous sommes au terme de cet entretien que vous avez bien voulu nous accorder ; mais, avant de nous quitter, quel message avez-vous à l’endroit des populations de Conakry ?

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : Notre message, c’est de dire à tout le monde qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre. Beaucoup de gens nous appellent pour nous qu’ils n’ont rien (aucun verset du Coran) en tête. Mais, nous les rassurons en disant que c’est eux qui sont ciblés par cette formation. Car, on va commencer ensemble (au niveau débutant) avec l’alphabet qui est la base de toute langue. Parce que le Coran en entier est constitué d’une combinaison de seulement 28 lettres de l’alphabet arabe. Donc, nous prenons un mois pour la maitrise de cet alphabet ; et, le reste du temps c’est la grammaire de base et l’application sur le Coran avec comme sourate de base la sourate Yassine. Donc, c’est bien possible d’apprendre à lire le Coran en trois. N’hésitez pas, venez pour constater par vous-mêmes. Le prophète (paix et salut sur lui) a dit : « apprenez à lire le Coran ; car, il sera votre intercesseur le jour du jugement dernier ». Donc, le Coran interviendra en notre faveur, au près de Dieu, le jour du jugement dernier.

Pour terminer, nous disons à tous les frères musulmans, surtout ceux qui n’ont pas eu la chance d’apprendre le Coran à bas âge, de ne pas désespérer. Car, c’est bien possible d’apprendre maintenant. Le prophète (paix et salut sur lui) nous dit dans un hadith : « apprenez le Coran du berceau au linceul ». C’est-à-dire, d’apprendre le Coran, de chercher le savoir de l’enfance à la vieillesse. Donc, on doit chercher éternellement le savoir. Quelque soit votre âge, votre génération, notre centre de formation est là pour vous.

Guineematin.com : Merci d’avoir répondu à notre invitation.

Mamadou Nassirou Diallo et Oustaz Ousmane Dramé : C’est nous qui vous remercions ; et, qu’Allah soit satisfait de nous tous.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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