Le procureur Charles Wright aux OPJ : « l’habilitation n’est pas un sésame pour garantir l’impunité »

Plus de 600 policiers et gendarmes ont reçu ce jeudi, 27 janvier 2022, leurs habilitations d’officier de police judiciaire (OPJ) à Conakry. La cérémonie de remise s’est déroulée à la Cour d’Appel et a été présidée par le procureur général, Alphonse Charles Wright. Et, à cette occasion, ce parquetier a tenu un discours d’avertissement à l’endroit de ces nouveaux OPJ qui ont désormais la prérogative de mener des enquêtes, d’auditionner des suspects et de dresser des procès verbaux.

Charles Wright a notamment prévenu sur les abus et a averti qu’il ne protégera aucun officier de police judiciaire qui violera la loi. Il a d’ailleurs martelé que « l’habilitation n’est pas un sésame pour garantir l’impunité ». Il a assure que « force restera à la loi ». Et, il a promis sur son honneur et sa dignité de ne reculer devant rien pour faire appliquer la loi.

Guineematin.com vous propose un extrait de ce discours de Charles Wright devant les 610 officiers de police judiciaire (430 agents de la police nationale et 180 agents de la gendarmerie nationale) réunis dans la salle d’audience de la Cour d’Appel de Conakry.

Alphonse Charles Wright, procureur général près la Cour d’appel de Conakry

« À tous les officiers de police judiciaire de la police, de la gendarmerie, de toutes les unités du pouvoir, veillez à ce qu’il n’y ait plus d’abus. Le plus important pour moi est de vous dire ceci : tous les procureurs d’instance sous la direction desquels vous êtes placés, je voudrais vous rassurer qu’il n’y aura aucun abus concernant des enquêtes que vous avez mené. C’est vrai, le procureur de la République ou les Procureurs de la République, dans le cadre de la direction de la police judiciaire sont tenus de vous donner des instructions auxquelles vous ne pouvez pas déroger. Mais, j’ai déjà rappelé aux procureurs d’instance, en ma qualité de surveillant Général de vos activités et en tant que première autorité du parquet de mon ressort, j’aurai un œil vigilant par rapport à la nature des instructions qu’on va vous donner et que ces instructions ne vont pas dans le sens d’obstruer la bonne marche de vos enquêtes. Parce que c’est important. Dans le cadre de la loyauté, vous n’avez pas besoin d’appeler un procureur général pour dire que tel procureur de la République a donné telle instruction. Non ! Je voudrais que ce qui est légalement prévu, référez vous toujours au procureur de la République quand vous allez recevoir les dossiers.

Deuxièmement, les mesures de garde à vue, respectez les délais. Si vous voulez proroger, c’est tout à fait légal ; mais, référez vous au procureur de la République. J’ai entendu dire des gens : le procureur général a fait des annonces, je crois que ça va s’arrêter là. Je crois que c’est mal connaître le procureur général que je suis. C’est mal me connaître. La sociologie de la République de Guinée nous enseigne tous que : tant que vous n’associé pas la parole à l’acte, le Guinéen ne va pas vous croire. Je vous assure sur l’honneur et ma dignité, je mets ma vie sur un plateau de l’égalité, je ne reculerai devant rien. Aucun obstacle, je le dis et le répète. Sans abus, sans passion, force restera à la loi.

Je ne protégerai aucun officier de police judiciaire. Je le répète, je ne protégerai aucun officier de police judiciaire. Parce que, qu’est-ce qui se passait ? Dès qu’un officier de police judiciaire est poursuivi devant les tribunaux de première instance, il courrait venir voir le parquet général : aidez-moi à avoir l’habilitation. Mais, l’habilitation ce n’est pas un sésame pour garantir l’impunité. Il faut que les gens le comprennent. On vous donne ces habilitations pour que vous soyez protégés dans la légalité de votre travail. Vous remarquerez qu’à partir d’aujourd’hui on ne donnera l’habilitation à personne. Le délai étant passé, personne ne courra après pour dire : monsieur le procureur général je n’ai pas été habilité. Ceux qui n’auront pas leurs habilitations doivent savoir qu’ils ne peuvent pas poser des actes de police judiciaire. Je vous promets d’être ferme par rapport à ça. Un officier de police judiciaire qui doit protéger les citoyens, les convocations que vous devrez émettre doivent indiquer les motifs, c’est-à-dire pourquoi vous convoquez. Il ne faut pas convoquer un citoyen qui vient la peur dans le ventre. Le citoyen, en venant vers vous, doit être rassuré qu’il n’y aura pas d’abus, il doit être rassuré que là où il vient, les officiers de police judiciaire étant des justices de proximité, il vient dans la maison du citoyen, pas dans la prison pour citoyens. Dès que vous venez, on dit l’affaire vous concernant, nn vous dit : assoyez-vous là-bas, vous attendez, vous ne bougez pas. Ce n’est pas comme ça. Vous le convoquez, il vient. Vous lui dites : vous êtes poursuivi pour abus de confiance. Mais, abus de confiance qui ne doit pas être assimilé à des affaires civiles. Quand un abus de confiance est avéré, vous lui demandez s’il a besoin de l’assistance d’un avocat. S’il dit qu’il a besoin d’un avocat, le code de procédure vous recommande d’adresser le courrier sans délai au bâtonnier qui va désigner un avocat d’office. L’avocat qui doit venir, vous ne devez pas l’empêcher d’entrer en contact avec son client. Laissez le entrer en contact avec lui. La rencontre entre l’avocat et son client doit se faire dans la plus grande discrétion. Mais, si un officier de police judiciaire met en garde à vue quelqu’un pendant une semaine, après c’est pour dire que c’est au nom de la hiérarchie, ou l’ordre vient d’en haut, ou encore c’est le haut niveau. L’ordre ne vient pas d’en haut. L’ordre doit venir du procureur d’instance », a martelé le procureur Charles Wright.

Propos recueillis et décryptés par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com.

Tel : +224 622 07 93 59

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