Conditions carcérales, conseils des parents, formation militaire : le commandant AOB dit tout à Guineematin.com (interview)

Commandant Alpha Oumar Boffa Diallo (AOB)

Après 11 ans d’incarcération à la maison centrale de Conakry,  le commandant Alpha Oumar Boffa Diallo (plus connu sous le nom de AOB) a recouvré sa liberté le 5 janvier dernier après une grâce présidentielle en sa faveur. Il a rejoint sa famille où il savoure l’air de la liberté et l’arôme de la vie au près sa mère, ses frères et sœurs, sa femme et ses enfants l’attendaient depuis tant d’années.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com ce lundi, 08 février 2022, à son domicile de Kagbelen, dans la commune de Dubréka, le commandant Alpha Oumar Boffa Diallo est revenu sur sa vie de prison, mais sur sa formation militaire et les précieux conseils de ses parents.

« Le courage et la croyance m’ont permis de tenir la prison. Je me suis contenté de la prison comme mon domicile. Je partageais tout ce que gagnait et je tendais la main à tout le monde », a-t-il dit.

Décryptage !

Guineematin.com : C’est en quelle année que Alpha Oumar Boffa Diallo a intégré l’armée guinéenne ?

Commandant AOB : Nous sommes les produits de 1985-86. Mais, moi je dirais 86, parce que c’était au mois de décembre 85. Au mois de décembre 85, on a été doté, et on est pris en compte à partir du 1er janvier 1986.

Guineematin.com : Vous venez de sortir 11 ans de prison. Comment avez- vous trouvé votre famille ? 

Commandant AOB : Là, honnêtement, je remercie le bon Dieu et je remercie tout le monde. J’ai trouvé ma famille en bonne et due forme. Sauf ma femme qui est tombée malade depuis les premières heures de mon arrestation. Elle continue toujours à souffrir avec ma maman aussi. Mes enfants, ils ont enduré, mais ils ont fait preuve d’initiative et de courage. Ils ont encadré la famille derrière moi.

Guineematin.com : Une de vos proches avait dit que votre maman n’était pas au courant de votre arrestation. Qu’en est-il réellement ?

Commandant AOB : J’avais interdit à tout le monde d’informer ma maman comme quoi, j’étais en prison. Pour quelle raison ? Moi, ma maman c’est une femme qui a beaucoup souffert. Et, elle est tombée malade près de 20 ans. Après 20 ans de maladie mentale, elle s’est rétablie. Donc, on l’a ramené dans le foyer de mon père où on cherchait toujours à l’encadrer au point de vue traitement. Donc, si des événements comme ça se passent, si on vient l’informer, elle allait aussitôt succomber. J’ai dit à tout le monde de ne pas lui dire que je suis dans cet état. Ils m’ont demandé pourquoi ? Et, qu’est-ce qu’on va dire à notre maman ? Je leur ai dit : dites à notre maman que je suis à l’étranger pour des stages. Parce que dans le passé, tous les ans je partais à l’étranger. Si je ne suis pas en France,  je suis en Chine ou ailleurs  pour quelques mois, parfois pour quelques années. Mais, par après, ma maman a commencé à soupçonner. Elle a dit que mon fils à l’habitude de partir, mais il n’a pas l’habitude de durer comme ça. Un jour, elle s’est même révoltée contre mes sœurs en leur disant : vous m’avez trahi. Elle a dit : dans mes rêves, j’ai vu mon fils les jambes et tous les pieds bandés enfermés dans une maison. Cette maison est dans une cour fermée et cette cour dans une autre cour. Ce jour-là tout le monde était ébahi à la maison. Et, quand j’ai appris la nouvelle, j’ai su qu’elle a dû comprendre.

Guineematin.com : Vous êtes visiblement en forme après toutes ces années de prison. Qu’est-ce qui vous a permis de résister en prison ?

Le commandant AOB : D’abord je suis croyant.  Le seul cadeau que mon père m’a donné pour la première fois quand je suis venu lui dire en 86 que je suis admis pour la France, je vais passer mon brevet TAP, il dit : d’accord, qu’est-ce que tu veux ? J’ai dit : je veux que tu m’assistes financièrement. Il m’a dit : d’accord, tu m’attends dans ma chambre. Il est parti et il est revenu. Quand il est revenu, il m’a dit : je te recommande deux choses : Un,  il faut prier tant que tu peux. Et, deuxièmement, si tu touches à l’alcool, je prie Dieu que tu ne reviennes plus en Guinée. Et, si tu restes là-bas, que Dieu ne t’accorde pas longue vie. Ça, il a bien fait de me donner ses deux conseils. Parce que là où on était,  les réfectoires où on mangeait, un hangar pouvait prendre 500 parachutistes. Parce que l’école forme plus de 15 mille parachutistes par an. Et, c’est écrit devant le portail. Un bon soldat, c’est celui qui a le ventre plein. Et, à l’intérieur, jus de fruits, ananas,  citron, bière, vin rouge, tout ce que vous connaissez c’est dans les robinets. Vous ouvrez,  vous consommez à votre faim. Donc, s’il ne m’avait pas alerté au début, j’allais toucher à l’alcool. Et, il m’a toujours dit de prier. Il m’a dit tant que tu prie, tu restes avec Dieu. Le jour que tu abandonnes de prier, c’est fini pour toi. Donc, j’ai la foi. Et, je suis l’un des hommes les plus avertis parmi les militaires. Pourquoi ? Au départ, on a balancé une grenade dans ma voiture. Une grenade défensive. Normalement elle est mortelle jusqu’à 35 mètres de rayon. C’est un miracle. Dire que quelqu’un a eu la malchance de sauter sur une grenade et il est sorti indemne. Là, quand je me suis vu à l’hôpital, après quelques jours, la jambe bandée, les éclats au niveau de l’abdomen, la jambe gauche cassée à 4 endroits, la jambe droite 3 endroits. Il y a une partie même qui a été coupée grâce à l’assistance des médecins militaires. J’ai pu retrouver ma santé.  Donc, j’ai cru en Dieu. Il y a un penseur qui a dit que dans la vie, il n’y a ni bonheur, ni malheur. Il n’y a que la contradiction d’un état à un autre état. Au moment où je sortais de la prison, je faisais 2 heures de sport. Vous pouvez aller demander à la maison centrale. Quand je partais à 7 heures, je revenais à 9 heures. Donc, la croyance et le courage m’ont permis de tenir la prison. Et, je me suis contenté de la prison comme mon domicile.  Vous pouvez demander. Je partageais tout ce que je gagnais et je tendais la main à tout le monde. C’était ça ma devise.

Guineematin.com : Aujourd’hui quel est le message que vous avez à lancer à l’endroit des Guinéens, notamment les jeunes ?

Commandant AOB : Pas seulement les jeunes,  mais à tous les Guinéens. Je remercie tout le monde. Parce que j’ai compris après ma sortie sur les réseaux sociaux, les déclarations des gens dans les radios. Vous venez d’assister à un événement d’une délégation venue de Boffa. Depuis que je suis sorti de prison, je n’ai pas eu la chance de dormir une heure, sauf hier. Et, hier aussi, j’ai pris un médicament pour ne pas tomber malade. Donc, je remercie tout le monde, tous les Guinéens, petits, grands, vieux, vieilles, tout le monde. Parce que j’ai vu les réactions des gens à l’intérieur, tout comme à l’extérieur du pays. Je remercie mes parents, les gens qui m’ont assisté en prison. Parce que j’ai passé 11 ans en prison sans salaire, sans ravitaillement. Et, Dieu a fait que j’ai pu continuer à supporter la famille. C’est moi qui donnais la dépense dans ma famille ici et dans ma famille à Boké. Donc, c’est Dieu qui peut faire ça. Mes enfants aussi étaient tous à l’école privée. Il fallait payer leur scolarité, leurs transports et le petit déjeuner. Durant les 11 ans, Dieu m’a toujours assisté. Donc, je remercie Dieu et toutes les personnes de bonne volonté. Je ne connais personne comme ennemi. Pour moi, tout le monde est ami, parce que je ne suis l’ennemi de personne.

Entretien réalisé par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel : 620 589 527/664 413 227

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