Youssouf Camara sur le limogeage du maire du Matam : « il y a eu des manquements sur l’orthodoxie financière »

Youssouf Camara

Comme annoncé précédemment, le maire de la commune de Matam, Seydouba Sacko, a été limogé hier, lundi 14 février 2022, par le chef de l’Etat. On lui reproche d’être impliqué dans affaires présumées de corruption et de détournement de derniers publics. Mais, aussi que sont les faits reprochés à cette autorité communale, le légalité du décret qui l’a éjecté de son poste fait l’objet de débats au sein de l’opinion nationale.

Mais, pour Youssouf Camara, conseiller communal à la mairie de Matam, l’article 143 du code des collectivités donne la possibilité même au ministre de l’administration du territoire de suspendre et remplacer un maire. Ce collaborateur de Seydouba Sacko a été l’un des premiers à alerter sur la mauvaise gestion des fonds de cette commune. Et, il assure aujourd’hui encore qu’il y a des manquements sur le respect de l’orthodoxie financière de la mairie de Matam.

Décryptage !

Guineematin.com: comment avez-vous accueilli le limogeage de votre maire par le chef de l’Etat ?

Youssouf Camara : Très sincèrement, je ne suis pas du tout étonné de la tournure des choses. Je savais pertinemment qu’il y avait des éléments à charge et que si réellement on était dans l’application du contrôle budgétaire, le maire n’avait aucune chance de s’en sortir. N’oubliez pas que la gestion des fonds des collectivités repose sur le principe de l’ordonnateur du budget. Le maire est le seul ordonnateur du budget communal au vu de l’article 456 du code des collectivités ; et, en même temps, il veille sur le recouvrement, sur le contrôle à fortiori des recettes collectées ainsi que leur orientation. Les dépenses du maire ne doivent pas se faire en dehors des objectifs budgétaires votés en session. Mais, si toutefois l’ensemble de ces principes sont foulés au sol, si toutefois la question de la mobilisation des recettes n’est pas soumise à un contrôle strict par rapport à la performance des agents recouvreurs, si l’orientation des fonds ne va pas conformément au respect de la nomenclature budgétaire, forcément il y a manquement sur le respect de l’orthodoxie financière. Au vu du dernier rapport de l’inspection générale des finances, il y a eu des montants colossaux qui ont été mobilisés depuis 2019 et qui n’ont jamais été reversés dans les caisses de la commune. Et, quand un montant est mobilisé, ça doit partir au trésor, mais ça se retrouve ailleurs, c’est du détournement. Vous en êtes témoins, on a été sur plusieurs médias pour alerter. Vous savez, dans ce pays, dès que tu parles, on cherche à savoir quelle est ta position politique, on cherche à savoir ton nom de famille et on te classe. Mais, aujourd’hui, Dieu sait bien faire les choses, la vérité a fini par triompher.

Guineematin.com: pensez-vous que c’est seulement le maire Seydouba Sacko qui est derrière ce détournement présumé qu’on lui reproche ?

Youssouf Camara : puisqu’il est mis à la disposition de la justice, il citera ses complices. Il a remis quel montant à qui. Il n’a pas été à la hauteur. A l’issue de cela, je crois que nous serons plus situés sur la responsabilité des uns et des autres.

Guineematin.com : Mais, à votre avis, en dépit de tout ce qu’on peut reprocher aujourd’hui au maire élu, Seydouba Sacko, est-ce que son limogeage par le chef de l’Etat obéit aux dispositions du code des collectivités ?

Youssouf Camara : A l’article 143, le code des collectivités, on donne même la possibilité au ministre de l’administration du territoire qui constitue la tutelle rapprochée de remplacer ou de suspendre un maire. Mais, ce que les gens doivent comprendre, nous sommes en période d’exception. Alpha Condé a été élu pour un 3ème mandat, il a fait neuf (9) mois dans ce mandat, il a été débarqué par coup d’État et personne n’a parlé d’illégalité. Aucun juriste n’est venu dire que c’est illégal. Il n’y a pas eu de condamnation. C’est le cas des 114 députés qui viennent des 33 communes plus les 66 circonscriptions au niveau national, ils ont été dégommés et personne n’a parlé. On est à la recherche de quelle légalité ? Ce que les gens doivent comprendre, à partir du moment où un maire se permet de détourner un fonds, il n’est plus légal. La légalité d’un chef repose sur sa moralité, sa crédibilité à gérer les affaires de la collectivité. A partir du moment où il est soupçonné, il est reconnu coupable des faits, sortons de ce débat. Ce n’est plus important.

Guineematin.com: si tout se passe selon les règles, monsieur Sacko sera remplacé par son 1er vice, à l’occurrence Ismaël Condé. Quel message avez-vous à l’adresser ?

Youssouf Camara : ce conseiller doit prendre de l’exemple sur son prédécesseur. Il doit comprendre qu’on ne peut pas faire ce que l’on veut dans une commune. Une commune, c’est la collectivité, c’est l’argent des contribuables. Je crois que l’attitude de son prédécesseur lui servira d’exemple pour qu’il puisse gérer convenablement les affaires de la commune.

Je jure, la main sur le coran, quelque soit la personne qui gérera les biens publics, s’il ne le fait pas dans les règles de l’art, je le dénoncerai.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél: 622 68 00 41

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