Exil des anciens dignitaires : les mots et les maux du ministre !

Habib Yembering Diallo

Cher ami,

C’est avec une grande émotion que j’ai appris ce qui s’est passé. A savoir que tu as repris le chemin d’un nouvel exil pour sauver ta peau. Même si se sauver sans sauver les siens ne signifie rien d’autre que périr. Que tu te mettes à l’abri sachant que tes camarades de lutte sont dans l’œil du cyclone, et connaissant ton humanisme, j’imagine la douleur qui est la tienne. Mais, c’est bien que tu recouvres ta liberté. Tu n’étais pas en prison, comme nos autres camarades. Mais, tu n’étais pas non plus libre. Car, notre pays est devenu une prison à ciel ouvert pour les anciens responsables que nous sommes.

Comme tu peux l’imaginer, ta sortie du territoire suscite moult commentaires. Surtout la manière. Pour quelqu’un comme toi, qui est au diapason de ce qui se passe, je n’ai pas grand-chose à te raconter sur ce débat. À la fois sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. Les aigris ironisant qu’un homme, parmi les plus virulents de notre parti, ne devait en aucun cas se déguiser pour se sauver. D’autres louent plutôt ta bravoure d’avoir pu jouer et gagner face à un régime, j’aillais dire un clan qui s’acharne contre nous.

Quelqu’un a fait remarquer que tu fus le plus belliqueux de notre régime. Rappelant des propos que tu avais tenus au siège de notre grand parti. Pour ce type, dont les propos attestent le mépris qu’il a pour toi et ton parti, se déguiser en femme pour sortir « la queue entre les pattes » est indigne du guerrier que tu fus. Mais, un autre lui a rappelé qu’un héros mort ne peut pas se venger. Et que c’est en faisant cette année ce que tu fis il y a près de 30 ans que tu pourras continuer le combat.

Si tu veux mon point de vue sur la question, et sans démagogie aucune, je te dirai sans ambages que tu as prouvé que tu es un enfant de la révolution. Ou plutôt un enfant qui a vécu pendant la révolution. Tu as été un vrai stratège. Peu importait la manière de sortir du pays. C’est la fin qui a justifié les moyens. Encore une fois donc bravo champion d’avoir montré à ces novices que si tout le marché de bétail est rempli d’animaux, mais tous ces derniers ne valent pas le même prix.

Bref, après cette euphorie, il faut revenir à la réalité. J’aillais dire la triste réalité : celle des tiens que tu as laissés derrière. Car, il faut être naïf pour penser que ce camouflé, qui en dit long sur la porosité de nos frontières, restera sans conséquences. Désormais, une chape de plomb risque de s’abatte sur nous autres. Après ta sortie, qui a été précédée de celle d’autre autre, devenu lui aussi la bête noire du clan, les frontières seront ce qu’elles furent pendant la révolution. Période durant laquelle celui qui traversait la frontière de notre pays vers la Côte d’Ivoire ou par où tu es passé pouvait être liquidé comme un jubiler.

Dans cette histoire, deux personnes pourraient faire les frais : les anciens dignitaires du régime qui tenteront une aventure comme toi et bien évidemment les femmes portant le voile intégral. Parce que, désormais toute femme portant cette tenue est potentiellement un suspect. Comme l’a écrit un internaute, tu as rendu un mauvis service à ces femmes. Mais bon, c’est moins le sort de ces femmes qui me préoccupe que le mien et celui des miens.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, après ta sortie du territoire, notre situation est pire que celle de nos camarades en prison. Ces derniers espèrent une libération. Nous nous attendons une arrestation. La situation de ceux qui, comme moi, sont en liberté surveillée n’est pas du tout enviable. Quand la nuit tombe on attend anxieusement. Et à la levée du jour dès qu’on voit un homme en uniforme on craint qu’il ne soit porteur d’une convocation. Ce qui fait que, personnellement, je mange peu et ne dors plus.

Or le manque d’appétit et de sommeil constitue une source dangereuse de maladie. Inutile de te dire que je crains pour ma santé. A la fois physique et mentale. Car les rares fois que je parviens à fermer les yeux, je suis confronté à des images cauchemardesques à cause desquelles je préfère veiller que dormir. Un ami médecin m’a dit que ce sont des troubles psychosomatiques qui me ramènent la vie réelle dans une vie virtuelle au sommeil.

Devant une telle situation, devenue intenable, je souhaite que tu m’aides. En me recommandant par exemple à ton maître spirituel, grâce auquel tu as pu emballer tous ces agents le long de nos frontières pour passer. L’objectif pour moi est de voir s’il accepte de faire pour moi ce qu’il a dû fait pour toi. Même si je n’ai aucune preuve que c’est grâce à un tel procédé que tu as pu passer dans les mailles de filet, ce n’est un secret pour personne que parmi nos camardes de lutte, tes connaissances occultes sont de notoriété publique.

Si, par le passé, ton aide ne m’a jamais fait défaut, tu dois savoir que je n’ai jamais eu autant besoin de toi qu’aujourd’hui. C’est une question de vie ou de mort. En prenant le chemin d’un nouvel exil, toi tu renoue avec veille aventure. Par contre, et comme tu le sais, moi je n’ai jamais quitté ce pays. Raison pour laquelle, j’ai besoin d’aide et d’assistance pour le faire. Pour réaliser ce projet, tu devras jouer un rôle capital du départ à l’arrivée jusqu’à mon installation dans mon nouveau pays d’accueil.

Ton ami, le ministre Habib Yembering Diallo qui attend avec impatience ta réponse

Tél. : +224 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire ministérielle et une autre n’est que pure coïncidence

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