Primature : départ de Mohamed Béavogui, un homme sans charisme ni patriotisme !

Mohamed Béavogui, ancien Premier ministre

Devant l’impasse dans laquelle se trouve une transition sans tête ni queue, il est évident que certains ministres ne savent plus à quel saint se vouer. Pour sa part, Mohamed Béavogui a fini par jeter l’éponge. L’histoire retiendra de lui qu’il a été parmi les Premiers ministres qui auront subi jusqu’au bout. L’homme n’a fait preuve d’aucune résistance face à un officier sans expérience qu’il était censé aider à mener à bon port une transition.

Mohamed Béavogui laisse derrière lui d’autres ministres en proie à un véritable dilemme cornélien. Avec plusieurs manifestants déjà tués, un ancien ministre qui meurt en prison et une transition qui a du mal à fixer le point d’arriver, il va de soi que beaucoup de ceux qui ont rêvé après le 5 septembre 2021 commencent à s’interroger voire déchanter. Parmi eux, les ministres qui ne juraient que par le respect des droits de l’Homme.

Après la démission du Premier ministre à partir de l’extérieur du pays, les autres ministres savent qu’ils sont surveillés à la loupe. Surtout ceux qui, comme leur ancien patron, sont marginalisés dans leur département. Un ministre qui a un secrétaire général ou un chef de cabinet qui est le véritable patron, parce que plus proche du patron est plus enclin à jeter l’éponge. Ou encore un ministre soupçonné à tort ou à raison d’entretenir des contacts avec les hommes politiques. Comme c’était le cas de l’ancien Premier ministre.

Dans tous les cas, Mohamed Béavogui, lui, a pris ce qu’il considère être la bonne décision. Dans une structure quelconque, s’il y a un décalage entre le discours officiel et la réalité, il faut tirer les leçons. M. Béavogui a compris cela. Il y a d’un côté ce que le gouvernement décide et de l’autre ce que les conseillers occultent du chef de la junte préconisent. Et le plus souvent ce sont ces derniers qui prennent le dessus. Dès lors, l’ancien Premier ministre, qui devait soit résister et rester, soit faire un aveu d’échec et démissionner, a préféré la seconde solution.

Cette démission est un véritable aveu d’impuissance face à un officier, qui subirait les pressions de ceux qui ne veulent pas entendre céder le pouvoir. Si de nombreux observateurs sont d’accords que si le Premier ministre n’avait pas les coudées franches il devait faire ce qu’il a fait, tous sont aussi unanimes que l’homme a fait preuve d’une passivité voire d’une soumission totale. Il n’a jamais publiquement marqué son désaccord avec la façon dont la transition était en train d’être menée.

Que ce soit la rebaptisation de l’aéroport de Conakry, la démolition de la maison du président de l’UFDG, l’expropriation du président de l’UFR, l’arrestation et la détention d’opposants ou d’activités de la société civile ou encore le meurtre de sang-froid de jeunes manifestants, M. Béavogui a gardé un silence de cimetière. Ce qui n’est pas à son honneur.

 Toutefois, la démission est une autre façon de marquer son désaccord. Même si les Guinéens attendaient et espéraient un Premier ministre charismatique, capable de dire non pour aider le président de la transition et le peuple de Guinée. Car la démission n’est pas la solution. Ce départ constitue tout de même un camouflé pour le CNRD et son gouvernement. Il met à nue les dissensions et les contradictions dans une équipe qui a du mal à regarder dans la même direction et à parler le même langage. Parce que les agendas des uns et des autres sont comme le levant et le couchant.

Opposants et activistes de la société civile traqués et jetés en prison, manifestants tués, d’autres torturés, journalistes harcelés et suspendus, tous les ingrédients sont désormais réunis pour revivre un passé douloureux. Devant cette perspective anxiogène, Mohamed Béavogui devait essayer de faire changer les choses au lieu de jeter l’éponge.  Après ce départ, les autres ministres ont le choix entre le peuple et les délices d’un pouvoir éphémère. Entre l’honneur et les privilèges. Ebranlé par ce départ, le CNRD pourrait lâcher du lest. Mais, à conditions que les autres ministres fassent preuve d’audace et de patriotisme. En marquant clairement leur désaccord face aux assassinats de manifestants ou encore exiger l’arrêt du musèlement de la presse. En tout cas, l’histoire retiendra que tous ceux qui ont gardé un mutisme total face aux dérives du nouveau pouvoir sont coupables de complicité.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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