Depuis l’avènement du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) au pouvoir en Guinée, les cadres qui bénéficient de nominations sont contraints de jurer sur les livres saints (le Coran et la Bible) avant de prendre fonction. Cet exercice consiste pour la junte militaire de s’assurer de la loyauté des cadres dans la gestion des affaires publiques. Mais, cette démarche suscite assez d’interrogations au sein de l’opinion publique nationale. Beaucoup de citoyens se demandent s’il est permis de jurer sur le Coran ou la Bible et les conséquences d’une telle chose sur ceux qui se livrent à ça.
Pour tenter d’apporter des réponses à ses préoccupations des populations fortement croyantes, Guineematin.com a tendu son micro au Père Mathias Maomou, vicaire à la paroisse de Saint Cyprien de Dixinn. Et, sans aucune ambigüité, ce prêtre adjoint a laissé entendre que « la Bible admet » cette pratique. Mais, il précise que si ceux qui le font savent qu’ils ne vont pas tenir leur engagement devant Dieu, il vaut mieux pour eux qu’ils évitent de jurer.
Décryptage !
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« Dans la Bible, c’est autorisé. On dit : << jurez par le nom de Dieu ». Si nous prenons le livre du Deutéronome au chapitre 6 verset 13, nous prenons aussi le chapitre 10 verset 20, également le livre des rois (Cf. 1 R 22, 16 et 2 R 11, 4). Tous ces versets nous montrent que « jurez au nom de Dieu » n’est pas une mauvaise chose. Ce qui est essentiel dans ce sens de jurer, il s’agit là d’un engagement devant Dieu, un fait qui nous engage car nous prenons Dieu pour témoin et décidons de marcher avec Dieu. Et, quiconque s’engage à marcher avec Dieu, ça veut dire que tu es appelé à vivre sincèrement ce que tu dois exercer comme nouvelle fonction. Ça veut dire que tu prends le risque de dire que je serai sincère dans mon travail, je serai sincère avec Dieu, je serai sincère avec mes frères et sœurs. Donc, nous prenons Dieu pour à témoin.
Même dans le Coran, cette pratique n’est pas interdite. Prenons par exemple les Sourates suivantes : Sourate 5, 106-107 ; 9, 42 ; et 70, 40 ; ces versets Coranique prouvent que l’Islam n’interdit pas cette pratique avant d’exercer une fonction. Mais, il faut reconnaître que dans le Coran, tout comme dans la Bible, il est écrit : la Sourate 9 verset 62 qui nous dit : ‘’Ils vous jurent par Dieu pour vous satisfaire. Alors que Dieu- ainsi que son messager- est plus en droit qu’ils le satisfassent s’ils sont vraiment croyants’’. C’est-à-dire qu’il ne faut pas jurer simplement devant nos frères et sœurs pour dire que c’est une manière de les satisfaire et puis, après, je tombe dans l’eau. Cela veut dire que si nous devons jurer, nous devrons le faire sincèrement.
Il ne faut pas jurer pour satisfaire simplement les gens qui sont devant nous, parce que ce sont des risques. Parce que si nous jurons devant Dieu, nous prenons Dieu pour témoin. Ça veut dire que si nous ne faisons pas ce qui nous est demandé, c’est Dieu même qui va nous frapper.
Voilà pourquoi il est dangereux d’une part de jurer au nom de Dieu, parce que le Coran et la Bible sont des choses saintes car Dieu est saint.
Et, si nous revenons encore dans la Bible, nous prenons Matthieu chapitre 5 des versets 33 à 36 qui nous dit : « Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux ancêtres tu ne parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. Eh bien ! moi je (Jésus) vous dit de ne pas jurer du tout : ni par le Ciel car c’est le trône de Dieu ; ni par la Terre car que c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem car c’est la ville du grand Roi. Ne jure pas non plus par la tête, car tu ne peux rendre un seul cheveu blanc ou noir. Que votre langage soit : « Oui ? Oui », « Non ? Non » : ce qu’on dit de plus vient du Mauvais ». C’est-à-dire ce que nous disons que ce soit oui ou non, parce qu’avant même que nous n’ouvrons la bouche, Dieu connaît déjà ce qui est dans notre cœur. Est-ce que ce que je suis en train de faire, je suis sincère envers moi-même ? Parce que si nous savons que nous sommes des êtres fragiles, le mieux, c’est de ne pas jurer.
Mais, si consciencieusement nous savons que nous allons faire ce travail-là sans trahir Dieu, sans trahir nos frères et sœurs, nous pouvons jurer. Mais, si nous sentons que nous sommes faibles et que nous allons tomber dans le piège, le mieux, c’est de ne pas s’engager dans cette histoire. Parce que Dieu n’est pas dans les choses mauvaises.
C’est ce que l’Apôtre Saint Jacques nous dira encore dans sa lettre au chapitre 5 versets 12 qui va nous dire : « Mais, avant tout, mes frères, ne jurez ni par le ciel ni par la terre, n’usez d’aucun autre serment, que votre oui soit oui, que votre non soit non afin que vous ne tombiez pas sous le jugement ».
Donc, si je sais que je suis faible, je sais que le travail que je suis en train de faire je ne peux pas le faire sincèrement, le mieux, c’est de ne pas engager Dieu dedans. Parce que prendre Dieu comme témoin, il y a des risques. C’est vrai que nous sommes des êtres fragiles ; mais, en jurant ainsi, nous prions aussi ce même Dieu que nous prenons comme témoin de nous donner la force pour que nous puissions réaliser l’activité que nous voulons faire », a expliqué le Père Mathias Maomou.
Mamadou Yahya Petel Diallo et Ibrahima Bah pour Guineematin.com
