Colonel Ibrahima Camara « Kalonzo » à la barre : « je ne connais rien du 28 septembre ! J’étais détenu au PM3 »

Comme indiqué dans une de nos précédentes dépêches, c’est le Colonel Ibrahima Camara, dit Kalonzo, qui a succédé à l’ex ministre de la santé, le Colonel Abdoulaye Diaby, à la barre du tribunal criminel de Dixinn, délocalisé dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry, pour répondre des accusations portées contre lui lors du massacre du 28 septembre 2009, dans la matinée de ce mercredi, 16 novembre 2022, au 20ème jour de ce procès historique, a constaté l’équipe de Guineematin.com qui est déployée sur place.

Interrogé par le juge, Ibrahima Sory 2 Tounkara, qui voulait savoir s’il reconnaît les faits pour lesquels il comparaît devant ce tribunal, le Colonel Ibrahima Camara « Kalonzo » a dit ne rien savoir de ce qui s’est passé au stade, jurant avoir été arrêté et détenu au moment des faits. Disant avoir été interpellé le 3 août, il dit être resté au PM3 de cette date au 6 novembre pour avoir détourné 48 millions de francs guinéens.

« Concernant la question que vous m’avez posé, je dirais qu’en ce qui concerne l’événement du 28 septembre, je ne connais absolument rien dedans. Je n’ai posé aucun acte. Je n’ai négocié avec personne. Parce que ma position ce jour, j’étais au PM3. C’est une prison qui était située en ville ici. Alors, j’étais mis en prison par mon chef de service, le Colonel Moussa Thiégboro Camara, ici présent. Vous pouvez lui demander. Je suis resté en prison depuis le 03 Août 2009 (c’est-à-dire un mois avant l’événement) et je suis sorti le 6 novembre de la même année. Donc, si vous me posez la question sur les évènements du 28 septembre, je dirais que je ne connais absolument rien dedans.

Voilà la petite histoire. Je partais un jour à Kagbélen parce que j’ai un petit chantier vers là-bas. Tous les dimanches, je m’y rendais. Donc, à mis chemin, j’ai été interpellé par le Colonel Abou Keïta. Alors, il était l’officier chargé de l’organisation des ressources humaines à l’état-major de la gendarmerie. Ça, c’était le dimanche. Donc, il m’invitait à partir le joindre à l’état-major. Le lendemain, c’est ce qui fut fait. Quand je me suis rendu là-bas, il m’a posé la question de savoir ce qui est entre moi et le Colonel Thiégboro ? Je dis ‘’mon Colonel, c’est un problème d’argent qui m’oppose à lui’’. Il me dit : ‘’puisqu’il en est ainsi, moi, je n’ai pas de décision, il faut qu’on aille voir le chef d’état-major adjoint de la gendarmerie d’alors, François Béavogui’’. Nous sommes entrés dans son bureau et ce dernier m’a posé la même question à l’issue de laquelle il a ordonné le Colonel Abou Keïta de me mettre aux arrêts. Lui à son tour, il a appelé le Colonel Famoudou Sanoh qui était l’officier de garnison de l’état-major de la gendarmerie. Il m’a pris et m’a emmené au PM3.

Arrivée au PM3, nous avons trouvé le Colonel Bah Oury qui était l’officier du PM3. C’est lui qui était le commandant de l’unité du PM3 là-bas. Donc, il m’a fait entrer dans la prison. Dans laquelle prison j’ai trouvé le commandant Kader, le commandant du BATA, il était là-bas avec moi. Il y avait aussi un certain Monsieur Diallo. Je le remercie ici solennellement. C’est lui qui me passait des romans SAS que je lisais souvent parce que c’était mon passe-temps. Donc, je suis resté là-bas jusqu’au 6 novembre. Le 5 novembre, la nuit, à 20 heures-21 heures, c’est le Colonel Tamba Gabriel Diawara qui était devenu commandant d’unité en remplacement du Colonel Bah Oury. Donc, c’est lui qui m’a pris, il m’a dit ‘’mon Capitaine, il faut qu’on aille voir le Colonel Thiégboro, il a besoin de vous voir’’. Ça, c’était après avoir négocié ma libération auprès de mon chef de service, le Colonel Thiégboro. Donc, il m’a pris dans sa propre voiture la nuit du 5 novembre. Arrivée, nous sommes entrés dans le bureau du Colonel Thiegboro. On a fait la dernière formalité pour ma libération et j’ai obtenu cette libération la nuit là. Donc, je ne me suis même pas retourné chez moi. Je me suis reparti directement au PM3 où j’ai passé la nuit. Le lendemain matin, je suis sorti voir ma maman à la maison. On a fait d’autres formalités. Donc, pratiquement, monsieur le Président, c’est tout ce que connais dans cette affaire. Je ne me suis pas rendu au stade, je n’ai négocié avec personne, je n’ai appelé personne.

Bien sûr, je travaillais à l’anti-drogue avec le Colonel Thiégboro. Mais, avant l’événement, moi, j’ai été mis en prison. J’ai fait 3 mois et 3 jours au PM3. Donc, même le général Baldé nous a rendu visite au PM3. Donc, si je vous dis que je connais quelque chose dans cette affaire, vraiment, je vais mentir. Je ne suis pas parti au stade. Sauf un seul jour, le pool des juges m’a appelé pour me dire ‘’vous êtes appelé ici parce qu’il y a un certain Sory Condé qui disait que vous étiez son chef de patrouille. Est-ce que vous le connaissez ?’’ J’ai dit que je le connais très bien. Mais, je n’ai jamais eu à faire avec lui. De toutes les façons, il n’a qu’à venir ici, s’il a des arguments ou il a autres choses à me reprocher par rapport aux événements du 28 septembre. Je suis près à l’affronter. Donc, je ne peux pas m’aventurer comme ça sur autre chose. C’est tout ce que j’avais à dire monsieur le Président. Je suis à votre entière disposition », a déclaré le Colonel Ibrahima Camara, dit Kalonzo, ancien collaborateur du Colonel Moussa Thiégboro Camara aux services spéciaux de la lutte anti-drogue et du grand banditisme.

Après sa déposition, les questions du président du tribunal et du parquet qui le poursuit dans cette affaire, Kalonzo répond aux avocats de la partie civile, auxquels il a dit mal à convaincre notamment sur les preuves qu’il était bien au PM3 jusqu’au 6 novembre, à cause du manque d’acte au moment de sa libération.

Ainsi, après le passage du Colonel Moussa Thiégboro Camara, du Capitaine Marcel Guilavogui, du Commandant Aboubacar Toumba Diakité, du Capitaine Cécé Raphaël Haba et du Colonel Abdoulaye Chérif Diaby, c’est le Colonel Ibrahima Camara, dit Kalonzo, qui répond actuellement des accusations des crimes perpétrés le 28 septembre 2009.

À rappeler que selon les chiffres officiels, ce sont plus de 157 citoyens ont été tués au stade par des agents de la garde présidentielle de la junte du CNDD, des centaines de femmes ont été violées et d’innombrables blessés pour avoir manifesté contre la confiscation du pouvoir, notamment la volonté du président de la junte, le Capitaine Moussa Dadis Camara d’ôter la tenue pour se présenter à l’élection présidentielle.

Et comme ses co-accusés, le Colonel Ibrahima Camara, dit Kalonzo, est accusé dans le dossier du massacre du 28 septembre 2009 de « meurtres, assassinats, vols, pillages, incendies volontaires, vol à main armées, coups et blessures volontaires, outrage à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en dangers, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention de matériel de guerre de première catégorie et complicité ».

À suivre !

Mohamed Guéasso Doré pour Guineematin.com

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