CRIEF : « nous allons organiser le procès de Kassory et de Dr Diané, si les avocats ne viennent pas… »

Après 10 mois de détention à la maison centrale de Conakry, l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, et Dr Mohamed Diané, ancien ministre délégué à la défense et ancien ministre chargé des affaires présidentielles sous le règne d’Alpha Condé, sont renvoyés devant la chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Ce qui veut dire que l’on s’achemine vers la tenue du procès de ces deux anciens dignitaires du régime d’Alpha Condé. Ils sont poursuivis devant la CRIEF pour des faits présumés de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment d’argent, corruption et complicité.

Qu’est-ce qui a prévalu à ces décisions contre ces anciens hauts commis de l’Etat guinéen ? Où en est-on à date et à quoi peut-on s’attendre dans les jours à venir concernant ces deux procédures ?

Dans un entretien accordé à des reporters Guineematin.com, le procureur spécial près la CRIEF, Aly Touré a apporté des réponses à ces différentes questions.

Guineematin.com : l’affaire Dr Ibrahima Kassory Fofana devant la CRIEF continue à faire du bruit dans la cité. Où se situe de nos jours ce dossier dans sa gestion ?

Aly Touré : ce dossier a commencé à la CRIEF ici depuis le 6 avril 2022. C’est un dossier qui a connu toutes les étapes de l’instruction en passant par la chambre de l’instruction et la chambre spéciale de contrôle de l’instruction avant d’atterrir devant la chambre de jugement. C’est un dossier, comme je vous l’ai dit, qui a connu tous les actes d’instruction. Les témoins ont été entendus, les investigations ont été faites, les saisies ont été opérées. C’est au finish que les juges formant la chambre de l’instruction ont abouti à la conclusion selon laquelle Dr Ibrahima Kassory regroupe en son sein plusieurs charges, et des charges suffisantes qui nécessitent son renvoi devant la chambre de jugement pour être jugé conformément à la loi. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que les juges ont fait leur enquête, ils ont trouvé qu’il y a des charges suffisantes contre Dr Ibrahima Kassory pour qu’il soit jugé pour des faits de détournement de deniers publics, des faits d’enrichissement illicite, des faits de blanchiment de capitaux et de complicité. C’est ce que ça veut dire. À l’heure où je vous parle, les pourvois qu’ils ont introduits devant la Cour suprême ont été rejetés. Actuellement, il reste à formaliser le dossier et le transmettre au juge chargé de le juger.

Guineematin.com : la chambre spéciale de contrôle de l’institution a débouté Kassory en confirmant l’ordonnance de renvoi prise par la chambre de l’instruction, mais les avocats de la défense ont exprimé leur opposition à cette confirmation en dénonçant une saisie immobilière notamment contre leur client. Et pour répondre à cette mesure ils prétendent saisir la Cour de la CEDEAO. Qu’en dites-vous ?

Aly Touré, procureur spécial près la CRIEF

Aly Touré : c’est absolument fallacieux, cette position. Parce que, comment on peut dénier à un juge les pouvoirs de pratiquer une saisie. On ne peut pas dénier au juge d’instruction ses pouvoirs. C’est le code de procédure pénale qui donne les attributions, le pouvoir, à un juge d’instruction de pratiquer une saisie. Lorsque le juge d’instruction estime que les objets dont il fait cas sont des objets qui sont en relation avec les infractions qui sont poursuivies, qui sont en relation avec les biens de l’inculpé, la loi dit que le juge a la possibilité de pratiquer la saisie sur les biens de l’inculpé. Et, c’est ce que les juges ont fait. Il n’y a rien d’illégal dans ça. Peut-être que c’est leur mauvaise foi d’aller au procès où de critiquer toujours ce que la justice fait. Pratiquer une saisie par voie d’ordonnance, ce sont les attributions des juges et c’est légal. En fait, je ne les comprends pas. Parce que même l’ordonnance de renvoi devant la chambre de jugement, la loi dit qu’ils n’ont aucun droit de faire un appel de cette ordonnance. L’article 293 du code de procédure est clair là-dessus. L’inculpé ne peut pas faire appel d’une ordonnance qui le renvoie devant la juridiction de jugement. Ce n’est pas possible. Parce que le renvoi devant la chambre de jugement, ça veut dire quoi ? Ça veut dire tout simplement que les juges pensent que l’inculpé doit être jugé. Personne ne peut dire que lui, il ne peut pas être jugé. Tout le monde est justiciable. Ils ont crié sur tous les toits, jugez-nous, jugez-nous, alors que les juges étaient en train de travailler. Maintenant, les juges disent à une étape où on a compris que vous devez être jugés ; donc, nous entreprenons une ordonnance pour dire que vous devez être jugés et pour cette ordonnance qu’ils disent qu’ils ne sont pas d’accord. Ils ont fait appel, malgré tout, on est venus devant la chambre spéciale de contrôle de l’institution. Cette chambre les a déboutés et concomitamment, leurs recours c’est-à-dire leurs pourvois qui étaient devant la Cour suprême, ils en ont été déboutés. Tout ce qui nous reste à faire, c’est de bien formaliser le dossier et saisir la chambre de jugement.

Guineematin.com : on s’achemine donc leur jugement ? A quand le début du procès ?

Aly Touré : c’est pour bientôt. C’est pour bientôt parce qu’il faut respecter tout ce que la Loi a dit aux risques d’aller encore piailler devant la chambre de jugement pour dire qu’il y a telle violation. Il faut s’armer de ce que la loi dit, respecter tout ce qui est procédure avant de saisir la chambre de jugement. Ce sont ces précautions là que nous sommes en train de prendre.

Guineematin.com : l’ancien ministre de la défense nationale, Dr Mohamed, ancien ministre d’Etat en charge des affaires présidentielles est dans la même situation. Où en est-on aujourd’hui ?

Aly Touré : Dr Mohamed Diané lui aussi, la chambre spéciale de contrôle de l’instruction a rendu son arrêt aujourd’hui (jeudi, 02 mars 2023) qui les a déboutés également par rapport à l’ordonnance de renvoi devant la chambre de jugement pour être jugé. Ce qui était prévisible d’ailleurs. Ils n’ont aucun droit de faire appel d’un renvoi devant la chambre de jugement. Pour Dr Mohamed Diané aussi, il ne reste plus que la programmation du dossier pour être jugé.

Guineematin.com : les avocats des prévenus Kassory et Diané menacent de ne pas participer au procès. Qu’en dites-vous ?

Aly Touré : c’est leur droit de ne pas venir au procès. Nous, nous allons organiser le procès, s’ils ne viennent pas, nous, ministère public, on va requérir auprès du président de la chambre de jugement qui a le pouvoir de commettre des avocats d’office à l’effet de défendre les prévenus. Donc, on va aller à l’audience.

Aly Touré, procureur spécial près la CRIEF

Propos recueillis par Mamadou Laafa Sow, Mamadou Yaya Pétel Diallo et Hamidou Barry pour Guineematin.com

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