Honorable Alioune Gueye rassure les maliens : « ce qui me séduit dans ce projet de nouvelle constitution… »

Honorable Alioune Gueye, 4ème secrétaire parlementaire au CNT

Le corps électoral malien est convoqué aux urnes le 18 juin 2023 pour le référendum constitutionnel. Cette première expérience électorale de la junte militaire au pouvoir consiste à soumettre au vote le projet de nouvelle constitution. Du côté des membres du gouvernement et du conseil national de la transition (CNT), l’heure est à la vulgarisation et à la promotion du « OUI » à travers tout le pays.

Dans un entretien exclusif accordé à l’envoyé spécial de Guinéematin.com à Bamako, l’honorable conseiller Alioune Gueye, 4ème secrétaire parlementaire du CNT du Mali et président du Réseau national de la jeunesse du Mali (RENAJEM), a dit adhéré à ce projet qui, selon lui, est une opportunité pour le peuple malien.

« La laïcité n’est pas là contre une religion et que le but, c’est de renforcer la cohésion et promouvoir le vivre ensemble des maliens… », a dit notre interlocuteur dont voici l’intégralité de l’interview :

Guineematin.com : avant d’être au CNT, vous êtes un acteur majeur de la société civile malienne. Faites-nous la présentation de votre mouvement.

Honorable Alioune Gueye : Le Réseau national de la jeunesse du Mali (RENAJEM) est une plateforme des associations et organisations de jeunesse qui œuvre pour le développement durable du malien à travers les initiatives et des actions dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’environnement, du changement climatique, de l’emploi jeunes… C’est un réseau qui est national et qui est représenté dans toutes les régions et communes du Mali. Donc, nous avons eu à porter des initiatives en consortium et individuellement à travers notre plan d’actions.

Aujourd’hui, votre pays le Mali s’est engagé dans le processus de renouvellement de sa loi fondamentale de 1992. Comment appréciez-vous cette démarche et quelle est son importance dans l’ancrage démocratique du Mali ?

Honorable Alioune Gueye, 4ème secrétaire parlementaire au CNT

En ce qui concerne le projet de la constitution, je pense que c’est une opportunité pour le peuple malien pour repenser sa démocratie, de corriger des insuffisances dans la gouvernance du pays depuis des années, d’équilibrer davantage les trois pouvoirs qui font fonctionner un État à savoir : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Je salue donc l’initiative du président de la Transition, le colonel Assimi Goita qui, en réponse à l’appel et aux aspirations du peuple, aux besoins du développement harmonieux du Mali, lors des assises nationales de la refondation, a cru bon de proposer au peuple malien une nouvelle constitution en remplacement de la constitution du 25 février 1992, qui gouverne le Mali il y a 31 ans. Donc, nous estimons que cette constitution de 1992 a, au fil du temps, concentré en elle-même d’énormes insuffisances qu’il faille corriger.

Alors concrètement, qu’est-ce qui vous séduit dans ce projet de nouvelle constitution et quelle est sa particularité par rapport aux précédentes constitutions ?

Ce qui me séduit dans cette nouvelle constitution, c’est la démarche inclusive et participative du processus de rédaction de la nouvelle constitution. Vous savez, après les assises, le président de la transition s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations de ces assises de façon progressive. Et l’une des recommandations des 517 recommandations, c’est effectivement la rédaction d’une nouvelle constitution. Pour se faire, le président de la transition a désigné deux commissions successivement : la commission de rédaction et ensuite une commission de finalisation. Ce sont les forces vives maliennes qui se sont retrouvées pour écrire et valider cette constitution. Donc, la démarche en soi est une grande innovation qu’il faut saluer. Parce que jamais dans l’histoire du Mali, une constitution n’a été élaborée par les maliens eux-mêmes. On a toujours copié des idées qui ne collent pas à nos réalités. Je suis personnellement favorable au projet de la nouvelle constitution parce que premièrement, dans le préambule, la question de la forme unitaire et républicaine du Mali est établie. En démocratie, le Mali est un et indivisible. Cela est très important. La question de la promotion de la femme, de l’enfance et des personnes vivant avec handicap a été prise en compte.

L’autre avancée qu’il faut noter, c’est l’équilibre au niveau de l’exécutif. Avant, c’est le gouvernement qui définissait la politique de la nation alors que le Premier ministre n’est pas élu par le peuple. Dans cette constitution, c’est le président qui doit définir cette politique et ça permet de le mettre devant sa responsabilité face à ses mandants.

Le deuxième aspect de l’exécutif, c’est que le président de la République a le devoir de redevabilité annuelle. C’est-à-dire que chaque année, le président doit passer devant le congrès du sénat et de l’assemblée pour faire l’état de sa gouvernance. Cela permettra aux représentants du peuple d’interagir avec le président, lui poser des questions, de l’interpeller et de lui faire des propositions. Et, le président saura qu’il est là pour le peuple et non pour lui. En plus, c’est que désormais, comme dans la constitution américaine, on peut destituer le président de la République mais aussi tous les présidents d’institutions peuvent être destitués s’ils n’arrivent pas à jouer leurs rôles.

Sur le plan politique, cette constitution met fin au nomadisme politique. Des gens élus députés ou nommés sénateurs une fois à leur poste, ils font le retournement de veste, ils trahissent la confiance de leurs mandants… Donc, cette constitution permet de mettre le citoyen au centre de la gouvernance. Ce sont, entre-autres, des avancées qui font que nous estimons que la constitution proposée certes peut avoir des insuffisances mais nous estimons qu’elle constitue une avancée majeure pour la gouvernance du Mali.

Malgré la prédominance du « OUI », certains maliens, notamment une frange de la communauté musulmane, décident de boycotter ce projet pour la non prise en compte de leurs préoccupations. Comment analysez-vous cette opposition et qu’avez-vous à leur dire ?

Vous savez, la question religieuse est toujours une question sensible. J’essaie tant que possible de ne pas me prononcer là-dessus. Ceci étant dit, ce que je peux dire, c’est que la laïcité a toujours existé dans toutes les constitutions du Mali. Le Mali a eu trois constitutions jusqu’à date. Il y a la loi fondamentale de 1960, la constitution du 2 juin 1964 et la constitution du 25 février 1992. Donc, dans les trois constitutions, on retrouve la laïcité. Quand le problème a été soulevé par certains imams, le président de la transition a donné des instructions à la commission de finalisation de se pencher là-dessus afin de donner plus d’explications et de précisions. Chacun comprend selon son niveau et sa compréhension du mot. Mais, ce qu’il faut retenir, c’est qu’il a été retenu dans la constitution que la laïcité ne s’oppose pas à une religion. Elle est plutôt un cadre qui va consolider, comme par le passé, le vivre ensemble entre les différentes tendances religieuses, permet l’attente entre les différentes religions. Si tu comprends la laïcité comme ça, normalement, ça ne doit pas te poser des problèmes. Je lance un appel à nos imams que la laïcité n’est pas là contre une religion et que le but, c’est de renforcer la cohésion et promouvoir le vivre ensemble des maliens.

Depuis Bamako, Malick Diakité pour Guineematin.com

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