Inondation à Dar-es-salam (Conakry): « on s’est tous mis à pleurer… les ordures ne faisaient que venir se déverser sur nous »

« On a entendu le mur tomber, l’eau est entrée, on a essayé d’ouvrir les portes de la maison ; mais, ce n’était pas possible. On s’est tous mis à pleurer et à appeler à l’aide… Je suis sortie en premier avec le jeune et on a fait sortir le bébé. Ma petite sœur et ses enfants étaient en bas en train de pleurer dans l’eau, on a appelé à l’aide ; mais, personne ne pouvait venir nous aider. Les ordures ne faisaient que venir se déverser sur nous… »

En plus d’être une véritable catastrophe écologique et sanitaire en pleine capitale (Conakry), la décharge de Dar-es-Salam constitue une menace pour les nombreuses personnes qui vivent dans ce quartier de la commune de Ratoma. Dans la nuit d’hier à aujourd’hui, samedi 1er juillet 2023, une inondation s’y est produite causant d’énormes dégâts matériels dans plusieurs concessions, a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché sur place.

S’il n’y a pas eu de perte en vie humaine, les dégâts matériels provoqués par l’inondation à Dar-es-Salam sont colossaux. Une forte pluie s’est abattue sur la capitale guinéenne la nuit dernière, ce qui a provoqué une déferlante d’eau venue de la décharge située dans ce quartier. Une bonne partie des maisons se trouvant à contrebas du tas d’ordures ont été inondées. L’eau est montée dans ces maisons jusqu’à une hauteur de plus d’un mètre.

Dans ces concessions, les sinistrés désespérés continuent de sortir la boue, les ordures et les gravats de leurs maisons. Dehors, meubles, lits, matelas gorgés d’eau et autres matériels sont éparpillés partout.

Trouvé sur place, Morlaye Camara, un des sinistrés, a expliqué les circonstances dans lesquelles ils ont été réveillés en catastrophe par cette déferlante d’ordures puantes entre zéro heure et une heure du matin.

Morlaye Camara, sinistré

« On était dans la maison, il y a eu une grosse pluie. Quand il y a de la pluie ici, les eaux qui quittent le dépotoir viennent derrière chez nous dans le caniveau. Mais, hier, il y avait une très grande qualité d’eau qui se déversait sur le caniveau ; donc, elle n’avait pas de place pour passer. Dans les bandes d’une heure, il y a eu l’inondation et notre clôture est tombée. Il a fallu qu’on fasse sortir les enfants et la maman à travers la toiture. On a défoncé le plafond pour les faire sortir », dit-il, précisant que ce phénomène arrive souvent là-bas ; mais, ce n’était pas avec cette ampleur.

Comme tous ses voisins, Morlaye Camara supplie les autorités de la Transition et en particulier le Colonel Mamadi Doumbouya de faire tout pour enlever la décharge dans ce quartier.

Kadiatou Camara, sinistré

« On a entendu le mur tomber, l’eau est entrée, on a essayé d’ouvrir les portes de la maison ; mais, ce n’était pas possible. On s’est tous mis à pleurer et à appeler à l’aide, c’est en ce moment qu’un de nos jeunes est entré dans la toilette pour gâter le plafond et il a enlevé deux feuilles de tôles, c’est par là que nous sommes tous sortis. Je suis sortie en premier avec le jeune et on a fait sortir le bébé. Ma petite sœur et ses enfants étaient en bas en train de pleurer dans l’eau, on a appelé à l’aide ; mais, personne ne pouvait venir nous aider. Les ordures ne faisaient que venir se déverser sur nous. Ensuite, j’ai dit aux jeunes de nous aider à faire sortir une autre dame avec ses enfants, il est allé là aussi enlever les tôles pour les sortir ; mais, tous les murs avait fini de se casser », a relaté de son côté Kadiatou Camara, qui doit avoir tout perdu.

Les autorités du quartier ont régulièrement alerté les responsables au plus haut niveau ; mais, rien ou presque n’a été fait, selon Mohamed Soumah. Ce membre du conseil du quartier explique cette situation par le fait que certains auraient des intérêts avec la décharge.

Mohamed Soumah, membre du conseil du quartier Dar-es-Salam

« On a parlé ; mais, l’État n’a pas voulu nous entendre. Chaque fois, quand ils viennent, c’est pour casser des maisons. Il y a un tas d’ordures ici, il y a un grand bassin de cent mètres carrés (100m2) qui était rempli ici ; les ordures sont dedans. Dès qu’il y a de la pluie, ça se déverse dans le quartier et ça ferme le caniveau vers le couloir ici, c’est pour cela qu’il y a eu cette inondation. En pleine capitale, il y a ce tas d’ordures. Nous sommes à 15 km du Palais Sékhoutouréya (la présidence), à 3 km de l’aéroport international AST et à 5 km de la RTG (Radio Télévision). Il y a Kouria où ils devaient aller déposer les ordures ; mais, à cause de leur nem-nem (gain financier) qui est là, ils gagnent beaucoup de choses, ils volent ici, c’est pour cela qu’ils ne veulent pas que les ordures-là quittent ici, alors que ce n’est pas bon », dénonce-t-il.

À rappeler que le 22 août 2017, un éboulement de cette décharge avait coûté la vie à neuf (9) personnes dont une femme enceinte qui habitaient toutes aux pieds de la montagne d’ordures et plusieurs maisons avaient été détruites. Par la suite, au lieu de délocaliser la décharge comme souhaité, les autorités avaient préféré déguerpir certains habitants. Aujourd’hui, avec l’élargissement de la décharge et les fortes pluies qui ont repris, les craintes reviennent et les habitants plaident pour que les autorités aident à éviter un autre drame humain à Dar-es-Salam. 

Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com 

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