Délestages du courant électrique en Guinée : Amadou Thierno Diallo tacle EDG et suggère la privatisation du secteur

La Guinée connaît des difficultés dans la fourniture d’électricité tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. De nombreuses manifestations, parfois meurtrières, ont été enregistrées, notamment à Kindia. Des connaisseurs du domaine dénoncent la vétusté des infrastructures et l’incapacité de la Guinéenne d’électricité (EDG) à jouer son rôle. C’est ce qu’a laissé entendre ce jeudi 04 avril 2024, Amadou Thierno Diallo, expert en développement et ancien ministre de la coopération et de l’intégration africaine. C’était à l’occasion d’une conférence de presse animée à Conakry, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Amadou Thierno Diallo, expert en développement et ancien ministre de la coopération et de l’intégration africaine, expliqué les causes des problèmes liés au secteur énergétique en Guinée. « EDG est une entreprise qui est verticalement intégrée, qui a beaucoup de puissance. Je  dirais que c’est trop pour une entreprise de pouvoir continuer la fourniture de l’électricité dans un pays, sans obligation de résultats. L’Etat subventionne et l’électricité n’arrive pas. Et quelles sont les conséquences? Je pense qu’il faut revoir quels sont les principaux problèmes que le secteur a devant lui aujourd’hui. Premièrement, c’est un déficit d’investissement de 30 ans. Pendant 30 ans, il n’y a pas eu d’investissement dans les secteurs énergétiques de Garafiri à Kaléta. Une trentaine d’années, il n’y a pas eu d’investissement. On ne peut rattraper 30 ans  de retard en faisant de l’urgence. Les problèmes d’accès à l’électricité  aujourd’hui, quand on la prend sur une urgence, il faut essayer de régler, changer le transformateur, faire ceci et cela, mais cela n’est pas possible. 30 ans de retard dans un investissement a besoin d’un gros programme d’investissement pour pouvoir le rattraper, si jamais on peut le rattraper. Donc, c’est cette situation que nous vivons aujourd’hui. Ensuite, nous avons une vétusté des installations et des infrastructures, je parle des réseaux de distribution, parce que même si on produit l’électricité, on injecte dans le réseau, il y a des moments où ça n’arrive pas aux consommateurs parce qu’un câble a pété et un transformateur a sauté. Les charges sont énormes, et puis voilà il y a un délestage. Les infrastructures sont anciennes et vétustes et, elles ont besoin d’être réhabilitées. Ensuite, il n’y a pas suffisamment de capacités, même dans le réseau de transport. Par exemple, Souapiti à un moment donné, ne pouvait injecter que 30 MW dans le système dans le réseau de transport alors que les charges sont à Conakry. Donc, on a construit ces centrales, sans pour autant penser à transporter l’énergie produite dans ces centrales. Ce qui veut dire que ces centrales sont restées des moments à ne rien produire. Parce qu’on ne pouvait pas transporter l’énergie. Donc, il y a un déficit non seulement de capacités dans les lignes de transports, mais aussi, la vétusté des lignes de transports et de distributions », a expliqué l’ancien ministre.

Par ailleurs, Amadou Thierno Diallo est revenu  sur l’aspect financier du problème.  «  Dans les rapports d’EDG, vous verrez que le coût de revient est trois fois supérieur aux prix de vente. Alors, comment est-ce qu’on peut avoir un équilibre pour cette entreprise ? C’est pourquoi on parle aujourd’hui de subventions au niveau de l’entreprise. Le coût de revient, il n’y a pas une vérité de prix, le prix de revient est au-dessus du prix d’achat et 80% de la clientèle d’EDG est facturée au forfait. Est-ce qu’on peut mettre en place un équilibre financier si on ne sait même pas ce que le consommateur consomme. C’est pourquoi, il y a des moments de réclamations. Donc, il y a cette problématique qui est là aujourd’hui et finalement nous avons un déficit financier au niveau d’EDG avec comme conséquences une subvention qui est donnée à EDG pour pourvoir fonctionner. Ça, c’était pour pouvoir camper le problème du secteur de l’électricité en Guinée, pour expliquer qu’EDG est au cœur et au centre. Pour le cas d’EDG,  je pense qu’il faut prendre le taureau par les cornes. EDG, dans sa structure actuelle, a fait son temps et EDG n’est pas en mesure de fournir du service adéquat à la communauté et l’État subventionne cette entreprise à coût de milliards chaque année », a-t-il déclaré.

En outre, Amadou Thierno Diallo a préconisé des solutions pour sortir de l’impasse. « Une proposition de solutions, c’est de dire qu’il faut privatiser. Et comment le faire ? Il faut d’abord séparer les fonctions. Nous avons trois (3) fonctions : production, transport et distribution. Donc, il faut séparer les fonctions en différentes parties. Et ouvrir la production au secteur privé. La Guinée a environ 6000 MW de potentiel hydroélectricité et ce potentiel n’est pas exploité, s’il n’est exploité. C’est un potentiel qu’on ne pourrait pas exploiter parce-que aujourd’hui le solaire avance à grand pas, on n’est capable de produire 1 KW heure du solaire à environ 6(…) du KW heure. Nous avons un potentiel hydroélectrique aujourd’hui, qu’il faut ouvrir au secteur privé pour qu’on puisse développer ces centrales, produire de l’électricité, pour permettre à la population d’avoir accès à une fourniture adéquate. Ne plus accepter d’avoir des contrats de gré à gré. Mais, ouvrir le secteur aux producteurs indépendants, ça c’est, pour aller jusqu’au niveau du solaire (…). Il y a des entreprises privées aujourd’hui qui veulent faire une ligne entre Souapiti et les centres de consommation au niveau des zones minières. C’est à encourager. EDG a montré ses limites et aujourd’hui il faudrait privatiser, ramener la compétence. Et quand je parle de la compétence, ce n’est pas seulement technique, il faut qu’il y ait la gestion. On a des pertes énormes. Aujourd’hui, je pense que c’est entre 40 et 50% de facturés. Donc, il faut ramener des compétences sur le terrain qui vont nous aider à gérer la distribution pour fournir de l’électricité à la communauté. Ça nous permet d’établir la vérité des prix, il faut établir quel est la partie déficitaire qui doit être subventionnée, et déterminer la subvention », suggère l’ancien ministre de la coopération.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com 

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