Fraude électorale, CENI et retrait des candidats… voici l’analyse du juriste Mohamed Camara

Mohamed Camara, juristeAprès le retrait du processus électoral des principaux adversaires du président actuel, à cause des divers manquements constatés sur l’organisation des élections, Guineematin.com a joint au téléphone, ce vendredi 16 octobre 2015, le juriste Mohamed Camara pour une analyse juridique du dernier développement de l’actualité politique.

Nous vous proposons l’intégralité de sa réaction

En principe, en application de l’article 34, alinéa 4 de la constitution guinéenne, si les candidats qui ont vu leurs noms retenus au niveau de la Cour constitutionnelle se retiraient entre le moment de la publication de la liste des candidats avant la date du 1er tour, en ce moment, l’élection allait être reportée et que de nouvelles listes allaient être rendues public. Mais comme ils sont allé jusqu’au niveau de la tenue du 1er tour du scrutin, ça veut dire qu’ils ont consommé déjà. Et comme ils ont consommé, sur le plan politique, leur retrait peut avoir simplement pour impact de jeter une sorte de discrédit sur la crédibilité du scrutin. Au plan juridique, ça n’a aucune espèce de rigueur ni d’importance aux yeux ni de la CENI qui est habilitée à rendre public les résultats, encore moins au niveau de la Cour constitutionnelle qui est habilitée à valider ou invalider une élection en application de l’article 187 de la loi électorale.

En clair, il faut dire présentement à la mouvance de cesser toute velléité de nature à s’autoproclamer en avant première avec des gestes déguisés ou apparents. De la même manière, il faut inviter la classe politique qui n’a pas été très conséquente en sachant bien qu’il y a des anomalies et en partant de recourir aux voies de recours juridictionnelles.

Le 3ème niveau d’avertissement, c’est au niveau des observateurs internationaux. Je pense que les Guinéens doivent éviter d’accepter de donner une caution aux observateurs de quelque bord qu’ils soient de venir dire que eux, ils valident ou invalident une élection. Parce que si on leur donne cette possibilité maintenant, pendant que leur avis peut être favorable à un pouvoir en place ou à une opposition, dès que change d’un autre camp, un autre jour, ça va  créer des tôlés au niveau de la cité. Il n’y a que les cours et les tribunaux qui sont habilités à valider ou à invalider une élection en République de Guinée.

D’autant plus que les citoyens eux-mêmes se plaignent sur le terrain qu’il y a ceci, qu’il y a cela, les acteurs se plaignent, la mouvance même parle d’anomalies au niveau organisationnel et logistique sur le terrain. Mais, comment les observateurs peuvent venir pour dire que non eux ils valident ou ils prétendent valider une élection, au point de dire que l’élection est exemplaire ? Voilà des attitudes de complexe ! Ce n’est pas normal.

Juridiquement donc, il appartient à la CENI de rendre public les résultats provisoires parce qu’avant que la Cour constitutionnelle ne statue sur les résultats, il va falloir d’abord que les bureaux de vote finissent de rendre public les résultats en les affichant. Ça, c’est l’article 82 de la loi électorale qui permet aux agents de bureaux de vote, dès après dépouillement, de rendre public les résultats. Maintenant, les résultats qui sont rendus public à ce niveau sont à la fois partiels, parcellaires et très provisoires. Le 2ème niveau provisoire, ce sont les résultats totaux, globaux de la CENI. Ce n’est juste après la proclamation de ces résultats globaux par la CENI, le lendemain, jusqu’à huit jours, chaque candidat a ces huit jours pour porter plainte au niveau de la Cour constitutionnelle. Mais, là aussi, il faut bien formuler les requêtes parce que pour saisir la cours constitutionnelle, les requêtes qui vont être enregistrées au niveau du greffe de la Cour constitutionnelle ne doivent avoir pour auteur que les requérants eux-mêmes et éviter aussi de confondre les dossiers pour prendre par exemple au cas où un délégué d’un parti politique est expulsé par la force ou bien il a été bastonné ou séquestré. Mais, on n’a pas à prendre cette requête pour intégrer et envoyer au niveau de la Cour constitutionnelle puisque cette Cour n’est pas un juge pénal. Sinon, la justice va se déclarer incompétente et les acteurs politiques vont encore commencer à dire ‘’voilà, la justice s’est déclarée incompétente’’ alors qu’ils vont se taire simplement sur la méconnaissance de la procédure.

Maintenant, si la Cour constitutionnelle estime que les plaintes qui sont intégrées à son niveau sont fondées de nature à justifier de prononcer une sorte d’annulation, c’est seulement elle qui peut valider ou modifier les résultats. En cas d’annulation de sa part, en application de l’article 187 de la loi électorale, dans ce cas, des nouvelles élections pourraient être organisées dans les 90 jours qui suivent. Mais, on est loin de tout cela encore. Donc, tous ceux qui estiment qu’ils ont le droit, la qualité, la capacité et l’intérêt à agir, il  faut qu’ils le fassent. Et, même la CENI, si elle fait des manquements de ce genre, c’est parce que le législateur est en partie responsable aussi. Puisque quand vous prenez l’article 21 de la loi 016 sur la CENI,  il est indiqué que les démembrements de la CENI perdent leur mandat jusqu’après la proclamation des résultats. Ce qui fait que si on n’est pas en période électorale, les démembrements n’ont pas à fonctionner. Quand on est à la veille d’une élection, on les réactive et finalement eux-mêmes ils vont jouer au chantage économique pour dire ‘’voilà, ce notre période de traite et puis notre moment de joie financière’’ et donc ils vont faire le chantage économique. C’est ce qui pénalise le fonctionnement à la base sans compter que l’article 17 de la loi électorale indique que du 1er octobre au 31 décembre, le fichier qui constitue une pomme de discorde présentement doit être révisé. Mais, est-ce que c’est 25 personnes qui peuvent réviser un fichier pendant 3 mois ? Je pense que ce n’est pas possible. Alors, il faudrait qu’il y ait de la patience du côté des citoyens, du calme observé parce qu’on est dans une situation paradoxale de la part de toute la classe politique. Il faudrait que les citoyens soient vigilants par rapport à la paix, à la lucidité qu’ils ont fait preuve au cours de tout le processus ».

Entretien réalisé au téléphone par Mamadou Alpha Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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