Guinée-Côte d’Ivoire : les saveurs du passé

Par Amadou Diouldé Diallo : L’aube de la décade des années 60 a marqué la transformation du continent africain, notamment avec l’accession à la pleine souveraineté nationale des anciennes colonies françaises. Leurs nouveaux dirigeants firent du sport en général et du football en particulier un puissant moyen d’expression et d’affirmation de leurs jeunes républiques.

Certains comme Nasser de la République Arabe d’Egypte, Kwamé Nkrumah du Ghana et Sékou Touré (tous membres du groupe de Casablanca) donnèrent un cachet plus politique au football. Le premier offrit le siège de la CAF au Caire ; le second, le trophée des clubs champions, qui sera définitivement remporté par le Hafia FC de conakry ; et, un second portant le nom de Sékou Touré fut mis en compétition à compter de 1978.

Ce rappel historique va mettre en lumière l’enjeu à la fois sportif et politique des rencontres Guinée-Côte d’Ivoire dont les présidents n’étaient pas de la même chapelle politique.

Mais, intéressons-nous d’abord à la comptabilité des empoignades des deux éléphants (appellation consacrée des équipes nationales de Guinée et de Côte d’Ivoire).

Six rencontres au total, réparties comme suit :

Eliminatoires de la coupe du monde 2006 : Victoire des éléphants de Côte d’Ivoire 3 à 0 à Abidjan, et 2 à 1 à Conakry.

Matchs de poule des phases finales de la CAN 2008 à Takoradi au Ghana : Victoire des ivoiriens (5 buts à 0).
Eliminatoires CAN 2019 match aller à Bouaké (en juin 2017, lors de la première journée) : Victoire du syli national (3 buts à 2).

Match amical en région parisienne sanctionné par un match nul. Les éléphants de Côte d’Ivoire ont également un palmarès plus élogieux que le sily national de Guinée.

CAN 65 en Tunisie : la Côte d’Ivoire occupe la troisième place en battant le Sénégal (1 but à 0). Son joueur Eustache Manglé figurera au tableau des meilleurs buteurs avec2 réalisations. Elle occupera la même troisième place à l’édition suivante, en 1968, en Ethiopie, en disposant du pays hôte (1 but à 0). Son attaquant buteur, Laurent Pokou inscrira 6 buts au cours de la compétition et sera surnommé l’homme d’Asmara, l’actuelle capitale de l’Erythrée, qui relevait à l’époque de l’Ethiopie.

En 1970, au Soudan, la Côte d’Ivoire finira quatrième battue en match de classement par l’Egypte (3 à 1). Laurent Pokou inscrira 8 buts.

A noter que cette CAN, au Soudan, sera la première du sily national de Guinée. Placé dans la poule B à Wad Médani, une ville cotonnière, il obtiendra les résultats suivants : Défaite (4 à 2) face à l’Egypte ; match nuls (2-2) avec le Congo Kinshasa ; et, 1-1 avec le Ghana.

En 1974 au Caire, le syli national ne franchira pas également le premier tour. Il faudra attendre celle de 1976 à Addis-Abeba pour voir le syli national accéder en finale contre les Lions de l’Atlas avec un effectif de qualité qu’une formule championnat priva du titre.

C’est sera son meilleur résultat en CAN, alors que les éléphants de Côte d’Ivoire vont continuer à additionner les virevoltes et les titres avec une 3e place en 86 en Egypte et 94 en Tunisie. Et une 4e place en 2008 au Ghana. Auparavant, en 2006, en Egypte, elle avait perdu la finale contre le pays hôte. Elle connaitra le même sort contre la Zambie en 2012 au Gabon.

C’est en 1992 à Dakar que les éléphants de Côte d’Ivoire s’installeront pour la première fois sur le toit de l’Afrique aux dépens des blacks stars du Ghana à l’issue d’une insoutenable épreuve de penaltys : 11 tirs avec un Alain Gouamené gardien des perches héroïque.

Aka Kouame, basile, Abdoulaye Traoré, Ben Badi, Youssouf Falikou Fofana, l’enfant de Makono seront à la hauteur de l’opposition aux Abedi Pelé,a Anthony Baffoe, Gyamfi, Emanuel Armah, Lamptey, etc.

C’est encore face aux mêmes blacks stars du Ghana, mais avec des générations différentes, que les éléphants de Côte d’Ivoire vont remporter leur 2é titre en 2015 à Malabo.

Les frères Abédi face à Yaya Touré, Kopa Barry, Bonaventure Kalou, Gervinho, Bakary Koné, Didier Drogba, bien qu’absent aura été le chef d’un bataillon de gagneurs, la presque totalité sont issus du centre de formation de sol béni de l’ASEC d’Abidjan, en partenariat avec le français Jean Marc Guillou.

Deux participations à la coupe du monde étoffe aussi le palmarès des éléphants de Côte d’Ivoire. 2006 en Allemagne et 2014 au Brésil.
Le pays a aussi organisé une CAN en 84 et s’apprête à accueillir celle de 2021, tandis que celle de 2023 revient à la Guinée.

Mais, c’est au niveau des clubs Hafia de Guinée et ASEC d’Abidjan que les rencontres guinéo-ivoiriennes connurent une tonalité et une ampleur à la dimension des enjeux idéologiques et politiques des dirigeants des deux pays.

Souleymane Cherif, Petit Sory, Maxime, Tolo, Calva, Morciré, Bangaly, Papa Camara, Jansky prendront le meilleur sur la tour de défense Akran, Baptiste, Bernard et le légendaire empereur baoulé Laurent Pokou.

Le premier triple champion d’Afrique du Hafia de Conakry et ses 2 finales perdues ajoutées au sacre du Horoya en vainqueurs de coupe en 78, contre un titre à l’ASEC en 1998 et d’autres de l’Africa sport et du stade d’Abidjan en 66, juste après l’Oryx de Douala suffisent-ils à mettre le football des 2 pays sur le même clavier de comparaison. Assurément non ! Pour la simple raison que la Côte d’Ivoire a opté pour la formation qui génère un bon retour sur investissement de l’opération football à l’exportation.

Le centre de formation de sol béni d’Abidjan et celui du projet goal de Bingerville sont devenus de véritables institutions de formation académique et footballistique. Le terrain vague brûlé par le soleil ou inondé par la pluie jouxtant les bidonvilles, les maisonnettes en terre battue, une clairière en pleine forêt avec un chiffon ou un vieux cuir rapiécé ne sont plus à la mode.

Les guinéens doivent le savoir en créant des centres de formation et en construisant des infrastructures sportives de dernière génération afin d’être au diapason des ivoiriens. Car, disons le avec fermeté que les joueurs actuels du sily national ne doivent leur réussite actuelle qu’à eux-mêmes. Et les binationaux à leur patriotisme.

La rencontre de ce dimanche devrait confirmer la tendance à la progression du sily national en pleine reconstruction.sa maturité au fil des rencontres et le poids des adversaires laissent espérer des lendemains chantant pour le football guinéen.

Par Amadou Diouldé Diallo

Journaliste-historien

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