Guinée : quelle transition militaire au juste ?

Nénékhaly Djamilah

Par Nénékhaly Djamilah : Plus de six mois après le coup d’État du 5 septembre 2021, les guinéens consciencieux constatent avec amertume et désappointement une absence totale de cadre de dialogue permanent, structuré de la junte avec les acteurs politiques et sociaux de la Guinée.

Une déception pour une population guinéenne maintes fois ballotée entre hommes de “bonne foi » et d’hommes « sans parole ».

Ainsi donc, plusieurs mois après avoir fait espérer les politiques du pays, et donné de l’espoir aux peuples Africains, les hommes en treillis s’en sont retournés dans leurs casernes pour une prise de décisions unilatérales, sans considération aucune pour les grandes figures du pays. Certains se sont vus dépouillés de leurs biens pourtant acquis dans toutes les règles requises, dans l’unique intention de les humilier, les exposant ainsi à la vindicte de leurs adversaires et ennemis et du peuple. Ces mêmes hommes qui, dans le cœur d’une majorité de la population, bénéficient d’un profond amour et respect pour leurs ambitions de développement, de respect de l’État de droit, de démocratie et de liberté pour leur pays.

Le colonel Doumbouya a failli à sa tâche de rassemblement du peuple, d’unification des communautés dans une société où faire allusion à l’ethnie, même avec humour, est perçue comme une agression grave.  Jeter le discrédit sur des personnalités, dont une a vraisemblablement remporté à plusieurs reprises des élections présidentielles ; des victoires confisquées par son principal adversaire politique avec la complicité et la bénédiction d’anciens dignitaires de la 2ème République est une menace pour l’unité nationale. Les citoyens et les politiques Guinéens, il faut le dire, soucieux de l’équilibre ethnique, n’ont eu de cesse de réclamer la justice pour les victimes et leurs familles afin de préserver le tissu social.

Aussi salutaire qu’il soit dans certaines circonstances qui se veulent exceptionnelles, l’arrivée de militaires au pouvoir n’augure pas un devenir meilleur pour la construction d’un État. Les ors du pouvoir sont un attrait pour les hommes en bottes. Une République souveraine et indépendante est dirigée par un civil comme le veut la plupart des constitutions dans le monde. Ignorer cela laisserait une porte ouverte à des dérives sociétaires, car une transition militaire ne serait pas un pouvoir civil, même si dans son gouvernement il s’y trouve des hommes et des femmes civiles. La transition doit conjuguer avec les acteurs essentiels à la survie de la nation afin de mener à bien une mission qui lui est limitée dans le temps. Un départ de celle-ci est donc une considération pour son protégé (le citoyen) et une marque de respect envers les grands administrateurs. Faire croire le contraire est une entorse à la démocratie.

Force est de constater malheureusement l’initiation de nombreux projets par les hommes en treillis dont la refondation de l’état, ce qui, pour un régime élu est un gage sérieux de rigueur, mais pour les militaires, une manœuvre certaine pour se maintenir au pouvoir, court-circuitant ainsi ce qui, en toute légitimité revient aux hommes politiques. Une main basse sur le fauteuil présidentiel, en toute illégitimité ne rassure pas, révoltera même.

C’est le peuple qui désigne, c’est le peuple qui vote. Sa seule voix légale est son expression à travers les urnes. Tout le reste n’est que flatterie de la part de petites personnes avides de pouvoir et d’argent. Des personnes de mauvaise foi, plus d’une fois.

On salue un coup d’État, on ne l’applaudit pas, les acclamations étant pour le plus expressif de nos suffrages ayant désigné celui que nous souhaitons voir diriger le pays.

Le coup d’État actuel est la conséquence de l’échec démocratique des 10 ans de gouvernance du régime Alpha Condé. Un président de la République, pourtant très grand opposant de l’époque dont les valeurs ont accompagné nos rêves. Nos rêveries mises à l’eau par l’entêtement de ce président à vouloir briguer un 3ème mandat. Deux fautes très lourdes reposent sur votre personne monsieur le président ; Cette 3ème présidence et le maintien de la junte au pouvoir contre lequel les Guinéens se battent aujourd’hui. Triste constat. Vous auriez plié vos bagages à temps et l’on n’en serait pas là. Votre ambition portée par votre parti politique a souillé tous nos rêves.

Qu’aujourd’hui encore, le miraculé RPG-ARC EN CIEL, ce même parti avec des gens imbus de leur personne, arrogants dans l’âme, arrivistes et d’une certaine suffisance, et qui reviennent au-devant de la scène pour vouloir légitimer le mandat pourtant si controversé, avec à leur tête un fossoyeur de la république, c’est le comble du malheur pour les Guinéens. C’est triste. Cela pour moi équivaut à un complot de la part du colonel et de ses hommes. Son président, venu au pouvoir pour sauver sa propre peau, ne vend pas chère celle du pauvre peuple de Guinée. Le RPG arc-en-ciel encore au pouvoir ?? Mais bon Dieu, de qui se moque-t-on ?? On en veut à la CEDEAO, mais on lui donne nous-même l’occasion de nous ignorer ensuite. Nous avons pourtant payé un très lourd tribut pour encore accepter de retourner dans le passé. La population a assez souffert des manipulations politiques et financières de ce parti, de son administration médiocre et de ses ambitions démesurées. La réhabilitation de ce parti est synonyme d’une grave irresponsabilité.

Les agendas cachés de chantiers pour le pays et d’élections du colonel, résultent d’une pure action de charme visant à endormir une population à plus de 75% d’analphabètes, dans le seul but de garder le pouvoir… Sans gloire (cette dernière revenant au peuple). Les forces de sécurité ne sont pas là pour construire un pays, elles sont là pour assurer la sécurité du pays et protéger les civils, et cela sous un régime présidentiel légal.

Vouloir tenir un rôle qui ne vous revient pas est une usurpation. Il n’appartient nullement à un putschiste de s’accaparer des projets de développement socio-économiques, de procéder à des réhabilitations ou des déguerpissements. Cela n’est pas sa mission. N’est pas homme politique un militaire en armes. Ne nous resservez donc pas une seconde ère Dadis avec toutes ces jalousies, frustrations à l’interne qui ont mené à une location d’un lit d’hôpital et à une longue transition. Les histoires de camps se règlent dans les casernes. Ne risquez pas la vie de l’État, ne risquez pas la vie des Guinéens. Il sait bien plus que tous les acteurs du pays ce qu’il veut. Mon peuple est souverain. Trahir sa confiance le révolterait.

Votre bonne volonté, comme vous l’aviez si bien commencée, est de composer avec les grands acteurs du pays. La consultation nationale des leaders de tous genres a rassuré. Une très belle idée pourtant vite effacée par des conseillers occultes. Cela était pourtant une preuve de bonne foi. Nous n’en sommes hélas plus là n’est-ce pas ?

Le CNT, encore moins que vous, n’aura non plus aucune légitimité pour nous délivrer un calendrier ne répondant pas à nos souhaits. Cela ne marchera pas. Dire que l’on n’est pas en crise est tout à fait erroné, l’existence même de la transition s’inscrivant dans une situation critique.

Que les partis politiques ne s’entendent pas est tout à fait justifiée dans un état démocratique de multipartisme. Il est par contre de votre devoir, à vous, junte militaire, de créer un carré de dialogue afin d’aplanir les sujets de discordes et déboucher sur des élections en vue d’un dirigeant élu par le peuple. Il est obligatoire pour le colonel et le CNT de consulter les leaders du peuple. Un bain de foule n’est pas un bain de militants ou d’électeurs.

Dire qu’on est CNRD, d’un comité, et ne pas en connaître les membres est un total manque de respect et de considération pour la population, un mensonge flagrant de son président. Le CNRD n’existe donc pas. Il y a un seul homme connu au sommet de l’État, qui lui-même ne peut forcément être du CNRD, le peuple n’en connaissant pas les personnes. Le refus même de ce président de dévoiler les personnes à l’origine du coup résulte peut-être de la discorde qui perdure entre membres du “CNRD”, certains étant emprisonnés après “service rendu à la nation ». Porter à la TV, ou en public des uniformes marqués des initiales de CNRD ne veut nullement dire que l’on en est membre tant que la liste n’est pas rendue publique.

Cet imbroglio me rappelle une certaine incompréhension concernant un désordre dans l’axe lors des manifestations. On ne sait jamais qui jette les cailloux… les militants, les militaires eux-mêmes vêtus en civils ou de jeunes badauds toutes ethnies et partis politiques confondus ? Éclairez donc nos lanternes.

Ne vous accaparez pas du pouvoir du civil par le peuple. Ne monnayez pas votre propre bulletin de vote contre des intérêts inavoués chers militaires, ne vous laissez pas berner par les garants d’un système corrompu, ne vous laissez pas aveugler par le pouvoir, par la gloire, faites vos lacets, le salut au peuple et dispersez-vous. Le peuple vous en sera reconnaissant et vous bénéficierez de son estime. Sortez par la grande porte de l’histoire avec tous les honneurs.

Par Nénékhaly Djamilah

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