Guinée : les radicaux reprennent le dessus

Il aura fallu attendre dix mois jour pour jour depuis le renversement du président Alpha Condé pour que les Guinéens perdent à nouveau l’espoir. La violence et la brutalité par lesquelles les activistes du FNDC ont été arrêtés sonnent le glas à notre espoir de voir la Guinée sortir la tête de l’eau. On est désormais loin de l’engagement de faire « l’amour à la Guinée au lieu de la violer ». Ce 5 juillet 2022, elle a non seulement été violentée mais aussi violée.

Ce ne sont pas de simples activistes qui ont été malmenés. C’est la Guinée entière. Ce pays, à tradition de violences et des violations des droits humains, renouent avec ses habitudes. Preuve que les vieux démons n’ont pas dit leur dernier mot. Les images d’un Oumar Sylla, alias Foniké Mengué trainé par terre comme un terroriste font et feront le tour du monde. Ceux qui avaient commencé à croire à la Guinée se rendront compte que ce pays n’est pas encore prêt à changer.

Comme nous l’avion dit au président Condé hier, nous le répétons au colonel Doumbouya aujourd’hui que le pire ennemi d’un chef n’est pas celui qui organise les manifestations de protestations contre son régime. C’est plutôt celui qui encourage le même chef à mater ses adversaires. Ce qui s’est passé ce 5 juillet est donc moins une défaite du FNDC que celle du CNRD. Ce dernier, qui a déjà du mal à se faire accepter aussi bien dans la sous-région que dans le reste du monde, s’est tiré une balle dans le pied.

Aller dans un endroit fermé, comme les forces de l’ordre l’avaient fait en septembre 2009, pour violenter des citoyens désarmés est tout simplement contreproductif voire suicidaire. Si l’objectif est d’intimider les opposants à une transition à durée indéterminée, alors c’est raté. Cette violence a apporté de l’eau au moulin des opposants. Elle constitue la preuve pour eux que leur combat a encore toute sa raison d’être.

La façon dont les forces de l’ordre ont procédé pour arrêter le trio du FNDC mérite quelques réflexions.

Premièrement, cette violence exercée sur des citoyens désarmés est la preuve que l’impunité est la porte ouverte de la récidive. Le nouveau ministre de la Sécurité et le Procureur général nous avaient fait rêver. Donnant l’impression que, comme un coup de baguette magique, la Guinée avait tourné voire déchiré la page de la violence policière. Ils en ont eu pour leur compte. L’opinion attend leur réaction suite à cette affaire. A moins que, encore une fois, les autorités ne fassent deux poids deux mesures. Avec en toile de fond un préfet limogé pour avoir simplement coupé des cheveux et des agents qui ont brutalisé et humilié des citoyens. Lesquels sont trainés par terre.

Deuxièmement, on se rend compte que les fonctionnaires guinéens sont prêts à tout pour obtenir une promotion. Personne ne peut comprendre que le même procureur, qui avait donné de l’espoir à un peuple martyrisé soit capable de procéder par une méthode indigne des temps modernes pour arrêter un citoyen. A ce sujet, l’éminent juriste, Maître Mohamed Traoré, résume pertinemment la situation sur sa page Facebook « On ne combat pas la violation de la loi par la violation de la loi mais par l’application de la loi ».

Troisièmement, quel que soit le régime civil, celui-ci est mieux que le régime militaire. Oumar Sylla et tous les autres anciens détenus ne nous diront pas le contraire. Parce qu’Alpha Condé donnait la forme à ses arrestations. Il devait toujours s’octroyer une couverture juridique. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Même si c’est le procureur qui a ordonné l’arrestation des activistes, ces derniers n’ont pas eu droit à une convocation. La déclaration de bonne intention de la junte est aux antipodes de ses agissements. Comme le CNDD hier, chaque jour il s’enfonce par les incongruités des actes qu’elle pose.

Quatrièmement enfin, ce qui s’est passé ce 5 juillet 2022 n’est rien d’autre que les prémisses de ce que nous avons vécu il y a quelques années. Les mêmes causes sont en train de produire les mêmes effets. C’est à peine si les citoyens ne regrettent pas Alpha Condé. Preuve, s’il en est besoin, que la Guinée est un pays qui avance à reculons.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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