CRIEF : les débats ouverts dans l’affaire Electromatic-Guinée contre Ali Jichi portant sur plusieurs milliards

Les débats au fond ont démarré hier, lundi 20 février 2023, dans l’affaire opposant la société Electromatic-Guinee à son gérant Ali Jichi. Il est poursuivi pour abus de biens sociaux, vol et complicité portant sur plusieurs dizaines de milliers de dollars américains et d’euros et des milliards de francs guinéens. C’est ainsi qu’Ali Jichi a comparu de nouveau devant la chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), a constaté un reporter que Guineematin.com a dépêché sur place.

Dans cette affaire, il s’agit de trois associés qui sont en conflit autour de la gestion de leur société, dénommée Electromatic-Guinee. Ali Jichi, gérant de ladite société, est poursuivi dans la présente procédure par ses associés. Il est poursuivi pour des faits présumés d’abus de biens sociaux, vol et complicité portant sur plusieurs montants en devises et plusieurs dizaines de milliards de francs guinéens au préjudice de la société Electromatic-Guinee dont il est à la fois actionnaire et gérant.

Lors de la précédente audience, les débats avaient tourné sur la question de savoir si la Cour allait ordonner ou non l’ouverture du dossier sur le fond alors que la procédure était pendante devant le tribunal de commerce de Conakry. Après des discussions houleuses entre les parties, le président de la Cour, Francis Kova Zoumanigui, avait mis fin aux débats sur la forme et renvoyé l’affaire à la date de ce lundi, 20 février pour statuer sur la demande de sursis à l’ouverture dudit dossier au fond. Ainsi, à l’audience du lundi, la Cour a débouté la défense et ordonné l’ouverture des débats au fond.

Appelé à la barre, Ali Jichi a plaidé non coupable des faits qui lui sont reprochés. En répondant aux questions de ses conseils et celles de la Cour, Ali Jichi a fondu en larmes. « Je n’aurai jamais imaginé que j’allais avoir de tels associés dans ma vie. Cette société Electromatic-Guinee, je l’ai reprise en main pour la gestion à un moment où elle était en faillite avec une dette de 70 milliards de francs guinéens, avec un actif de 300 millions de francs guinéens. C’est moi, avec l’aide de mon papa, qui ai bien voulu prendre l’argent de notre société familiale, EJICO dont il est le PDG, qui l’a redémarrée et injecté des fonds pour qu’elle fonctionne bien. J’ai créé un sous compte sur lequel on versait l’argent de notre société familiale EJICO que mon papa me donnait pour faire fonctionner la société Electromatic-Guinee qui était à terre. En matière de passation des marchés, on vous demande des montants de garantie alors que la société n’avait rien. C’est l’argent que mon papa me donnait que j’engageais au nom et au compte de la société Electromatic-Guinee pour gagner les marchés. Pendant 10 ans, je gérais seul la société sans l’aide de mes associés et avec leur permission, puisque ce sont eux qui m’ont dit de reprendre l’entreprise, de la gérer comme bon me semble, ensuite on se partage l’intérêt selon les quotas qu’on s’est fixés entre nous. Donc eux, ils ne géraient pas, ils ne finançaient pas. C’est moi qui faisais tout à leur place. Eux, ils ne venaient que pour les réunions et le partage des bénéfices. C’est quand les choses ont commencé à aller mal au Liban, ils ont commencé à s’intéresser maintenant à la société. Pendant 10 ans, ils ne m’ont jamais dit que j’ai fait quelque chose de mauvais, ni l’auditeur interne de la société. Alors qu’ils étaient informés de tout. J’ai toutes les preuves avec moi ici. Je peux vous les fournir monsieur le président. Aujourd’hui, voilà les récompenses que j’ai de mon engagement, de ma bonne foi et de ma sincérité avec eux. Ce sont eux qui traînent aujourd’hui comme ça. Je n’avais jamais imaginé cela », a dit Ali Jichi, en larmes.

Sur les faits mis à la charge d’Ali Jichi, les conseils de la défense et de la partie civile ont exprimé leur position et soutiennent avoir raison les uns sur les autres. Me Amadou Diallo, un des avocats de la partie civile dans la présente procédure estime que les infractions qu’ils ont articulées contre le prévenu sont bien fondées. Dans sa réaction, il a dit en quoi leur accusation est fondée.

Me Amadou Diallo, avocat

« C’est le gérant, associé de surcroît de la société Electromatic-Guinee, qui s’est permis d’utiliser les biens et les crédits d’une société dans laquelle il est associé, au profit d’une entreprise familiale, c’est-à-dire la société de son père et des membres de sa famille. C’est-à-dire, il a effectué un certain nombre d’opérations qui sont répréhensibles. Lesquelles opérations, il a, en tant que gérant de la société Electromatic-Guinee, payé des factures pour des prestations fournies à la société familiale qui est la société EJCO. Pour être un plus clair, lorsqu’une entreprise A fait des prestations pour une entreprise B, c’est à l’entreprise B, bénéficiaire des prestations, de payer la facture, et non l’entreprise B ; et dans ce cas précis, c’est le contraire qui s’est produit. Le deuxième point c’est quoi ? C’est qu’il a surfacturé des baux commerciaux que la société a loués. C’est-à-dire, lorsque le loyer est fixé à 6 000 dollars, il facture à la société 12 000 dollars. Je donne un exemple sur un des loyers qu’il a facturés à 400 et quelques millions de francs guinéens à sa société alors le montant du contrat de location, c’est 192 millions de francs guinéens par an. Vous voyez là la différence. Donc, on est là pour ça », a laissé entendre Me Amadou Diallo.

Me Dîna Sampil, avocat

Des explications que Me Dinah Sampil, un des conseils de la défense, balaie d’un revers de main avant de se féliciter des débats qui ont eu lieu. « Nous sortons satisfaits de ces premiers débats puisque nous avons noté toutes les difficultés que la partie civile a eu à expliquer. Toutes ses questions sont parties sur des aspects qui n’intéressent pas le dossier parce qu’elle vise simplement à démontrer le préjudice qu’ils ont et l’évolution de ces préjudices là en montant fixe pour le mettre au compte de monsieur Ali Jichi qui comparaît. Malheureusement pour eux, ce n’est pas le cas et le procureur lui, qui est le Chef des poursuites, qui charge de démontrer la culpabilité de notre client, n’est pas parvenu non plus à nous opposer une quelconque preuve des faits articulés par la partie civile. Leur accusation porte sur des montants et des utilisations ou des usages de certains biens de la société par monsieur Ali Jichi dans ses intérêts personnels. Mais encore faudrait-il qu’ils disent quel est le bien, quelle est la somme d’argent qu’il a prise dans la société pour l’utiliser à ses fins personnelles. Jusque-là, nous sommes sur notre faim puisqu’aucune révélation n’a été démontrée à ce procès. Ils estiment qu’il y a une somme de 50 millions d’euros d’une part, et d’autre part, de 400 milles dollars et plus de 20 milliards de francs guinéens ; mais ces montants ainsi que d’autres qu’ils ont cités, si vous faites la somme totale de tous les montants, vous trouverez que c’est exactement le montant qui a été versé sur le compte de leur société par la société EJICO gérée par non seulement notre client lui-même mais aussi son père qui est d’ailleurs le principal responsable de la cette société EJICO. Un montant total versé sur le sous compte du gérant de l’entreprise Electromatic-Guinee. Les marchés de EJICO étaient exécutés par Electromatic-Guinee et en contrepartie, cette dernière devait procéder à des paiements. Nous avons presque démonté tous les reproches faits à notre client. Ils ont reconnu que le montant des 26 milliards de francs, que la société doit, ont été versés sur les comptes par la société EJICO et aujourd’hui, ils ne peuvent justifier par une quelconque facture ou pièce comptable pour établir que c’est leur propriétaire. Ensuite, leur comptabilité n’a jamais aussi tenu compte de ce montant, et atteste que c’est un montant hors comptabilité, donc non propriétés de Electromatic-Guinee. C’était dans un sous compte ouvert par le gérant pour des besoins de paiement des prestations fournies à la société EJICO, propriétaire du montant. Nous allons démontrer que ce montant a servi non seulement à payer les factures de Electromatic-Guinee émises pour EJICO, mais également les autres fournisseurs extérieurs de la société Electromatic-Guinee ont été payés à partir de ce montant au compte de EJICO qui avait dont des relations de fournisseurs à utilisateurs », a dit Me Dinah Sampil.

La Cour a renvoyé cette affaire au 6 mars 2023 pour la comparution de la partie civile, des témoins éventuellement, et la communication de plusieurs pièces à conviction.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél. : 622919225

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