Procès du 28 septembre : Dr Ben Youssouf Keïta charge le Capitaine Dadis Camara

Dr Ben Youssouf Keïta, victime du massacre du 28 septembre

Dr Ben Youssouf Keïta, président de l’Alliance pour le Changement et le Progrès (ACP), est à la barre du tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, ce mardi 11 avril 2023. En tant que partie civile dans le procès du massacre du 28 septembre 2009, il a expliqué avoir été agressé avec sa femme par des hommes en uniforme. Une agression qui fait que sa femme est aujourd’hui handicapée.

Dans sa déposition, il déclare également que le Capitaine Moussa Dadis Camara n’a pas voulu écouter les forces vives qui voulaient manifester son opposition à son éventuelle candidature à la présidentielle de 2010. C’est ce qui est à la base du massacre, soutient-il.

Guineematin.com vous propose ci-après les premiers mots du Dr Ben Youssouf Keïta qui était au stade le 28 septembre 2009 :

Dr Ben Youssouf Keïta, victime du massacre du 28 septembre

« Permettez-moi de rendre hommage aux victimes qui ont été blessées, dont ma propre femme, des femmes violées que j’ai eu à soigner en tant que médecin après le 28 septembre. Je suis un homme politique et aujourd’hui, je suis président d’un parti politique qui s’appelle Alliance pour le Changement et le Progrès (ACP). Mais, il y a 13 ans auparavant, j’étais dans un autre parti qui s’appelle UFDG.

Monsieur le président, aujourd’hui on se posera la question pourquoi après 13 ans, c’est aujourd’hui que je me présente et de manière spontanée ? Pourquoi ? Pour deux raisons. La première, je ne me plains pas de mon sort. Parce que le 28 septembre, quand j’ai décidé de quitter ma maison pour aller au stade, je suis allé en connaissance de cause, en sachant les risques que je courais. Comme on le dit, qui ne risque rien n’a rien. Mon sort, je me suis accommodé avec. Cependant, mon épouse qui a souffert le martyr, a comparu devant Human Right Watch. Cela m’a soulagé parce que quelque part elle représentait les victimes. Et chez moi également, j’ai reçu madame Asmaou Bah avec le groupe AVIPA (association des victimes du 28 septembre). C’est dans ma maison qu’elle a été confirmée comme présidente. Pour nous déjà, c’était largement suffisant pour que nous ayons des personnes dignes de confiance et qui peuvent porter la voix de toutes les victimes.

Monsieur le président, étant donc un responsable d’un parti qui est un des plus grands partis en Guinée, l’UFDG, nous avons apprécié l’arrivée au pouvoir du CNDD après la mort du Général Lansana Conté. Il vous souviendra que ça a été une liesse parce que le président qui a pris le pouvoir était apprécié de tous les guinéens, sans exception. Il portait un espoir. Nous, nous avions confiance en lui. Il était même une idole. Nous avons observé un vent de liberté dans tous les sens qui planait sur la Guinée. Et l’équipe, dans les premiers mois, a fait un beau travail mais le plus important, un homme c’est la parole. Si nous avons apprécié le travail de l’équipe dirigé par le chef de l’Etat à l’époque, le Capitaine Moussa Dadis Camara que je respecte, il s’est engagé comme aujourd’hui le CNRD s’engage à lutter contre la gabegie, contre le détournement, à lutter farouchement contre la drogue et à s’intéresser aux activités sociales, c’est-à-dire l’eau, le courant…

Nous nous souviendrons tous qu’à l’arrivée du Capitaine Dadis, il n’y a pas un quartier qui n’a pas connu de bitume. Il n’y avait pas un café de Conakry où il n’y avait pas eu forage. Et nous, en tant que patriotes, nous étions fiers. Mais, comme politique, nous savions qu’un régime militaire est toujours un régime militaire. Les militaires sont faits pour la caserne, pour défendre la nation, pour assurer la sécurité de l’Etat, du pays et tout ce qui est dans le pays. La politique, c’est pour les civils. Le président du CNDD l’avait bien compris quand il a pris le pouvoir en déclarant librement qu’il n’était pas venu pour se pérenniser au pouvoir. Donc, nous avons tous adhéré.

Malheureusement, nous ne savons pas par quel sort nous avons vu des signaux qui nous indiquaient clairement que l’homme allait renier ses engagements promis. Ce qui naturellement attira l’attention des forces vives. Je veux parler du syndicat, des partis politiques, des organisations de la société civile, tous, avons fait des pieds et des mains pour que les organisations qui avaient commencé à pousser par-ci par-là pour pousser l’homme à renier à ses engagements disparaissent et que comme promis, notre sauveur à l’époque, le capitaine Dadis retire sa parole quitte à aller aux élection plus tard comme ATT l’a fait au Mali. Malheureusement, les sirènes ont continué à sonner. Et nous avons décidé de nous faire entendre mais de manière pacifique », a-t-il déclaré à la barre.

Propos recueillis par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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