2 ans de gestion du CNRD : le bilan est globalement positif, dit Bah Oury

Amadou Oury Bah, président de l'UDRG

Dans la matinée du 05 septembre 2021, le comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a annoncé l’éviction de l’ancien président Alpha Condé, qui avait un an plutôt brigué un 3ème mandat très contesté. Après deux ans passés à la tête de la Guinée, les acteurs politiques font le bilan de la gestion du colonel Mamadi Doumbouya et ses hommes. Pour le président de l’UDRG (l’union des démocrates pour la renaissance de la Guinée), il est positif même s’il émet un bémol. Il l’a dit dans un entretien accordé à Guineematin.com jeudi, 31 août 2023.

Contrairement à plusieurs de ses pairs, Bah Oury trouve la gestion du CNRD positive sur plusieurs plans: judiciaire, économique, minier et des infrastructures. Le seul bémol qu’il trouve aux deux années de la junte guinéenne, c’est celui de la gestion politique qu’il estime trop bureaucratisée.

Alors sur le plan judiciaire, l’homme politique salue la mise en place de la CRIEF et l’organisation du procès du massacre du 28 septembre 2009.

« La décision de la création de la Cour de répression des infractions économiques et financières a été de ce point de vue une excellente chose pour rompre la longue chaîne de corruption que la Guinée a enduré depuis plusieurs décennies, qui ont impacté négativement la construction de l’État, qui ont contribué à faire d’un pays qui aurait pu être la locomotive de l’Afrique de l’Ouest comme étant parmi les derniers en ce qui concerne le développement économique, les infrastructures etc,. Donc la lutte contre la corruption, et surtout la mise en place de la Crief a été un apport extrêmement important pour la société guinéenne et pour le devenir d’un État de droit et démocratique. Le procès du 28 septembre 2009, cette décision a été également un acte fort, j’allais même dire un acte révolutionnaire pour permettre aux Guinéens de se rendre compte que les exactions que les personnes en situation de responsabilité peuvent commettre ne resteront pas impunies à partir de maintenant…C’est quelque chose d’extrêmement important le fait d’engager les procédures de jugement des crimes de sang », a-t-il assuré.

Poursuivant sur les points forts, l’ancien ministre loue le lancement des assises nationales pour réconcilier les Guinéens. Selon lui, certaines recommandations proposées lors des assises sont en train d’être réalisées.

« Les travaux ont été couronnés de succès, les 45 recommandations du comité national des assises, certaines sont en train d’être réalisées pour conforter le droit des victimes à la répartition. Aller dans le sens de la gestion du passif historique pour la réhabilitation de certaines personnes qui ont été injustement associées à des actes contraires aux intérêts de l’État guinéen. Donc cela est un élément positif dans un pays qui a connu des années de dictature, de répressions politiques. Cet acte du CNRD est un élément extrêmement important par rapport au jugement des crimes de sang, et aussi la volonté de lancer le processus de réconciliation nationale à travers les assises qui ont été organisées à partir de mars 2022 », a-t-il ajouté.

Concernant les infrastructures, M. Bah note également des progrès importants dans ce domaine par rapport aux régimes précédents. Ce qui, selon lui, prouve qu’avec la volonté politique, il est possible de satisfaire les besoins des populations.

« En l’espace de 12, 13, 14 mois on a vu à Conakry et à l’intérieur du pays des infrastructures qui n’étaient pas du tout attendues depuis très longtemps par les Guinéens ont pu voir le jour: des quartiers ont été désenclavés, des routes bétonnées ont surgi par ci par là, et, ont facilité tant bien que mal la vie quotidienne de certains habitants de la grande banlieue de Conakry. Cela prouve que si on veut on peut, et cela aggrave le jugement des Guinéens par rapport aux anciens régimes qui se sont succédés pendant de très longues années sans pour autant faire un minimum d’efforts pour améliorer la vie quotidienne des populations. Donc le CNRD de par son action au point de vue des infrastructures a montré que s’il y a une réelle volonté politique de prendre en compte les attentes et les besoins des populations, il est possible d’aller vite, d’aller fortement dans le sens de l’amélioration du cadre de vie de nos populations », a-t-il affirmé.

Il fait le même constat sur le plan économique, où grâce à une meilleure gestion macroéconomique, la Guinée a changé de statut pour arriver dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, dit-il. Même si : « C’est déjà un pas significatif, mais ce pas significatif ne veut pas dire que les richesses sont relativement bien partagées au niveau de la population qui reste jusqu’à présent impactée négativement par les difficultés de vivre, par la pauvreté, par le manque d’emplois, etc. »

Dans le domaine minier, le président de l’UDRG, rappelle notamment deux décisions prises par le CNRD par rapport aux compagnies minières évoluant en Guinée. Par ailleurs, avec l’exploitation à venir du gisement de fer de Simandou, il souligne que la Guinée gagnera 1 à 2 milliards de dollars de revenu annuel.

Amadou Oury Bah, président de l’UDRG

« La volonté du CNRD d’exiger des compagnies minières, surtout des compagnies liées à l’exploitation de la bauxite de délivrer un agenda indiquant à quel moment des usines d’alumine, voire même d’aluminium pourront être installées dans le pays pour que la Guinée tire un meilleur profit des richesses de son sous-sol. Je pense que ça, c’est une démarche extrêmement positive qui permettra d’arrimer dans une logistique industrielle qui va s’amplifier dans les années à venir. Dans le même sillage, l’obligation d’indiquer aux compagnies minières de rapatrier 50% de leurs revenus à l’intérieur de la Guinée pour que la balance de paiement de notre pays puisse être confortée par des richesses qui sont produites par le sous-sol national, je pense là aussi ça permettra d’avoir une lecture beaucoup plus claires de l’évolution économique et de l’état économique sur le plan macro et sur le plan des agrégats de la Guinée. C’est une donnée majeure, espérons qu’avec le temps que les choses pourront être mieux structurées, consolidées avec des systèmes bancaires suffisamment forts pour pouvoir accueillir ces mannes et les gérer dans le sens des intérêts des compagnies minières, mais aussi des intérêts de la Guinée. Les projections et l’exploitation des mines de fer du Simandou qui sont en train d’être lancées à travers l’installation des infrastructures portuaires et ferroviaires entre l’Atlantique et les mines du côté de Beyla et Kérouané constituent un atout majeur pour les années à venir. Et si tout se passe bien dans un cadre d’évolution normale, la Guinée pourra escompter en moyenne entre 1,5 et 2 milliards et poussières de dollars de revenu annuel. Ce qui permettra à la Guinée à ce moment-là, dans un cadre d’une gouvernance intelligente, vertueuse et tournée vers les intérêts exclusifs de la Guinée et de la population, un réel décollage. C’est-à-dire de réveiller un géant qui était resté trop longtemps endormi. Ça, c’est des aspects extrêmement positifs, et il faut saluer le CNRD de ce côté-là », a-t-il indiqué.

Cependant, l’ancien vice-président de l’UFDG regrette la gestion politique de la transition. Toutefois, il espère que la junte mettra à profit la dernière année qui lui reste avant de rendre le pouvoir aux civils pour mieux engager la suite du processus.

« Là ou il y a bémol, c’est en ce qui concerne la gestion politique de la transition. Le dialogue politique du début a suscité un réel espoir mais la mise en œuvre manque de liants, manque d’imagination, est trop bureaucratisé. Ce qui fait que les espaces de discussions, d’échanges pour faire émerger des consensus forts, le cadre tel qu’il fonctionne ne l’a pas permis. Malgré nos souhaits, malgré nos demandes, mais comme il n’est pas encore tard pour bien faire, nous espérons à l’occasion de ce second anniversaire que la gestion politique du reste du processus pourrait être mieux engagée pour une réelle participation de tous les partenaires à apporter leurs briques pour la consolidation des bases d’un retour à l’ordre constitutionnel normal dans les délais requis », a souhaité Bah Oury.

Entretien réalisé par Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com 

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