Construction du siège du parlement : Damaro Camara explique comment il a utilisé les 15 milliards GNF

Amadou Damaro Camara, ancien président de l'Assemblée nationale de la 9è législature

L’ancien président de l’Assemblée nationale sous Alpha Condé, Amadou Damaro Camara, et Cie ont comparu ce lundi, 4 février 2024, devant la chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Pour cette audience, c’est Amadou Damaro qui a apporté des explications sur l’utilisation des 15 milliards de francs guinéens destinés à la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale au centre directionnel de Koloma, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Si le président de la 9ème législature ainsi que Zenab Camara (ancienne députée), et l’homme d’affaires chinois Jin Sun Cheng, connu sous le nom de Kim, ont répondu présent, ce n’est pas le cas de Michel Kamano, également poursuivi dans cette affaire. L’ancien questeur du parlement a bénéficié d’une autorisation d’absence pour des raisons de santé. Ils sont poursuivis pour détournement de fonds publics, enrichissement illicite, blanchiment, corruption dans les secteurs public et privé, prise illégale d’intérêts et complicité. Ces accusations portent sur 15 milliards GNF destinés à la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale au centre directionnel de Koloma.

A l’audience de ce lundi, l’honorable Amadou Damaro Camara s’est longuement expliqué devant le juge Yaghouba Conté sur l’utilisation des 15 milliards GNF qui leur valent ces poursuites judiciaires.

« La Guinée, depuis sa 8ème législature, a bénéficié d’un don de 40 milliards de francs guinéens pour construire un palais de l’Assemblée nationale. On a attribué un premier site pour la construction de ce palais. Il y a eu le redéploiement du plateau de Koloma. Le site de l’Assemblée a été retiré et relocalisé ailleurs toujours sur le même plateau. Mais, la partie chinoise avait fait toutes les études basées sur le premier site. On nous a donné un nouveau site. Je dois signaler que les partenaires chinois n’étaient pas contents de ce changement. Ils nous ont écrit pour nous demander de savoir si le nouveau site qu’on a donné était libre de toutes occupations matérielle et humaine. Le problème auquel nous avions à faire face était que le nouveau site avait des bâtiments à peine démolis. C’était de nouveaux déguerpis sur cette place. Ils nous ont écrit en nous disant en 60 ou 90 jours, de rendre ce terrain viabilisé. Nous avons cherché à régler le problème. J’ai écrit donc au président de la République (Alpha Condé, ndlr) pour demander de faire face à ce problème de réhabilitation. La réponse en 2020 était qu’il n’y avait pas d’argent. Mais, il y avait l’urgence. Parce que le chinois nous a écrit, la copie est là-bas (versée au dossier de la procédure), en nous disant que si le terrain n’était pas viabilisé, cela pourrait compromettre l’exécution du projet. Je venais d’être élu en avril et je crois que c’est au mois de mai qu’on nous a écrit pour nous notifier cela. J’ai réuni le bureau, ou certains membres en tout cas, pour leur poser le problème », a fait savoir l’honorable Damaro.

Devant le manque d’argent invoqué pour ne pas entamer les travaux, l’ancien président du parlement dit avoir entrepris des actions. « J’ai écrit au président de la République qui dit qu’il n’y a pas d’argent, qu’est-ce qu’on fait ? Faut-il prendre le risque de perdre ce don ? J’ai pris sur moi donc, dans le budget partiel qui nous avait été donné, parce qu’on avait été installé en avril et on devait clôturer la session le 5 juillet. Donc, on avait mai et juin. Les deux mois, on avait un petit budget d’installation pratiquement. J’ai dû donc prendre sur moi, j’ai demandé à un certain nombre d’entreprises, y compris celle de Monsieur Kim qui m’a demandé : est-ce que vous avez de l’argent ? J’ai dit non, il n’y a pas d’argent. Sa première réaction était qu’il n’était pas intéressé. J’ai dit, pourquoi ? Il dit qu’il a fait la clôture du palais des nations sous le règne du Général Lansana Conté qui n’a pas été payé. Il a fait l’abri de l’hélicoptère du Président Alpha Condé, il n’a pas été payé. Il a fait la primature, il n’a pas été payé. Ça fait des milliards. Vraiment, si je n’ai pas d’argent, il n’est pas intéressé. Il faut chercher quelqu’un d’autre. Je l’ai non seulement appuyé mais aussi, je lui ai tordu la main pour faire face à cette urgence. On avait l’ambition non seulement de viabiliser le site mais aussi de faire une clôture définitive. Je lui ai dit avant qu’on ne soit d’accord sur le site, parce qu’on avait un problème de délai, à un moment donné des travaux, il m’avait fait savoir qu’il y avait 200 camions de gravats qui avaient jetés et hors de la ville et que c’était trop pour ce qu’on lui propose. Bref, dans un premier temps, on est tombé d’accord sur un milliard 800 millions de francs guinéens. Je lui ai dit de réaliser les travaux, quand j’aurai l’argent, je le paierai. Il a réalisé les travaux. Je suis allé sur le terrain, mais je n’étais pas tout à fait satisfait puisque ce n’était pas nivelé. Je lui ai dit de ramener les bulldozers pour décaper le terrain. Il a ramené le bulldozer et m’a facturé de nouveau mais on est resté au milliard 800 millions de francs guinéens. C’est en ce moment que j’ai payé en deux chèques au mois de juillet la société de monsieur Kim », déclare le prévenu.

Comment en est-on arrivé à 15 milliards GNF ? « Mais, poursuit-il, les 15 milliards n’ont été payés qu’en juillet 2021. Donc, un an après les travaux. Quelles étaient les exigences des chinois ? Il fallait viabiliser le terrain, amener l’électricité et l’eau. On a viabilisé le terrain, on a amené l’eau et on était sur le programme d’eau. La durée de l’exécution des travaux devrait prendre 36 mois et les 15 milliards c’était la partie guinéenne. Je dois avouer ici que je suis très mal à l’aise qu’il soit traîné pendant deux ans sans même qu’il ne soit payé. On devait lui payer plus de deux milliards, mais on a pu payer que le milliard 800 millions de francs guinéens. Concernant les fameux 15 milliards destinés à l’aménagement du site réservé pour la construction du palais de l’Assemblée nationale, nous avons payé à la société CASTOL de monsieur Kim 1 milliard 800 millions. Nous avons payé 355 millions de francs guinéens à EDG pour ce qui était, entre-autres, de la levée topographique et du transformateur. On a payé 7 milliards de francs guinéens aux députés et 6 milliards 133 millions de francs guinéens sont restés sur le compte de l’Assemblée nationale à la Banque Centrale jusqu’au 5 septembre 2021 », a laissé entendre Amadou Damaro Camara.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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