Le chef de la Délégation de l’UE : « Nous sommes inquiets de l’évolution politique » (avec l’audio)

Union européenne, chef de la Délégation « Nous avons constaté… Au niveau de la mouvance, il y a des actions de sensibilisation qui sont utilisées pour la campagne préélectorale. Du côté de l’opposition, il y a des manifestations qui sont organisées de telle sorte qu’elles empêchent le travail normal des acteurs de la riposte contre Ebola », a notamment regretté le chef de la délégation de l’Union européenne en Guinée au cours d’un entretien exclusif avec Guineematin.

Suite à une déclaration rendue publique par la délégation de l’Union Européenne, appelant au dialogue et à la cessation des campagnes préélectorales déguisées en action de riposte contre Ebola, une équipe de Guineematin.com a été reçu par son Excellence Monsieur Gérardus GIELEN, chef de la Délégation de l’Union Européenne à Conakry, ce lundi 27 avril 2015. Au cours de cet entretien, il a été question de la lutte contre Ebola, la crise politique dans le pays et la commission électorale nationale indépendante (CENI).

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage intégral de cet entretien exclusif  

Guneematin.com : Vous venez de faire une déclaration concernant la Guinée, qu’est ce qui vous a motivé ?

UE Chef de la délégation de l'Union européenne, Gérardus GIELENGérardus GIELEN : Quelques sujets liés à la situation politique nous inquiètent. Ce sont les incidents politiques qui ont accompagné cette situation, il y a eu beaucoup de blessés et beaucoup de décès. L’autre aspect est qu’on est encore dans une période où on doit gérer l’épidémie d’Ebola. Les deux éléments combinés nous ont emmené à préparer cette déclaration pour donner un signal à la Guinée et à ses populations, que nous restons solidaires à la Guinée dans sa lutte contre Ebola, pour l’accompagner dans son développement.

Mais que nous sommes en même temps inquiets de l’évolution récente sur le plan politique, qui peut avoir une répercussion sur la riposte contre Ebola. Il y a des situations où la politique se mêle un peu d’Ebola. Nous avions organisé un forum des forces vives de la Guinée pour la lutte contre Ebola. Nous avons demandé à toutes ces forces de contribuer. A cette occasion, la mouvance et l’opposition ont agréé de ne pas laisser jouer la politique dans la riposte contre Ebola.

Mais, nous avons constaté que ces deux pistes en réalité ne sont pas trop séparées. Au niveau de la mouvance, il y a des actions de sensibilisation qui sont utilisées pour la campagne préélectorale. Du côté de l’opposition, il y a des manifestations qui sont organisées de telle sorte qu’elles empêchent le travail normal des acteurs de la riposte contre Ebola.

Guneematin.com : A travers cette déclaration, vous invitez les partis politiques à ne pas confondre la campagne électorale à la lutte contre Ebola. Mais, le chef de l’Etat s’est récemment offert un bain de foule, qu’en dites-vous ?

Gérardus GIELEN : On est en démocratie. Donc, il peut y en avoir des manifestations. Mais, c’est valable pour les deux cotés : mouvance comme opposition. Si on pense qu’on peut mobiliser des gens, on les mobilise de telle sorte que ça ne gène pas. Il faut éviter qu’il y ait des débordements qui puissent augmenter le risque de contamination.

Guneematin.com : Existe-t-il des conditions de transparence quand l’UE octroie de l’argent dans le cadre de la riposte contre Ebola ?

UE, chef de la délégation de l'Union européenne, Gérardus GIELENGérardus GIELEN : Bien sûre ! Nous intervenons à travers différents canaux de riposte contre Ebola. Nous demandons des comptes à nos partenaires. Au départ, nous avons travaillé avec Médecins Sans Frontières, avec l’Organisation mondiale de la santé, la Croix-Rouge. Après, on a pensé aussi à d’autres partenaires puisqu’il fallait beaucoup de partenaires quand l’épidémie a pris de l’ampleur.

Guneematin.com : Et, la coordination nationale de riposte contre Ebola ?

Gérardus GIELEN : Nous n’avons pas assisté directement la coordination nationale de riposte contre Ebola.

Guneematin.com : On parle d’Ebola business, est ce que l’Union Européenne serait prête à appuyer toute action tendant à faciliter des audits au niveau des organisations qui reçoivent des fonds au nom de la lutte contre Ebola en Guinée ?

Gérardus GIELEN : Je pense qu’on peut faire une évaluation, mais un audit comme on l’entend, ça sera très difficile. On parle de plusieurs milliards de dollars. Ces fonds sont passés par plusieurs organisations internationales. Vous ne pouvez pas dire un jour que vous confiez un audit classique à un bureau d’audit qui va auditer l’utilisation de toute cette manne financière à travers le monde entier. La reddition des comptes doit se faire entre l’opérateur et le bailleur qui a financé cet opérateur. Je pense qu’il serait plus simple de faire une évaluation pour savoir comment ça c’est passé, que d’aller auditer chaque dépense individuelle.

Guneematin.com : Peut-on évaluer ce que l’Union Européenne a apporté à la Guinée dans le cadre de la riposte contre Ebola ?

Gérardus GIELEN : Ce qui touche directement la Guinée dépasse les 20 millions d’Euro. Il y’a des fonds qui arrivent, d’autres ont été engagés puis que nous avons un programme d’appui à la santé en cofinancement avec la France, à hauteur de 30 millions d’Euros. Il y a encore 40 millions d’Euros qui vont arriver dans le cadre du 11ème FED, pour le renforcement du système de santé. Il y’a au moins 20 millions d’euros qui ont été engagés et d’autres engagements sont en cours soit dans le cadre de la riposte ou dans le cadre de la relance post-Ebola.

Guneematin.com : Vous appelez les deux parties à venir autour de la table de négociation, estimant que la violence n’est pas la solution, mais l’opposition exige d’abord le gèle des activités de la CENI, qu’en dites-vous ?

Gérardus GIELEN : Ce que j’en dis, c’est qu’il est important et crucial que les deux parties se mettent autour de la table le plus vite possible. Je comprends les préoccupations par rapport à l’ordre des élections et je connais les arguments, mais il y’a peut être des solutions qu’on peut trouver pour répondre aux préoccupations de l’opposition.

Union européenne, chef de la Délégation Guneematin.com : Vous les partenaires et le gouvernement, vous ne cessez pas d’appeler au dialogue, mais au même moment, l’annulation du chronogramme électoral et la restructuration de la CENI qui constituent les deux questions fondamentales, font déjà objet d’une position tranchée de la part du gouvernement, pensez-vous que comme ça vous réussirez à convaincre l’opposition à venir au dialogue ?

Gérardus GIELEN : Depuis le dialogue de juillet passé, les deux côtés ont de la peine à se mettre autour de la table de dialogue. J’ai entendu toutes sortes d’arguments de parts et d’autres sur le bien fondé d’un dialogue. Je crois que le moment est venu pour que les gens mettent les choses à plat. Chacun peut avoir ses raisons, mais je ne pense pas que le pays peut se permettre de rester longtemps cette situation de non dialogue.

Guneematin.com : Au delà de cette simple déclaration, dans le cadre des relations entre l’Union Européenne et notre pays, quel autre moyen disposez-vous pour amener les acteurs à se mètre autour de la table ?

Gérardus GIELEN : La déclaration est venue après qu’on ait fait des dialogues de différentes sortes. Dans le pays on discute avec les différents acteurs. Ce n’est pas une première, ça fait partie des fonctions des représentations, d’être en dialogue politique avec les acteurs. Cette déclaration vient s’ajouter pour donner un signal de l’Union Européenne aux acteurs guinéens. Nous pensons qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis de la population de la Guinée, mais aussi des pays voisins.

Guneematin.com : L’opposition dit que tout était prêt pour organiser des élections communales cette année. Vous, vous assistez notre commission électorale nationale indépendante, vous avez dû avoir des comptes-rendus de la part des gens qui vous représentent techniquement au sein de cette institution. Est ce que financièrement, la CENI était prête à organiser ces élections en 2015 ?

Gérardus GIELEN : Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai participé moi même à deux sessions de présentation par la Commission Electorale Nationale Indépendante CENI, sur leur analyse du processus électoral. A l’issue de la première, j’ai dit à la CENI que c’était très bien qu’elle ait commencé de communiquer, mais c’aurait été mieux de le faire avant.

Entretien réalisé par Thierno Amadou Camara et Fatoumata Keita pour Guineematin.com

+224 622 10 43 78

 Ci-dessous, Guineematin.com vous propose l’audio intégral de cet entretien avec son Excellence monsieur Gérardus GIELEN, chef de la Délégation de l’Union Européenne à Conakry

 

 

 

 

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