Demain, mardi 14 mars 2017, marque le 13ème anniversaire de la disparition de Siradiou Diallo, journaliste à Jeune Afrique, Président fondateur de l’Upr, député guinéen et membre du parlement de la CEDEAO. En prélude à cette date commémorative, deux de nos reporters sont allés à la rencontre de Hadja Bintou Rabi Youla, journaliste et collaboratrice du défunt. Avec elle, les larmes aux yeux, nous avons abordé la vie de Siradiou Diallo et de ce qu’il représentait pour notre pays, la Guinée.
Décryptage !
Guineematin.com : Bonjour madame Bintou Rabi Youla, dites nous comment vous -avez connu Siradiou Diallo, journaliste et homme politique guinéen ?
Bintou Rabi Youla : vous savez, la seule évocation du nom de Siradiou Diallo, me donne l’envie de pleurer. Siradiou a laissé derrière lui des personnes inconsolables. J’ai connu Siradiou à Dakar, en rentrant chez moi, un ami me dit qu’il ya quelqu’un qui est passé ici du nom de Siradiou, et m’a dit que c’est ce Siradiou qui a été condamné chez lui à mort à plusieurs reprises, en Guinée, on nous le présentait comme le diable en personne. Et puis, il ya eu une session du parti de Senghor, le PS. Mon ami d’enfance monsieur Moustapha Gnass (aujourd’hui Président de l’Assemblée nationale du Sénégal) , était avec Senghor ce jour et c’est dans ce sillage là que j’ai appris que monsieur Siradiou était toujours à Dakar et qu’il avait été logé dans une des résidences officielles qui se trouve en face du marché où on appelle marché Kolobane. Un ami journaliste Togolais, Polycarpe Johnson, rédacteur en Chef du journal « La Nouvelle Marche » du Togo, accompagné d’un autre journaliste Laurent Donan Fologo, rédacteur en Chef du journal ivoirien Fraternité matin m’invite dans un restaurant, la Corix du Sud appartenant à beau frère, M. Diop. Un Sénégalais marié à une guinéenne, plus tard qui deviendra un père du Président Abdou Diouf. A l’époque c’était le meilleur restaurant de Dakar et qui était juste à coté de mon école. Donc, je passais là-bas à tout moment. En prenant le dessert dans ce restaurant, un monsieur est venu nous saluer et s’installer à notre table. Fologo qui était là, très souriant qui prend la vie du bon coté et qui aime se moquer me dit : voilà Rabi, toi aussi tu es condamnée à mort. Alors je lui ai demandé pourquoi je serai condamnée à mort, il me dit parce que, tu as salué un condamné à mort et c’est assez suffisant ça pour aller au camp Boîro. Alors, je regarde celui que je venais de saluer, je demande, lui c’est qui ? Il dit mais c’est Siardiou Diallo, maintenant que tu as mangé avec lui, tu as parlé avec lui, il me dit, « tu es condamnée à mort toi aussi ». Je lui ai répondu non tu ne peux pas parler de la sorte toi aussi. De temps en temps, Fologo parle en malinké, parce que son malinké de Côte d’Ivoire, je pouvais comprendre ici à Dakar en me servant du malinké de la Guinée. Quant il (Fologo Ndlr) ne veut pas que Siradiou comprenne ce qu’il échange avec moi, il me parle en Dioula de chez lui qui correspond à notre malinké. Bref, depuis ce jour, Siradiou et moi nous ne nous sommes plus séparés.
Guineematin.com : Qu’est-ce que vous retenez de l’homme disparu depuis 13 ans ?
Hadja Bintou Rabi Youla : Siradiou c’est quelqu’un, dès qu’on le voit, il vous impressionne tout de suite. Qu’on l’avoue ou pas, Siradiou n’était pas n’importe qui. Il impressionnait par son sérieux, il impressionnait par son raisonnement, ses qualités humaines et intellectuelles. Vous savez quand quelqu’un est original dans le sens positif, il fabriquait autant d’adversaires qu’il ya de méchanceté. Des personnes comme lui au contraire dans d’autres pays, il ne serait peut-être pas mort encore. C’est dans un pays comme la Guinée, comme d’ailleurs moi je connais la Guinée maintenant mieux qu’avant, il n’y a rien à faire, vous ne devez pas rester. C’était de partir ou rester dans la merde. Mais, lui il a préféré rester car pour lui tout pouvait être négocié, valorisé et exploité au bénéfice de la population. Il était trop en avance sur la politique et les politiciens en Guinée.
Guineematin.com : A votre avis, qu’est ce que Siradiou représentait pour la Guinée ?
Bintou Rabi Youla : Un rendez-vous manqué, avec lui, c’est plus qu’une certitude de réussite pour la Guinée. Siradiou représentait une grande possibilité, je ne peux pas dire une chance, parce que la chance pour moi est un terme aléatoire, les capacités de Siradiou étaient sacrées. C’est tout cela qui révoltait et enrageait ses adversaires. Siradiou était entouré que de personnes de qualité, un voyou n’avait pas de place à ses cotés. Même dans sa vie privée, ce n’était que des personnes de qualité. Moi j’étais fière d’être avec lui. Et il était de très loin, la personne la mieux indiquée pour bien diriger notre pays. Même à l’étranger, Siradiou était le mieux positionné, celui qui a les meilleures relations et au plus haut niveau. Il était à l’aise partout et avec tout le monde. Mais hélas…
Guineematin.com : vous avez vécu longtemps à ses cotés, quels étaient les grands projets qui animaient sa vie politique ?
Bintou Rabi Youla : vous ne pouvez pas être avec Siaradiou sans qu’il ne vous parle de la Guinée. Il était amoureux et passionné de ce pays. Vous savez d’abord que c’était un économiste qui s’est retrouvé journaliste. Pour Siradiou, la Guinée ne pouvait pas ne pas être développée, compte tenu des richesses du sol, du sous sol et encore du pétrole que nous avons en quantité, il le savait. Pour lui, c’était une aberration de dire que la Guinée ne pouvait pas être développée. Mais, je crois qu’il avait commencé à comprendre que la première ressource, c’était d’abord l’homme. Il ne savait pas qu’en Guinée, l’homme était si pourri et si méchant. C’est pour ça, quant un homme politique a dit il y a quelques années, que dans 6 mois, vous aurez l’électricité. Moi j’ai dit non, j’ai dis qu’il faillait dire cinq ans. Et bien, lui aussi il avait les mêmes idées, parce qu’ils ne vivaient pas tous ici. Siradiou était quelqu’un de discret, d’honnête, d’intelligent, d’intègre. C’était un grand patriote. Je ne sais pas de quoi il est mort, mais il y avait de quoi le tuer. Par ce qu’il était trop au dessus des gens.
Interview réalisée et décryptée par Abdallah Baldé et Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com