Les opérations de déguerpissement dans le grand Conakry: la commune urbaine de Dubréka dans l’œil du cyclone

Gassim Cissé
Bah Alpha Abdoulaye

Comme annoncé précédemment, le gouvernement guinéen, à travers le ministère dit « de la ville et de l’aménagement du territoire », est actuellement dans une vaste campagne de déguerpissement des citoyens qui occupent les abords de la route dans la zone du grand Conakry. Cette opération qui crée assez de dégâts se matérialise sur le terrain par la démolition des boutiques, pharmacies, magasins et autres auxiliaires de commerce.

Dans plusieurs cas, la fureur destructrice des bulldozers déployés sur le terrain n’épargne pas les habitations, au grand dam des pauvres populations. Ces opérations de démolition, jusque-là cantonnées dans les cinq communes de Conakry, ont également atteint la ville de Dubréka depuis le mardi dernier, 09 mars 2021. Et, c’est la panique au marché et dans les quartiers où plusieurs maisons d’habitations sont cochées au rouge ; signe que les destructeurs se préparent à attaquer. Les populations sont donc désemparées. Les plus avisés commencent déjà à vider leurs boutiques et magasins. Certains parmi ont déjà enlevé les toitures. Car, après le triste exemple de Conakry, ils savent qu’un aucun sacrifice ne peut faire épargner leurs boutiques des dirigeants que certains comparent à des « occupants » qui n’ont aucune pitié pour les pauvres Guinéens.

Dans la tourmente, d’autres ont préféré se livrer eux-mêmes à la casse de leurs propres boutiques et magasins. Et, aujourd’hui, les décombres sont visibles partout dans la commune urbaine. Le centre-ville a plutôt l’air d’un champ de ruine et les populations ne savent plus à quel saint se vouer face au désastre qui s’abat sur elles. Un reporter de Guineematin.com a tendu son micro hier, jeudi 11 mars 2021, à quelques habitants de Dubréka. Et, le moins qu’on puisse conclure, c’est que ces compatriotes ont le moral au plus bas niveau. Ils sont attristés et déboussolés.

Décryptage !

Bah Alpha Abdoulaye : On se sent très mal ; mais, comme on ne peut rien… On est obligé de nous soumettre ; sinon, réellement, nous sommes touchés. Depuis 2002, nous habitons dans cette maison… Il y a beaucoup de choses qui devraient faire réfléchir ceux qui nous gouvernent. Ils auraient dû prendre en compte et analyser certaines choses avant de passer à l’action. Aujourd’hui, il y a des familles qui n’ont même pas où dormir et c’est vraiment triste… Alors, le gouvernement doit chercher des lieux pour loger ceux dont il démolit les maisons et faire ce qui est normal.

Gassim Cissé

Gassim Cissé : Je suis vraiment triste, parce que nos boutiques sont concernées par ce déguerpissement. Ça a fait dix ans que j’ai fini mes études de lettres ; et, c’est grâce à ces boutiques là que j’assurais mes besoins personnels. C’est un espoir qui est brisé aujourd’hui. Et, je suis vraiment désespéré ; ça a été étonnant pour moi quand j’ai vu les gens cocher les maisons et les boutiques le mardi dans les environs de 15 heures et avec un délai de seulement 72 heures. Et, comme vous le savez, quand ta maison ou boutique est concernée pour le déguerpissement, il n y aura plus de sacrifices à faire pour échapper. La seule chose sensée qu’on puisse faire, c’est de vider le contenu. C’est pourquoi, nous mêmes avons décidé de démolir les boutiques et maisons avant qu’ils n’arrivent afin de récupérer les portes et les fenêtres dans un bon état ; sinon, on va les perdre toutes. Je demanderai au Gouvernement de vraiment penser à nous, actuellement rien ne va dans le pays. Et aujourd’hui, il y a des milliers d’étudiants diplômés sans emploi qui se débrouillent dans le négoce pour survivre, il y a aussi des pères de famille qui arrivaient à nourrir leurs familles grâce à ces boutiques. Maintenant qu’ils sont déguerpis, où ils pourront faire leur négoce ? Nous ne savons plus quoi faire, l’Etat doit savoir que nous sommes sa population.

Djibril Cissoko

Djibril Cissoko : Franchement, on a remarqué qu’il y a assez de dégâts qui sont enregistrés aujourd’hui à Dubréka. Et, vous voyez que les boutiques et les maisons des gens ont été cassées, chose qui n’est pas normale à mon avis. L’Etat devait informer un mois ou deux mois à l’avance ; et, chaque citoyen concerné allait chercher un endroit pour se réinstaller dans un délai précis ou bien construire des logements sociaux pour les accueillir une fois qu’ils quittent les lieux qui sont concernés par les opérations de déguerpissement. Même si chacun doit payer chaque fin du mois, mais à un prix abordable… Mais comme ça là, il y aura assez de chômeurs dans le pays. Les gens se nourrissent à travers leurs boutiques ; et, maintenant qu’elles sont démolies, comment ils vont vivre maintenant ? Certains n’ont même pas où aller. C’est seulement rester dans la rue, je dirai que c’est une manière de former le banditisme encore de plus dans le pays.

Alhassane Diallo

Alhassane Diallo : Nous nous trouvons dans un état de choc. Parce qu’on n’a pas été averti, c’est avant-hier (mardi 09 mars) qu’ils sont venus cocher les maisons ; et, je pensais que comme ma boutique se trouve derrière les poteaux, elle allait être épargnée. Parce qu’ils vont prendre dix mètres ; mais, malheureusement, ils ont pris plus de 15 mètres ; et, c’est ce qui fait des deux cotés 30 mètres. Donc, ils nous ont donné un délai de 72 heures pour quitter les lieux. Or, on a des marchandises dans les boutiques, des choses dans les maisons, etc. Et, voyant tout cela qu’on s’est dit qu’il faut vider les choses dans les maisons avant les 72 heures ; sinon, quand les bulldozers viendront, ils peuvent déguerpir sans que le propriétaire n’ait le temps de faire sortir ce qui lui appartient. C’est pourquoi, nous avions jugé nécessaire d’enlever ce qui nous appartient pour ne pas que les bulldozers viennent saccager les choses.

Le gouvernement doit penser à sa population et il devrait nous donner au moins un préavis de 3 mois afin qu’on puisse trouver un local où rester, nous commerçants et citoyens. Sinon, comme ça, nos marchandises risquent de pourrir puisqu’on n’a pas un endroit où s’installer à nouveau. Vraiment, nous demandons au gouvernement de penser à sa population, parce que cette situation ne fait qu’appauvrir la population et il  n y a pas de mesures d’accompagnement. Il y a certains qui sont là aujourd’hui sans espoir et qui n’ont pas où aller, ils sont désespérés. Le gouvernement doit penser à sa population, parce qu’il est sensé travailler pour cette population.

De Dubréka, Foko Millimouno pour Guineematin.com

Tél. : 620 933 446 / 666 111 726

Facebook Comments Box