Guinée/santé : le service ORL en manque de matériel et de spécialistes suffisants

Pr. Abdoulaye Keita, ORF-CCF Donka et Jean Paul II
Pr. Abdoulaye Keita, ORF-CCF Donka et Jean Paul II

Sauver des patients qui drainent des corps étrangers dans leurs voies respiratoires relève à du miracle, à cause notamment des installations obsolètes de la plupart des structures sanitaires du pays et du manque de personnel spécialisé. Toute chose qui ne facilite pas l’amélioration de la santé de la population. Le service Oto-Rhino-Laryngologie (ORL)-Chirurgie cervico-faciale (CCF) ne fait pas exception à cette triste réalité. Pour toucher du doigt, un reporter de Guineematin.com s’est rendu à l’hôpital Jean Paul II de Conakry, qui abrite le service ORL de l’hôpital national de Donka en rénovation.

Le Pr Abdoulaye Kéïta est l’un des plus grands spécialistes de la chirurgie cervico-faciale du pays. Avec six autres spécialistes de ce service à travers la Guinée, ces médecins font face au besoin croissant sanitaire en ORL et de plus en plus complexe et exigeant des 12 millions d’habitants, alors que la ratio en la matière est d’un spécialiste pour 500 mille personnes.

Mais les difficultés dans ce service ne sont pas que d’ordre personnel seulement, au vu de la vétusté des installations et du manque d’équipements.

« Le plus souvent, nous avons des difficultés liées au manque de matériel. Le bloc qui nous permet de faire face aux urgences est composé d’un appareil d’anesthésie qui n’est pas Hi-Tech, du matériel pour l’endoscopie, d’un générateur de lumière froide pour permettre l’endoscopie si non en principe, pour l’extraction d’un corps étranger, on devrait avoir le maximum d’équipements permettant de visualiser le corps étranger par une caméra avec des optiques pour pouvoir l’extraire avec des pinces adaptées », a souligné le chirurgien qui ne perd pas d’espoir avec la reconstruction de l’hôpital national de Donka.

« Nous avons beaucoup d’espoir avec la reconstruction, l’extension et l’équipement du CHU de Donka. Il y a des promesses que tous ces problèmes seront réglés par la mise en place de l’équipement adéquat et le recrutement d’un personnel conséquent pour son bon fonctionnement, en vue de réduire considérablement les évacuations », a expliqué Professeur Abdoulaye Kéïta dont le service reçoit en plus des Guinéens, des patients venant des pays comme la Sierra Léone, le Libéria et la Guinée Bissau.

Avec la précarité, les coûts de traitement dans ce service varient entre 540 mille et 4 millions de francs guinéens contre 35 millions à 50 millions de francs quand il s’agit d’une évacuation à l’étranger à Dakar ou au Maroc.

« Il faut dire que c’est quelques 10 % de la population qui bénéficient d’une couverture sanitaire en Guinée et le reste c’est à la charge des malades. Mais nous faisons beaucoup de gratuité, puisque cet établissement, Jean Paul II, est marqué par son caractère très social », a noté ce responsable de l’ORL du CHU de Donka (délocalisé à Jean Paul II).

A part l’hôpital national de Donka, seul le CHU d’Ignace Deen et les hôpitaux régionaux de Kankan et de Mamou disposent d’un service ORL. Bien entendu, ceux de l’intérieur du pays sont dépourvus de matériel pour extraire des corps étrangers même s’il y a un spécialiste dans chacun des deux hôpitaux.

« Cette situation fait que dans tout le pays, les gens qui ont des problèmes de corps étrangers dans le corps parcourent de grandes distances pour venir jusqu’à Conakry pour se faire soigner », a indiqué ce spécialiste qui lance un appel pressant à la fois aux populations, aux agents de santé et à l’Etat pour améliorer les prestations de ce service.

« Je lance un appel à la population de consulter une structure sanitaire dès la suspicion de l’inhalation ou de l’injection d’un corps étranger. A partir de là, le personnel médical pourra aussi orienter le patient vers des structures spécialisées pour la prise en charge adéquate. Et l’appel au personnel de santé, c’est de considérer la présence d’un corps étranger dans les voies respiratoires ou digestives comme étant une urgence majeure et de les orienter correctement vers les services spécialisés pour leur prise en charge. Aux autorités sanitaires, d’enseignement et politiques, c’est d’encourager la formation de base des spécialistes, créer des écoles de formation des spécialistes mais aussi assurer la continuité de cette formation », a demandé le Pr Abdoulaye Kéïta.

A l’Etat, il est judicieux, conclut-il, voire urgent d’équiper les services créés et de les étendre dans les différentes structures régionales et préfectorales du pays pour la prise en charge correct et à temps des différentes pathologies et pas seulement les corps étrangers dans les voies respiratoires.

Si cet appel du chirurgien cervico-faciale est entendu, cela pourra réduire considérablement les obstacles rencontrés par les patients pendant leurs déplacements vers la capitale mais aussi diminuer les coûts de traitement et minimiser considérablement les cas mortels rencontrés dans la prise en charge de l’extraction des corps étrangers dans les voies respiratoires inférieures.

Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél : 628 08 98 45

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