Manifestation pour la libération d’Alpha Condé : « la démocratie est prise en otage, il faut la défendre ! »

Le transfert du président Alpha Condé au domicile de son épouse, à Landréah, n’est pas suffisant pour ses partisans. Ils réclament la « libération totale » de l’ancien chef de l’Etat guinéen, renversé par un coup d’Etat militaire, le 5 septembre dernier. C’est dans ce cadre qu’une structure dénommée « Forum national pour la libération du président Alpha Condé » (FONAL PRAC) a été créée.

Celle-ci compte organiser des mobilisations le 11 décembre prochain dans les sièges du RPG Arc-en-ciel (l’ancien parti au pouvoir) dans tout le pays, pour demander aux nouvelles autorités de mettre fin à l’assignation de leur champion en résidence surveillée. Une journaliste de Guineematin.com a rencontré hier, mardi 7 décembre 2021, le président de ce forum, Ibrahima Touré, pour parler de cette activité dénommée « journée de soutien pour la libération du président Alpha Condé ».

Décryptage !

Guineematin.com : nous avons appris que vous voulez manifester pour réclamer la libération du président Alpha Condé. Pourquoi avez-vous décidé d’engager une telle démarche maintenant, alors que l’ancien de l’Etat a été transféré au domicile de son épouse, à Landréah ?

Ibrahima Touré, président du FONAL-PRAC

Ibrahima Touré : je rappelle que depuis le 5 septembre, nous sommes sur pied pour réclamer la libération du Pr Alpha Condé. Dans cette démarche, nous avons écrit aux nouvelles autorités pour leur demander de nous accorder une audience, pour que nous abordions cette question. Et nous avons écrit aux institutions internationales, telles que les représentants de l’Union européenne, de l’Union africaine, de la CEDEAO. Mais, sur toutes les lignes, nous n’avons pas eu gain de cause, puisque nous n’avons jamais eu d’audience avec ces gens-là. Donc, nous avons finalement décidé d’organiser une journée de soutien pour la libération du président Alpha Condé dans les différents sièges du RPG Arc-en-ciel sur toute l’étendue du territoire.

Guineematin.com : pour vous, le fait que le président Alpha Condé soit transféré au domicile de son épouse, ce n’est pas de la liberté ?

Ibrahima Touré : le problème n’est pas à ce niveau. Déplacer le président d’un point A à un point B, ce n’est pas ça le problème. La vérité c’est quoi ? Depuis le 5 septembre jusqu’à nos jours, ça fait trois mois et quelques jours, personne n’est rentré en contact avec le président Alpha Condé. Personne ne sait s’il vit ou pas, personne ne connaît son état de santé. Et je pense bien que si les nouvelles autorités doivent jouer à l’apaisement, ils doivent accepter quand même que quelques membres du RPG Arc-en-ciel se rencontrent avec le Pr Alpha Condé, pour s’enquérir de son état de santé, pour s’enquérir de ses nouvelles. Mais, tant que cela n’est pas fait, nous pensons vraiment que ce transfert-là est un non-événement pour nous. Parce que personne ne vous dira qu’il est rentré en contact avec le président Alpha Condé.

Guineematin.com : pourtant, dans un communiqué, le CNRD a dit que le président Alpha Condé est libre de recevoir les personnes qu’il souhaite rencontrer. C’est-à-dire que c’est à lui de décider de recevoir tel ou de ne pas recevoir tel autre.

Ibrahima Touré : mais madame, vous-même, vous pouvez constater quand vous passez devant le domicile privé de la Première dame, Hadja Djénè Kaba, le dispositif sécuritaire qui est là-bas. On ne peut même pas s’approcher de la maison, à plus forte raison aller se rencontrer avec le président de la République. Aucun protocole n’a été mis en place pour planifier ce genre d’activités. En tout cas, en ma connaissance, il n’y en a pas. Si les nouvelles autorités du pays refusent même de rencontrer la jeunesse de ce parti, comment vont-elles nous autoriser de rencontrer notre champion national, le président Alpha Condé ? Je pense bien que ce sont de simples mots, mais il y a un manque de volonté expresse de laisser le président être en contact avec sa base.

Guineematin.com : parlant de votre manifestation, avez-vous eu l’aval des responsables du RPG Arc-en-ciel pour l’organiser dans les sièges du parti à travers le pays ?

Ibrahima Touré : je pense bien qu’il faut rectifier quelque chose. Parce que d’aucuns qualifient cela de manifestation, alors que pour nous, c’est une journée de soutien pour la libération du président Alpha Condé. Ça va se passer dans les locaux de nos sièges, ce n’est pas dans les rues que nous allons manifester. Donc, ce n’est pas une manifestation mais une journée de soutien pour la libération du président Alpha Condé. Et on n’a pas cherché l’aval du bureau politique (du RPG Arc-en-ciel, ndlr). Aujourd’hui, je pense que les nouvelles autorités font de l’amalgame, en confondant l’administration du président Alpha Condé et le parti RPG. Pourtant, ce sont deux choses qu’on doit distinguer.

L’administration doit être à part, le parti doit être aussi à part. Il y a certains membres du bureau politique national du RPG Arc-en-ciel qui ont exercé des fonctions au niveau de l’administration centrale. Aujourd’hui, ils ont une pression sur ces gens-là. Et nous, nous sommes constitués en jeunes du parti,  nous demandons la libération du président Alpha Condé. Je pense bien que quand ton papa est en prison, tu n’as pas besoin de demander la permission à ton aîné pour défendre ton papa. Donc, nous avons décidé de demander la libération du président Alpha Condé. Si les membres du bureau politique national sont d’accord avec nous, peut-être qu’ils vont nous rejoindre. Et s’ils ne sont pas d’accord, ils vont rester dans leur position, et nous, nous allons mener notre combat. Je pense bien que nous, nous ne sommes pas dans l’obligation de leur demander cette autorisation.

Guineematin.com : Saloum Cissé, qui est le secrétaire général du RPG Arc-en-ciel, a réagi à l’annonce de cette nouvelle, en se montrant opposé à votre démarche. N’est-ce pas là un handicap pour la réussite de votre mobilisation ?

Ibrahima Touré : non, je ne pense pas.  Parce qu’au sein du FONAL PRAC, il y a des militants du RPG, il y a les activistes de la société  civile, il y a des gens qui ne sont pas pour le RPG, qui ne sont pas amis au Pr Alpha Condé, mais qui pensent que la démocratie est prise en otage en Guinée, qu’il faut défendre la démocratie. Donc, tous ces gens-là sont avec nous. Aujourd’hui, le combat-là ne se résume pas qu’aux RPGistes, mais c’est un combat citoyen, c’est l’ensemble des citoyens guinéens qui pensent que la démocratie est prise en otage et qu’il faut la défendre. Donc, il ne faut pas faire de l’amalgame.

Si le bureau politique national ne veut pas s’associer à cette démarche, je respecte leur conviction, mais dire que cela peut être un handicap pour notre journée de soutien par rapport à la libération du président Alpha Condé, je ne le pense pas. Parce que nos éléments sont déterminés à faire cette journée de soutien pour la libération du président Alpha Condé sur toute l’étendue du territoire et nous avons des antennes dans les 33 préfectures de la Guinée. Nous avons fait une concertation de trois jours avec eux et à l’unanimité, nous sommes tous d’accord que le samedi 11 décembre, il faut sortir massivement pour aller dans nos différents sièges pour manifester notre solidarité à l’endroit du président Alpha Condé pour sa libération.

Guineematin.com : après cette journée de soutien, si vous n’êtes toujours pas satisfait, qu’allez-vous faire pour vous faire entendre ?

Ibrahima Touré : je pense que nous serons satisfaits. Parce que le président de transition, le colonel Mamadi Doumbouya, a dit qu’il est là pour garantir le droit pour tous les citoyens et qu’il est là pour tous les citoyens, je ne pense pas qu’il va faire une différence entre les Guinéens. Et notre revendication est pour une cause très noble, donc je suis sûr qu’il va nous écouter. Parce que jusqu’à aujourd’hui, je ne suis pas totalement convaincu qu’il a reçu le courrier qu’on lui a dressé. S’il avait reçu le courrier, je suis sûr qu’il allait nous  appeler, nous recevoir pour discuter de tout ça. Puisque nous, nous pensons qu’il n’a pas reçu le courrier que nous avons déposé au secrétariat général de la présidence.

Donc, c’est une manière pour nous aujourd’hui de nous faire entendre à travers les médias et les réseaux sociaux pour que le président sache qu’il y a une jeunesse qui réclame une chose et qu’il doit écouter cette jeunesse. Donc, je ne pense pas qu’il puisse y avoir des problèmes par rapport à tout ça et nous ne souhaitons pas qu’il y en ait. Mais, je vais vous rassurer que ce ne sont que des activités planifiées et que ce n’est pas seulement le 11 décembre. Nous allons continuer jusqu’à ce que nous soyons entendus. Nous allons continuer le combat jusqu’à la libération du président Alpha Condé. Il faut que cela soit clair dans la tête de tout le monde, nous n’allons pas rester les bras croisés, nous allons nous battre jusqu’à la libération définitive du président Alpha Condé.

Entretien réalisé par Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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