Le ministre Mory Condé dénonce le côté budgétivore de la CENI : « le bâtiment qui abrite l’ancienne CENI était payé à 650 000 000 GNF par mois »

A l’occasion d’une rencontre avec les partis politiques à Conakry hier, lundi 10 janvier 2022, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation (MATD) s’est employé à révéler le côté budgétivore de la CENI (commission électorale nationale indépendante) qui a organisé la présidentielle du 18 octobre dernier. Mory Condé assure que cette institution était une saignée financière pour l’Etat, en ce sens qu’elle engloutissait des montants faramineux sur fond de surfacturation.

Selon l’actuel patron du MATD, avant l’arrivée du CNRD (la junte militaire qui évincé Alpha Condé : ndlr) au pouvoir, l’Etat guinéen déboursait 650 millions de francs guinéens par mois pour les frais de location de la CENI. Ce qui, à ses yeux, est absurde. Le ministre Mory Condé assure qu’on a simplement créé « des saignées financières au niveau de l’État pour assouvir des intérêts personnels ». Et, il révèle que les frais de location du siège du démembrement de la CENI à Dalaba s’élèvent à 76 millions de francs guinéens par mois.

Pour ce qui est de l’organisation des prochaines élections, le ministre du MATD a exprimé la volonté du gouvernement à ramener cette tâche à l’administration du territoire. Mais, pour rassurer les formations politiques de la bonne foi des autorités, Mory Condé a laissé entendre qu’il sera permis « aux politiciens d’être dans un comité de veille qui sera associé à toutes les étapes du processus ».

Guineematin.com vous propose ci-dessous l’extrait de cette allocution du ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation devant les partis politiques.

« Je pense que dans tous les pays que nous prenons aujourd’hui comme modèle, c’est le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation qui est l’organe chargé de gérer des sélections. Nous comprenons, c’est à la suite d’une crise de confiance née entre les acteurs politiques qu’on est allé vers une CENI. Mais, aujourd’hui, je pense que dans cette salle, nous sommes tous en train de chanter depuis un certain moment qu’il faut moraliser la gestion de la vie publique, il faut diminuer le train de vie l’État, il faut assumer un certain nombre de conditionnalités du citoyen guinéen. Lorsque je prends l’ancienne CENI qui était en place, ma dernière discussion avec cette CENI, l’État doit débourser encore 52 milliards pour faire face à des dépenses de fonctionnement de l’ancienne CENI. Vous remarquerez que le bâtiment simplement qui abrite l’ancienne CENI, avant le 5 septembre et avant ma nomination, était payé à 65.000 Euros, 650.000.000 francs guinéens par mois. C’était ça la mensualité. Lorsque j’ai eu le mandat par le président du CNRD de recevoir les instructions républicaines et les secrétaires généraux des départements ministériels le 7 septembre, j’ai reçu le secrétaire général de la CENI  et son DAAF. C’est là que je me suis rendu compte que l’État guinéen déboursait chaque mois 65.000 euros, soit 650.000.000 de nos francs comme coût mensuel de location. Ce bâtiment appartient à qui ? A des Guinéens comme vous et moi ; mais qui, nous savons quand-même, ont occupé des hautes fonctions au sein de l’administration publique. Donc, quelque part, on crée des saignées financières au niveau de l’État pour assouvir des intérêts personnels. Je pense qu’avec 650.000.000 de francs guinéens chaque mois, ça peut nous permettre de construire un centre de santé amélioré au moins dans une collectivité en Guinée.

Lorsque j’ai demandé à Monsieur le président du CNRD et aux membres du CNRD de me permettre de résilier le contrat de location du local de la CENI, deux jours après, j’ai reçu en notification que le bailleur du local en question était prêt à ramener à 40.000 dollars, donc 400.000.000 de francs guinéens. C’est-à-dire qu’entre le 5 septembre et le 10 septembre, on a obtenu un rabais de 250.000.000 de francs guinéens, comme par magie. Lorsque le président de la République a pris le décret me nommant ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, j’ai encore interpellé le secrétaire général de la CENI et son DAAF autour de la question. Cette fois-ci, le coût de location est revenu à 250.000.000 de francs guinéens. Donc, entre le septembre et le 30 décembre, nous sommes quittés de 650.000.000 à 250.000.000 comme frais de location.

L’orque je prends la question liée aux imprimés lors des élections, vous remarquerez qu’il y a plus de 11 sociétés qui ont eu les mêmes contrats pour faire le même travail dans les mêmes localités pour la même CENI. Et, la facture la plus petite de ces contrats, c’est 1,6 millions de dollars. Et, ça, je l’ai reçu à trois jours du DHL. Une compagnie chinoise a posté pour réclamer son argent.

Lorsque vous prenez le coût de location des démembrements de la CENI, on a 33 démembrements de la CENI dans les 33 préfectures et dans les 5 communes de Conakry. Pour nous, en termes de loyer, la ville la plus chère c’est la région de Kankan et la commune urbaine de Siguiri où on peut trouver une villa dont le coût de location peut atteindre 6.000.000 de francs guinéens. Mais, vous remarquerez que le contrat de location du siège de la CENI à Dalaba, où les coûts de location sont presque vraiment un cadeau, le coût mensuel est de 76.000.000 de francs guinéens. C’est des exemples parmi tant d’autres.

L’autre chose par rapport au personnel de la CENI. La CENI nous a présenté 900 et quelques personnes, si j’ai bonne mémoire. Mais, vous remarquerez que les cadres de la CENI qui se font appeler des techniciens sont tous les fonctionnaires du MATD. Ils sont tous payés sur le fichier de la fonction publique. Au même moment, ils sont tous encore des contractuels au niveau du ministère du budget. Je pense que dans cette salle ici, les politiques que vous êtes, vous aviez rappelé tout à l’heure notre rôle pendant cette Transition qui est d’organiser des élections juste, équitable, libre, transparente et vous passer le pouvoir. Mais, je ne pense pas que dans cette salle que quelqu’un puisse souhaiter hériter et gérer ces situations que nous sommes en train de gérer aujourd’hui. Donc, pour toutes ces raisons et en prenant l’historique des processus électorales en Afrique, le CNRD et le gouvernement se sont dit qu’il faudrait ramener l’organisation des élections dans la maison mère et permettre aux politiciens d’être dans un comité de veille qui sera associé à toutes les étapes du processus électoral comme s’ils avaient leurs commissaires à la CENI. Donc, il fallait répondre à cette question ».

Propos recueillis et décryptés par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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