Hausse des cas de viols en Guinée : voici la solution, selon le Prof. Bano Barry (entretien)

Pr. Alpha Amadou Bano Barry, ancien ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation

En Guinée, le viol est un crime qui est puni jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle s’il n’a pas entrainé la mort de la victime (comme le dispose l’article 268 du code pénal) ; et, de la réclusion criminelle à perpétuité « lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie » ou « lorsqu’il a entrainé la mort de la victime (comme le dispose l’article 269 du code pénal) ». Mais, en dépit de cette législation en vigueur dans le pays, les cas de viol foisonnent sur le territoire national. En zone urbaine, tout comme en zone rurale, des cas d’abus sexuels sont signalés au quotidien.

Dans les statistiques nationales sur les violences basées sur le genre, les cas de viol occupent la tête et gardent une tendance haussière depuis quelques années. Et, les chiffres font froid aux yeux. Pour la seule année 2021, « les statistiques cumulées de l’OPROGEM, de la BSPPV, du service de médecine légal (…) font état de mille cas de viol » dans le pays. Ce qui amène certaines ONGs de défense de droits humains à s’interroger sérieusement sur ce phénomène qui se généralise et cause d’énormes préjudices dans la société guinéenne.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, mardi 24 mai 2022, Professeur Alpha Amadou Bano Barry, sociologue et ancien ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, s’est prononcé sur ces abus sexuels devenus de plus en plus inquiétants.

Tout d’abord, il s’est évertué à catégoriser les viols. Et, à ce niveau, il fait observer qu’il existe deux types de viol. « Il y a le viol qui se fait à l’intérieur des foyers (en famille) et le viol qui se fait à l’extérieur des ménages (dans les rues, les motels, les restaurants, les night-clubs, sur la route du marigot, le long des rails, en bordure de mer…) », a dit Pr Bano Barry.

Selon ce sociologue, dans ces deux types de viol, les prédateurs ne sont pas forcément de la même catégorie de personnes. Ceux du premier type de viol sont souvent des parents ou des proches de la victime, alors ceux du deuxième type sont de véritables prédateurs qui attendent leurs victimes à des endroits précis. Mais, dans une certaines mesures, les violeurs à l’intérieur des foyers se retrouvent à l’extérieur.

« Quand on prend les viols, ceux qui sont moins comptabilisés et peu connus de la population, ce sont les viols qui se font à l’intérieur des domiciles. Dans ce type de viol, le violeur est souvent quelqu’un qui est apparenté à la victime. Comme tous les prédateurs, c’est quelqu’un qui guette, qui établit une relation d’autorité et de confiance avec la future victime avant de passer à l’acte.

La deuxième catégorie, celle qui est médiatisée et connue par le plus grand nombre de personnes, c’est celle qui se passe à la sortie d’un bar, d’un restaurant, le long des chemins de fer. Habituellement, le violeur et la personne violée ne sont pas en relation de connaissance. C’est un guetteur (le violeur) qui tombe sur une proie (la victime) et qui essaie d’assouvir son appétit sexuel. Dans cette catégorie, les violeurs sont souvent des gens qui ont consommé de la drogue ou de l’alcool. Mais, il peut arriver aussi qu’ils n’aient consommé absolument rien. C’est quelqu’un qui ne trouve du plaisir sexuel que dans une situation de viol. Et donc, c’est quelqu’un qui a besoin d’une thérapie psychologique pour guérir. Et, souvent, ces gens sont des violeurs à l’intérieur des foyers. Mais, lorsqu’ils ne gagnent pas à l’intérieur des foyers, ils cherchent, comme un chasseur, ils guettent les filles à des endroits bien précis pour passer à l’acte », a indiqué Pr Bano Barry.

Seulement, pour cet ancien ministre de la République, tous les prédateurs sexuels ne sont pas sondables à la première vue. Car, tous ne sont pas des alcooliques ou des drogués face auxquels on peut facilement nourrir un sentiment méfiance.

« Il y a des prédateurs sexuels qui sont comme vous et moi, des gens qu’on rencontre dans la rue bien habillés et qui sont respectables. Donc, il est plus facile de déterminer les mécanismes de la prédation sexuelle et des moyens de la prévention de la prédation sexuelle que de dire qu’on peut psychologiquement trouver quelqu’un dans sa tête et dire qu’il peut avoir tel ou tel caractéristique. Ce n’est pas possible », assure-t-il.

Cependant, sur la prédation sexuelle, Pr Alpha Amadou Bano Barry enseigne certains comportements qui peuvent prévenir sur la prédisposition d’un violeur de commettre un acte viol.

« Lorsque dans une famille vous constatez que ce soit le père de famille ou quelqu’un qui vit dans la maison ou bien un autre garçon ou un ami aux parents vient toujours à domicile après le départ de madame, qu’il entretient des relations de complicité avec les filles, il entre régulièrement dans leur chambre pour une raison ou une autre, lorsqu’elles viennent laver les habits ou faire la cuisine il est à côté, si vous êtes un père de famille, chassez-le. Parce qu’il est en train de créer une relation de proximité qui va lui permettre après de passer à l’acte de viol… Lorsqu’un enseignant demande toujours à une fille ou à des filles d’aller nettoyer sa maison ou de lui amener de l’eau parce qu’il est célibataire, ou de la punir seule pour nettoyer la salle de classe après le départ des autres, tous ces comportements sont des comportements qui prédisposent les gens à passer à l’acte. C’est-à-dire qu’ils sont en train de préparer l’environnement qui va leur permettre de passer au viol. Idéalement, il faut faire un travail sur ça, le diffuser largement ; et, naturellement, avoir des sanctions qui soient suffisamment dissuasives pour amener les gens à se retenir, à ne pas passer à l’acte », explique Pr Bano Barry, tout en précisant que « si les mesures prises pour sanctionner les prédateurs sexuels étaient suffisamment dissuasives, probablement on n’aurait pas autant de cas de viol » dans notre pays.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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