Libre Opinion : une justice doit être forte par sa justesse

Habib Yembering Diallo

A observer ce qui se passe en Guinée ces derniers temps, on se rend compte que le pays a perdu beaucoup d’acquis de ces dernières années. Désormais, pour un oui ou pour un non, un citoyen peut faire l’objet d’interpellation voire de condamnation. Comme ce fut le récent cas de M. Aboubacar Soumah, ancien maire de Dixinn et président du parti GDE. Pour une simple altercation avec un journaliste M. Soumah a fait l’objet d’arrestation et de jugement.

Et le cas plus récent est celui d’Abdoulaye Sow, secrétaire général de la FESABAG. Ce sont deux mots qui auraient conduit M. Sow à la Maison centrale : « Magistrat véreux ». Avec l’adjectif véreux, la justice guinéenne estime que M. Sow s’est rendu coupable d’outrage à magistrat.

S’il est vrai qu’aucun citoyen n’a le droit de discréditer la justice, il est tout aussi vrai que seule cette dernière est capable de se crédibiliser ou se discréditer. Ce sont ses décisions rendues qui l’honorent ou la déshonorent. Comme dit le dicton, il faut bien faire et laisser dire. Lorsqu’un juge a la conviction d’avoir dit le droit, les gesticulations d’un homme ne devraient en aucun cas l’ébranler.

Ainsi, la justice guinéenne doit reconquérir ses lettres de noblesse non pas par des arrestations en cascade mais par des décisions justes, impartiales et transparentes. En outre, elle doit tout mettre en œuvre pour concilier le respect de la loi et la liberté d’expression. Ou la liberté tout courte.

Comment peut-on comprendre et expliquer qu’un citoyen fasse l’objet d’arrestation pour des simples propos pendant que ceux qui ont tiré à bout portant sur des manifestants se promènent librement dans le pays ? Comment justifier que la justice n’ait pas levé un petit doit pour dénoncer la démolition de la maison d’un citoyen alors qu’elle avait été saisie par les deux parties en conflit ? Le plus fort n’a pas attendu qu’elle se prononce pour se rendre justice ? Voilà autant d’interrogations auxquelles notre justice devrait répondre.

L’arrestation de trois activistes de la société avait récemment entrainé des manifestations dans les rues de la capitale. Les autorités ont réalisé les enjeux, voire les dangers de cette arrestation pour le moins musclée. La suite, on la connait. La poire avait été coupée en deux. Avec d’un côté la libération pure et simple de trois bagnards et de l’autre la nomination au poste de ministre de la justice de celui qui avait ordonné leur arrestation.

La dernière arrestation, quant à elle, n’a suscité aucune manifestation de rue. Mais, elle entraine d’autres conséquences plus graves. La fermeture des banques cause un préjudice à l’ensemble du pays. Les activités économiques sont aujourd’hui à l’arrêt.

Dans le contexte actuel, où le pouvoir souffre déjà d’un manque de légitimité, on devrait plutôt l’aider à mettre les citoyens, les investisseurs et les partenaires du pays en confiance. Le moment n’est pas opportun pour montrer les muscles.

A sa prise du pouvoir, le CNRD a dénoncé l’instrumentalisation de la justice par le régime qu’il a renversé. Certes l’ancien régime avait rempli les prisons. C’est indéniable. Mais, il ne faisait pas arrêter n’importe qui et pour n’importe quel motif. Sinon, le syndicaliste Aboubacar Soumah ne serait jamais libre durant le règne du RPG arc-en-ciel. Alpha Condé savait faire la différence. Ce qui n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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