Prêt de 230 millions d’euros à la Guinée : « Palumbo n’a pas de compte et est inscrit comme société dormante »

Mamadou Baadiko Bah, président du parti Union des Forces Démocratiques (UDF)
Mamadou Baadiko Bah, président du parti Union des Forces Démocratiques (UDF)

Les députés guinéens ont approuvé le vendredi, 5 juin 2020, la loi d’autorisation de ratification de la convention portant sur un prêt de 230 millions d’Euros auprès de la société britannique PALUMBO GROUP LTD. Ce prêt est destiné à la construction d’infrastructures au compte du ministère de l’enseignement technique dans les huit régions administratives du pays.

Interrogé à ce sujet par un reporter de Guineematin.com, Mamadou Baadiko Bah, président du parti Union des Forces Démocratiques (UDF), a dénoncé ce vote et pense que les conséquences seront énormes pour notre pays.

Guineematin.com : a l’occasion d’une plénière tenue le 05 juin, les députés ont approuvé la loi d’autorisation de ratification d’un prêt de 230 millions d’Euros à la Guinée pour le financement des projets de construction d’écoles professionnelles. Au terme des débats, vous avez voté contre. Quelles en sont les raison ?

Mamadou Baadiko Bah : notre position, c’est d’abord l’analyse des textes que nous avons reçus à propos de cet énorme emprunt qui fait quand-même l’équivalent de près de la moitié du budget annuel de la Guinée. Un endettement sur 30 ans, alors que vous savez que l’endettement de notre pays commence à inquiéter, à s’alourdir. Donc, on a examiné le document reçu.

La première chose qu’on a relevée, c’est qu’il n’y a aucune étude de faisabilité disant exactement comment on va dépenser cet argent, quels sont les différents postes de dépenses et en même temps, comment faire cette réalisation dans ce budget.

Comment a-t-on trouvé qu’on a besoin d’un budget de 230 millions d’euros ? Et donc, connaissant notre pays, on s’est inquiété de ça. Ensuite, il y avait très peu de détails sur la façon dont les choses allaient se passer. On dit qu’on va mettre des écoles professionnelles partout, dans les 8 régions administratives, après on va même en construire dans les sous-préfectures. Mais on s’est dit, connaissant notre pays, qu’il y a quand-même des précédents. Il y a beaucoup de choses qui sont dites depuis 10 ans que le Président Alpha Condé est là par rapport aux écoles professionnelles. On dit que c’est l’enseignement qui manque, alors que les stratégies de développement aussi manquent.

Le ministre Albert Damantang Camara s’est attelé à ça jusqu’au moment où il est parti, on s’est rendu compte que rien n’a été fait. Les choses n’ont pas bougé, il y a eu énormément de projets là-dedans. Il y a quand-même un problème, pourquoi lui il n’a pas réussi ?

Nous avons vu que les écoles professionnelles qui existent sont dans un état de délabrement total, le centre qui est le plus connu à Donka traîne avec des outils complètement obsolètes depuis plus de 60 ans, les matériels pédagogiques, les machines avec un personnel qui n’est pas tout à fait bien formé. En plus du problème fondamental qui est le mépris de l’enseignement technique et professionnel par les jeunes, la qualité de l’enseignement élémentaire est complètement foutu et des collègues ont indiqué par ailleurs qu’il y a eu des tentatives d’installer des écoles professionnelles à N’zérékoré mais tout est resté en chantier et ça n’avance pas.

Donc, il y a un travail de fond qu’il faut préalablement faire pour réaliser de tels projets. Avec la gouvernance du président Alpha Condé, tout est des projets coûteux avec de l’argent emprunté. On pose la première pierre et puis ça n’aboutit jamais et à la fin, tout l’argent est parti sans que rien ne soit fait. Alors on s’est dit pourquoi ce projet là ? Parce que là aussi, ce sont nos enfants et nos petits enfants qui vont rembourser.

Guineematin.com: a part tout ce que vous venez d’énumérer comme problèmes sur le terrain, qu’avez-vous décelé comme inquiétudes dans cette convention ?

Mamadou Baadiko Bah : au delà des problèmes que je viens de citer, je dis, on s’est interrogé sur les études de faisabilité et sur la transparence de l’utilisation des fonds. On a dit, qui est en train de vouloir prêter 230 millions d’euros au gouvernement guinéen ? Et, qu’est-ce qu’on découvre, c’est une société fondée à deux ans seulement, donc qui n’a aucun passé… C’est une société qui est fondée en Italie, qui a un droit Anglais et qui est une coquille totalement vide, qui n’a pas de capital, qui n’a pas de compte de banque, qui n’a pas de bilan et qui est inscrite en Angleterre comme société dormante. C’est elle qui va piloter tout ça, alors qu’on ne connait pas ses compétences, ses références et autres. Donc, c’est une coquille vide qui a été fabriquée pour les besoins de la cause. Ça a encouragé notre suspicion. Ils ont dit que l’aspect financier, il y a des frais ingérés par une petite société que nous avons identifiée en Suisse qui n’a que 50 mille francs comme capital. Une petite société qui ne gère absolument rien. Une société de conseil qui n’a aucune habilité, qui n’a aucun moyen d’action et on s’est dit comment est-ce que c’est possible que des coquilles vides comme celles-là, insignifiantes, peuvent mobiliser 230 millions d’euros pour le gouvernement guinéen. Donc, on a la grosse suspicion que c’est une gosse arnaque qui est en route, qui va bénéficier à ces intermédiaires avec certainement des personnalités guinéennes dans le cadre de la corruption et de l’enrichissement illicite que nous avons toujours dénoncés dans ce régime. Et si cela reste, les accords vont être signés, l’argent va être mis au compte de la Guinée et puis enfin sur le terrain, il n’y a rien.

Guineematin.com: est-ce qu’en dehors des infrastructures d’autres bénéfices sont prévus dans cette convention pour la Guinée ?

Mamadou Baadiko Bah : dans le document que nous avons, on dit pompeusement que la Guinée bénéficie même d’un don de 36% sur les 230 millions à travers ce prêt-là, alors que ce n’est pas un État, c’est des privés qui n’ont pas de capital et qui ne sont que des coquilles vides. Comment ceux-ci peuvent offrir de l’argent au gouvernement guinéen ? C’est des suspects, surtout avec un taux d’intérêt tellement bas qu’il ne correspond pas aux standards mondiaux actuellement. Des dettes de 30 ans comme ça, c’est une opération hautement suspecte qu’on est en train maintenant de construire à la hâte et à la sauvette. Donc, on s’y est opposé. Maintenant, ce qui est plus important, il y a d’autres collègues aussi ont relevé les mêmes inquiétudes.

Guineematin.com: maintenant que cette loi est votée, à quoi peut-on s’attendre désormais si elle arrivait à être promulguée par le président d’Alpha Condé ?

Mamadou Baadiko Bah : après le vote de cette loi autorisant la ratification de ce prêt, le président de l’Assemblée nationale a récemment dit qu’il partageait les inquiétudes que mes collègues et moi avons relevées par rapport aux zones d’ombre et incohérences constatées dans cette convention de prêt. C’est ce qui amène à dire que devant le tôlé qui a été suscité par cette opération douteuse, que le président de la République va comprendre les problèmes soulevés et ne va pas promulguer la loi autorisant la ratification de prêt. On espère qu’il sera sensible à toutes les preuves irréfutables qu’on lui a apportées.

Propos recueillis par Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622 91 92 25

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