Pourquoi et comment faire un certificat de décès ? Aliou Souaré à Guineematin

Le certificat de décès, document légal attestant de la mort d’une personne, est très peu connu en Guinée. A Ratoma, la deuxième plus grande commune de Conakry, ce sont seulement 65 décès qui ont été déclarés à la mairie en 2019. C’est monsieur Aliou Souaré, chef-service adjoint de l’État civil de cette commune, qui l’a annoncé au cours d’un entretien qu’il a accordé à Guineematin. Il a évoqué également l’importance de ce document et la procédure à suivre pour l’obtenir.

 

Guineematin.com : est-ce que tout citoyen qui en fait la demande peut se faire délivrer un certificat de décès pour un parent décédé ?

Aliou Souaré, Chef-service adjoint de l’État Civil de la commune de Ratoma

Aliou Souaré : je serais ravi de débattre de ce sujet, étant entendu qu’il marque la fin de la vie d’un être sur terre, constatée par un agent assermenté ou par des voisins mêmes. Cependant, sa délivrance pose beaucoup de problèmes parce que derrière le décès, se cachent beaucoup de choses. Il y a des problèmes d’héritage, des problèmes de dettes, toute une panoplie de problèmes, de conflits. Parce que l’homme avait des affaires, il gérait des affaires. Pour essayer de mettre ça à jour, il faut un système que la loi a prévu pour marquer que cette personne a existé et elle est partie. Pour répondre maintenant à votre question, ce n’est pas n’importe qui vient déclarer un décès. Pour nous, c’est le père, c’est le fils, c’est la femme ou c’est un voisin très proche du défunt. C’est eux qui conduisent.

 

Guineematin.com : quelle est la procédure qu’il faut pour la délivrance de ce certificat ?

Aliou Souaré : à l’État civil, pour avoir un extrait de décès, il faut qu’on ait un papier de l’hôpital, un papier qui constate effectivement que cette personne est décédée. Au vue de ce papier seulement et dans un délai raisonnable qui est actuellement de deux mois. A l’État civil ici, on l’enregistre dans un registre de décès. C’est vrai qu’on ne meurt pas seulement à l’hôpital, c’est pourquoi il est prévu au moins une attestation venue du quartier, signée des autorités locales, pour dire que cette personne est décédée. On archive ces papiers pour que s’il y a revendication un jour, qu’on trouve des traces. Le certificat, c’est nous qui le délivrons mais la déclaration, c’est l’hôpital qui le délivre.

 

Guineematin.com : combien cela coûte et combien de temps faut-il à l’Etat civil pour émettre ce document ?

Aliou Souaré : pour émettre ce document, on demande juste 5000 francs guinéens. Et, après demande, on le délivre dans un délai qui va de deux à quatre jours.

 

Guineematin.com : combien de certificats de décès ont été émis par votre service en 2019 ?

Aliou Souaré : en 2019, il n’y a eu que 65 déclarations enregistrées ici. Mais il y en a d’autres qui sont faits au tribunal. Parce que dès que le délai de deux mois après le décès expire, il faudra maintenant aller au tribunal. La commune n’est plus compétente. Donc, la personne va au tribunal, on lui délivre un jugement de décès là-bas qu’elle vient transcrire ici. Là aussi, nous étions aux alentours de 100 jugements transcrits. Soit au total, 165 décès enregistrés dans notre commune en 2019, c’est-à-dire transcriptions et les déclarations directes de décès confondus.

 

Guineematin.com : qu’est-ce qui explique le désintérêt des citoyens pour un tel document en Guinée ?

Aliou Souaré : le citoyen guinéen, c’est lorsqu’il a un problème de papier qu’il se lève pour le chercher. Les gens ne connaissent pas l’importance de ces documents sauf s’ils des problèmes ou des besoins administratifs. Généralement, si quelqu’un meurt, s’il n’est pas fonctionnaire et n’a pas un bien à hériter, c’est fini. Cela ne dépend pas de nous. Pourtant, c’est quelque chose qui est très important, parce que ça aurait pu permettre d’avoir des statistiques et de savoir les causes des morts des gens. Si l’Etat sait quelles sont les plus grandes causes de mortalité, ça l’aiderait à définir une meilleure politique nationale de santé pour réduire le taux de mortabilité.

 

Guineematin.com : y a-t-il des faux certificats de décès comme c’est le cas des certificats de naissance ?

Aliou Souaré : on en rencontre très rarement parce que leur degré d’utilité est très réduit. C’est souvent des gens qui sont à l’extérieur ou qui ont une pension qui en ont besoin. Ce sont eux qui ont beaucoup plus besoin des certificats de décès, contrairement aux certificats de naissance, dont le champ d’application est plus vaste. Personnellement, je n’ai pas rencontré de faux certificat de décès. Par contre, pour les naissances, je peux rencontrer au moins deux ou trois par jour.

 

Guineematin.com : comment mettre fin à ces pratiques ?

Aliou Souaré : votre présence ici est un facteur qui contribue à mettre fin à ces pratiques. Puisque si vous médias, nous Etat civil, les sages et les organisations sociales à tous les niveaux s’impliquent, on peut réussir à conscientiser la population. On va dire si quelqu’un meurt ou nait, prenez un papier. Sinon, si un élément disparaît sur l’arbre généalogique de la famille, on ne va pas comprendre qu’à un moment donné, tel est né ou décédé à telle période. Soyons un peu civilisés pour que chaque action soit matérialisée sur un document reconnu par la loi. Donc, nous devons sensibiliser la population à venir prendre tout acte leur concernant. Que ça soit les actes de naissance, de mariage ou de décès et tout autre document utile pour que notre pays soit un pays moderne.

Entretien réalisé par Mohamed DORE pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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