C’est par une lettre ouverte que Thierno Fatoumata SOW interpelle à la fois le président de la Transition et la ministre de la justice. Se considérant comme étant « une citoyenne meurtrie et violée dans l’âme », elle a rappelé les propos tenus par le Professeur Hassan Bah lors d’une activité organisée récemment par l’UNFPA. Face au panel d’invité, le médecin légiste aurait fait des révélations effroyables : « sur 100 cas de viols, les 70% sont sur les mineurs de moins de 12 ans », rapporte la guinéenne, non sans s’exclamer : « l’heure est grave » et d’enchaîner avec une citation de l’UNFPA : « Le silence et l’indifférence nourrissent la violence basée sur le genre et font de nombreuses victimes ».
Guineematin.com vous propose, ci-dessous, cette lettre de Thierno Fatoumata SOW, dite Fatou LaGuineenne
Monsieur le Président, Mme la Ministre de la Justice,
Depuis le 05 Septembre 2021, un nouveau vent souffle et une nouvelle ère porteuse d’espoir et de rassemblement s’annonce pour notre chère Guinée, grâce aux risques que vous avez bien voulu prendre même aux prix de votre vie. Mais, DIEU merci, tout s’est passé comme sur des roulettes avec l’accompagnement et la bénédiction du peuple souverain de Guinée. Et jusque-là tous vos actes sont hautement salués et applaudis par tous les fils et filles du pays. Soyez-en remercié ! Et, juste après quelques heures de votre prise du pouvoir, le premier ouf du soulagement a été celui de la diminution du prix du carburant qui nous avait tant étouffé, l’ouverture de nos frontières, pour ne citer que ceux-là. La Guinée vous dit grand merci !
Monsieur le Président, Mme la Ministre de la Justice,
Inutile de vous rappeler votre noble credo qui est celui de la justice dont vous prônez la vertu, afin que cette justice vous serve de boussole. Mais qu’en est-il réellement de l’applicabilité sur le terrain, particulièrement sur cette épidémie de viols ? Avez-vous une idée sur le nombre de prépubères violées par jour depuis juste l’acte criminel qu’a subi notre sœur M’Mah Sylla et qui a indigné le monde entier ? Au moment où je vous écrivais ce 3 décembre 2021, voici le nombre de viols enregistrés en ma connaissance : 4 cas comme suit :
- Le 26 Novembre, une fillette de 3 ans, violée, puis tuée et abandonnée dans un quartier (Djayabhé) de la commune urbaine de Labé ; donc, une autre M’Mah Sylla dans le même mois ;
- Le 27 novembre, une fillette de 13 ans dans la sous-préfecture de Sannou/Labé ;
- Le 28 Novembre, une fillette de 8 ans échappe de justesse à Labé ;
- Mercredi 01 Décembre, une autre écolière de 5 ans à son retour de l’école à Labé. Le même jour, une autre de 12 ans succombe à l’hôpital préfectoral de Siguiri ; donc, une 3ème M’Mah Sylla… Vous ne trouvez pas cela de trop ? Vous pouvez vérifier tous ces cas dans les différents médias de la place.
Et, depuis, c’est devenu tellement viral, de telle sorte que tous les jours nous nous réveillons avec des nouveaux cas. Et le pire date de la semaine passée, dans un lieu de culte, dans le quartier Yimbaya, commune urbaine de Matoto pour être précis. Et, je suis sûre qu’au moment où je suis en train de vous écrire, il y a une multitude de cas dans un coin de ma Guinée qui, malheureusement, ne seront peut-être pas dénoncés ou tout simplement seront étouffés sous l’effet de l’impunité ou tout simplement des considérations sociales. Dommage !
Monsieur le Président, Mme la Ministre de la Justice,
Face à ces interminables actes de cruautés dont la quasi-totalité reste impunie, je souhaiterais une fois de plus et humblement attirer votre attention sur ces intolérables crimes qui nous touchent à plus d’un titre. Le 25 Novembre dernier, j’ai eu le privilège d’assister au lancement des 16 jours d’activismes financés par un partenaire de taille, UNFPA, à l’hôtel Riviera de Conakry, et qui a enregistré d’importantes personnalités du pays dont entre autres des anciens ministres, des représentants des missions diplomatiques, des institutions, des activistes, etc. Et sur le panel des intervenants, il y avait notre médecin légiste, le Pr Hassan Bah, qui a égrené des cas qui font vraiment froid au dos : « sur 100 cas de viols, les 70% sont sur les mineurs de moins de 12 ans. Et, j’ai vraiment honte de parler des statistiques lors de nos différentes rencontres régionales ; car, le cas de la Guinée est vraiment très inquiétant ». Cela prouve à suffisance que l’heure est grave et le temps est extrêmement critique.
Monsieur le Président, Mme la Ministre de la Justice,
Savez-vous que devenir fille ou femme est une véritable trouille pour nos parents de nos jours ? Existerait-t-il une loi des droits de l’homme qui protègerait mieux les bourreaux que les victimes ? Je ne crois pas et je pense qu’il est temps d’arrêter de juger les victimes et punir les coupables à la hauteur de leur forfaiture. C’est assez de se réveiller chaque jour ou seconde avec une nouvelle indignation qui presque n’aboutit à rien ; et, on passe rapidement à autre chose. Donc, aux victimes de faire avec et comme elles peuvent. Triste !
Nous, femmes de Guinée, sommes épuisées, meurtries, touchées au plus profond de notre dignité devant le silence ‘’coupable’’ de nos autorités dont nous fondons toujours et encore UN GRAND ESPOIR. Sur ce, nous vous demandons très respectueusement de revoir nos lois et de prendre des décisions plus fortes et courageuses pour enfin finir avec et pour une fois pour toute.
Aucun comportement ne justifie cette recrudescence de viols !
Enfin, Monsieur le Président, Mme la ministre de la Justice, j’ose espérer que ceci pourrait suffisamment toucher votre sensibilité afin de nous venir au secours ; car, pour l’heure, on ne sait plus à quel saint se vouer. Pour le moment, nous sommes juste égarées et assoiffées de JUSTICE !
Je terminerai par cette belle citation toujours de l’UNFPA : « Le silence et l’indifférence nourrissent la violence basée sur le genre et font de nombreuses victimes ».
Alors, ne perdons pas notre HUMANITE !
Tout en vous souhaitant bonne réception, recevez mes respectueuses salutations.
Thierno Fatoumata SOW
Une citoyenne meurtrie et violée dans l’âme
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