La semaine écoulée aura été particulièrement palpitante. Elle devient un nouveau repère. Celui qui a marqué la fin de l’état de grâce. Notamment entre l’axe de la démocratie et le nouvel homme fort de la Guinée. Car si, par le passé, il y avait eu des manifestations, celles-ci étaient d’ordre social. Comme l’augmentation du prix du carburant. C’est pour la toute première fois que le colonel Mamadi Doumbouya est confronté à une situation peu enviable que tous ses prédécesseurs, à l’exception de Sékou Touré, ont connue.
Quand, le 5 septembre 2021, le chef des forces spéciales s’empare du pouvoir, il ne va ni à Kaloum, ni à la casse (à Matam) encore moins à Matoto. Il se dirige droit vers la zone martyre pour s’offrir un bain de foule. Mais aussi pour obtenir le soutien de l’axe. Sachant que celui qui obtient ce soutien peut dormir tranquillement. Depuis, les jeunes observaient les faits et gestes du colonel.
La goutte d’eau qui aura fait déborder le vase aura été l’arrestation des trois activités du FNDC. Et, particulièrement la façon dont ils ont été arrêtés. Trainés au sol et brutalisés devant les caméras des médias invités à une conférence de presse au siège du Front anti troisième mandat d’Alpha Condé, ces responsables du FNDC ne savaient certainement pas qu’ils obtiendraient un soutien aussi précieux que la paralysie de l’axe. Ce fut pour eux un cadeau inespéré mais déterminant. Ces trois jours de manifestations furent aussi un démenti cinglant des allégations selon lesquelles le fameux axe a été pacifié grâce à la sensibilisation. Une prétendue sensibilisation qui n’avait d’autre objectif que de se remplir les poches ou décrocher des postes de responsabilité pour mieux se servir.
Dans tous les cas, l’opinion publique se rend bien compte que l’axe de la démocratie reste et demeure le fer de lance de la contestation politique et sociale de la Guinée. Pour ces jeunes, peu importe le régime en place ou la victime de ce régime, ils ne défendent pas un homme ou une région. Ils défendent des principes.
Ce n’est pas par hasard qu’un certain Alpha Condé, alors bête noire du régime, avait choisi Hamdallaye, point névralgique de l’axe, comme siège de son parti. Il aura fallu qu’il soit président, ayant donc tous les pouvoirs entre ses mains et le divorce avec l’axe, pour aller construire son nouveau siège ailleurs : Gbessia.
Alors que l’axe était en ébullition après la nomination d’Eugène Camara au poste de Premier ministre suite à la grève de janvier et février 2007, lorsque ce dernier fut remplacé par Lansana Kouyaté, la donne changea. Les jeunes accueillirent cette nomination avec une grande ferveur populaire. Parce que, pour eux, si Eugène Camara symbolisait le système Conté, Lansana Kouyaté, lui, incarnait la rupture.
Plus tard, le nouveau Premier ministre apprendra à ses dépens que ce n’était pas la personne de Lansana Conté qui était contestée. Mais, l’inertie et l’immobilisme du régime. Si bien que, quand le premier Lansana limogea le second, l’axe a gardé un silence de cimetière. Déçu qu’il était par le bilan du Premier ministre imposé par la rue.
Pour revenir à l’actualité, les nouvelles autorités ont testé la réaction et la détermination de l’axe. Lequel a annoncé les couleurs. Désormais, la balle est entre les mains de la junte militaire. Laquelle se rende compte que toute tentative de remettre en cause le contrat social avec le peuple entrainera une réaction comme celle à laquelle on vient d’assister. Pour les nouveaux thuriféraires, qui disent au colonel Doumbouya aujourd’hui ce qu’ils disaient au professeur Alpha Condé hier, il faut tout remettre en cause. Mais, la seule issue pacifique demeure le respect des engagements pris le 5 septembre 2021. Tout le reste périlleux.
Malheureusement, la nomination voire la consécration de celui par les agissements duquel les dernières manifestations sont survenues n’augure rien de positif. Si un simple procureur général donnait du grain à moudre à tous ceux qui ne regardent pas dans la même direction que ses patrons, quand il devient ministre – et de surcroit de la justice- il faut s’attendre à ce que les opposants au nouveau régime se succèdent dans les tribunaux et à la Maison centrale. Comme du temps du professeur-président, la police et la justice ne chômeront plus.
Même si, paradoxalement, l’homme n’est jamais aussi faible que quand il se sent fort. Ayant atteint le sommet, il devient plus que jamais vulnérable. D’autant plus que la rue en général et le fameux axe en particulier -pour revenir à lui- sont confortés par le vieil adage populaire selon lequel une petite bagarre est toujours mieux que la résignation.
Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com