Résultats catastrophiques des examens nationaux : Pépé Balamou du SNE demande l’invalidation de l’année scolaire

Michel Pépé Balamou, Secrétaire général du syndicat national de l'éducation

En Guinée, les résultats des examens nationaux session 2022 sont désormais tous connus. Et, ils ne sont pas du goût de la majorité de l’opinion publique et des acteurs de l’éducation, d’autant plus que le taux d’échec est sans précédent. Il se situe à plus de 80% pour tous les examens au niveau de l’enseignement pré-universitaire.

Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Michel Pépé Balamou, le secrétaire général du syndicat national de l’éducation (SNE), a dénoncé une « honte nationale » qui prouve que « l’école de la République est en train de mourir ». Il assure que ces résultats révèlent qu’on est dans une logique de « privatisation à outrance de l’éducation » dans notre pays. Et, il demande aux autorités d’invalider l’année scolaire 2021-2022.

Décryptage !

C’est désormais fini pour l’année scolaire 2021-2022. Les résultats des différents examens nationaux sont proclamés. 9,37% au BAC, contre 17, 67 % au brevet et un peu plus de 15% au CEE. Vous, en tant que secrétaire général du syndicat national de l’éducation, quelle analyse faites-vous de ces différents résultats ?

Michel Pépé Balamou : Le résultat de l’examen du baccalauréat unique session 2022 est le reflet d’une honte nationale, d’une école de la république qui s’auto-humilie. On est en train de préparer les enseignants comme des incompétents aux yeux de la population ; et, en même temps, les sacrifier sur l’hôtel de la vindicte populaire pour montrer à la face du monde que l’école de la république ne fonctionne pas. Au même moment, les nouvelles autorités qui sont là sont nommées au mois de novembre et on a ouvert l’école le 21 octobre 2021. Ça veut tout simplement dire qu’elles ont commencé l’année scolaire. Elles ont participé à la conception, à la planification, à l’exécution, à l’évaluation des enseignements et des apprentissages. Donc, si elles nous sortent ces résultats, c’est d’abord des résultats à eux. Ces autorités sont en train de montrer que le colonel Mamadi Doumbouya a eu tort de leur porter confiance, puisqu’il les a nommées pour une obligation de résultat, et non de moyens, pour une gestion de nos concessions scolaires axées sur des résultats et non sur des échecs. Donc, en toute honnêteté, elles doivent démissionner pour insuffisance de résultats. Elles doivent démissionner pour avoir trompé les enfants de la République. Puisque personne, je dis bien personne, ne peut nous expliquer didactiquement, pédagogiquement, sociologiquement comment on est passé de 30, 40 et 50% à 9%, étant donné que les résultats de la Guinée étaient au même niveau que ceux de la sous-région.

L’actuel ministre dit que tout le monde est coupable de cet échec, y compris l’Etat qu’il représente. Partagez-vous cela avec lui ?

Michel Pépé Balamou : ce sont les mêmes cadres qui forment les enfants, ce sont eux qui organisent les examens, le ministre est nommé récemment, mais il était dans le système.

Mais ce n’est pas le ministre actuel qui était avant cette année 2022 à la tête du département. Ce n’était pas lui qui décidait de ce qui a été fait toutes les années passées quand-même ?

Michel Pépé Balamou : on n’a pas besoin d’être à la tête du département pour décider. Un enseignant qui a 100 élèves en classe et qu’il y ait 9 admis à l’évaluation, il faut imputer la responsabilité à l’Etat.

Le ministre dit que tout le monde est responsable de cet échec. Comment réagissez-vous à cela ?

Michel Pépé Balamou, Secrétaire général du syndicat national de l’éducation

Michel Pépé Balamou : oui, s’il dit que tout le monde est responsable, il n’a pas totalement tort. Mais, lui, qu’est-ce qu’il a fait pour qu’on ne soit pas coupable, pour qu’on en n’arrive pas là ? C’est la grosse question que l’on se pose. Dans les autres pays, il y a une session de rattrapage. Il nous disait que les notes étaient en train d’être reportées ; et, aujourd’hui, on nous dit que les résultats sont sortis. Ça veut dire qu’ils n’ont pas soumis les résultats à la délibération, au conseil des ministres. Pour être plus clair avec vous, on parlait de semaine nationale de mérite, on parlait de Miss mathématiques dans une école de la République où il manque 20 000 enseignants, où des écoles sont fermées par manque d’enseignants, où il y a des classes multigrades, où il y a des enseignants qui ont 4 matières, où il y a des enseignants retraités qui ne sont pas remplacés, où il n’y a pas de laboratoires, où il n’y a pas de bibliothèques. Donc, on ne peut promouvoir le mérite et l’excellence dans cette pareille école. Ce qui est grave, c’est que les écoles privées sont des écoles de réussite et les écoles publiques sont des écoles d’échec. C’est un contrat saisissant. L’État est plus riche que tout le monde. Comment un particulier peut construire des écoles et faire du succès que l’État ? L’école de la République est en train de mourir. C’est-à-dire qu’on est en phase  de privatisation à outrance de l’éducation dans notre pays. C’est-à-dire que vous les parents d’élèves, si vous n’envoyez vos enfants dans les écoles privées, ils sont prédisposés à l’échec. Les 3 premiers au baccalauréat unique session 2022 sont venus des écoles privées. Les lauréats sont venus en grande partie des écoles privées, alors qu’elles sont toutes les écoles de la république. Pourquoi est-ce qu’avec les écoles privées, ça marche, dans les écoles publiques ça ne marche pas ? Alors, il revient aux autorités d’invalider l’année scolaire.

Le ministre annonce tout une batterie de mesures pour remédier aux différents programmes de l’éducation dans notre pays. Ce sont entre autres la mise en place des moyens matériels, financiers et humains et plusieurs autres dispositions en cours notamment la révision des programmes scolaires, la formation continue des formateurs. Qu’en dites-vous ?

Michel Pépé Balamou : le ministre a aussi dit que les élèves et les parents d’élèves vont avoir accès aux copies pour  revendiquer. Ceux qui ont fait la demande d’accès aux copies à l’examen et brevet ne sont pas encore satisfaits. Si c’est pour des promesses, elles ont été ténues. Donc, nous, ce ne sont pas les promesses qui nous intéressent, c’est leur effectivité sur le terrain. Est-ce que les moyens matériels et financiers sont là pour mettre toutes ces promesses en exécution ? Sinon, tout a été dit dans les états généraux, les assises et dans les recommandations. Il faut les mettre en exécution ; et, je pense que les parents d’élèves vont être plus exigeants. Ils vont demander des enseignants en qualité et quantité, des tables-bancs, des salles de classe en nombre et en qualité. Nous ne sommes pas en train de dédouaner les enfants, mais nous pensons que le premier incombe à l’Etat de créer les bonnes conditions de travail et d’amélioration de vie et de travail, de formation des formateurs. En ce moment, si les résultats sont médiocres, là on peut s’en prendre aux élèves. Mais, vous ne pouvez avoir des écoles où tout manque et s’attendre à des résultats miraculeux. Ce n’est pas possible. Donc, nous nous pensons qu’il faut faire mieux pour s’attendre à des résultats probants.

Propos recueillis et décryptés par Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél : 622919225

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