Détournement présumé de 25 milliards GNF : Sékou Camara, ancien DG de l’OGC et son comptable Mamadou Saliou Barry jugés à la CRIEF

L’ancien directeur général de l’Office guinéen des chargeurs, Sékou Camara et son comptable, Mamadou Saliou Barry sont poursuivis pour des faits présumés de détournement de deniers publics devant la CRIEF. Ils ont comparu hier, mercredi 13 décembre 2022, devant le juge Noël KOLOMOU assisté de M. Souleymane BAH, Dominique LOUA, Abdourahamane DIALLO et de M. Gbamon KPOULOMOU. Et, dans leur déposition à la barre, les deux prévenus, tous non détenus, ont rejeté systématiquement les faits à eux reprochés, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les faits pour lesquels l’ancien directeur général de l’Office guinéen des chargeurs, Sékou Camara (nommé par décret présidentiel le 18 juin 2014) et son comptable, Mamadou Saliou Barry (nommé par arrêté ministériel en 2010) sont poursuivis devant la Cour de répression des infractions économiques et financières se seraient déroulés entre juin 2014 et juin 2016. Et, ils portent sur un montant total de 25 milliards de francs guinéens.

Selon les déclarations de Sékou Camara et son co-prevenu Mamadou Saliou Barry devant la Cour, cette action est intentée par la volonté du directeur adjoint de l’OGC en la personne de feu Sorel Sankon qu’ils accusent d’avoir, à l’époque des faits, des dents contre le DG Sékou Camara ; et, qu’à vrai dire, il n’y a pas de faits de détournement à leur opposer.

Ce mercredi, tous les deux mis en cause ont défilé à la barre et ont rejeté en bloc les infractions articulées contre eux. Mais, avant l’exposé des prévenus devant la Cour, les parties au procès ont d’abord exprimé leur position par la conduite de cette affaire. Et, au terme des échanges sur la conduite de la présente affaire, la Cour a ordonné la continuation des débats avec les prévenus appelés à la barre.

Répondant ainsi aux questions de la Cour, du ministère public représenté à cette audience par le procureur spécial Aly Touré, et celles des avocats des parties opposées sur l’utilisation des fonds incriminés, l’ancien directeur général de l’OGC, Sékou Camara nie les faits à lui reprochés et soutient que son adjoint, feu Sorel Sankon, qui est à l’origine de cette procédure contre lui et son comptable.

« J’ai été nommé directeur général de l’OGC le 18 juin 2014 par décret présidentiel avec mon adjoint Sorel Sankon. Sorel Sankon, puisqu’il avait accès au Président de la République, le professeur Alpha Condé, n’était pas d’accord avec moi. Dès le premier mois de notre nomination, il vient me dire que nos prédécesseurs ont fait des décaissements à la BCRG. Je lui ai dit de s’occuper de notre mission. Je lui ai dit qu’il est mon adjoint, il me représente quand je suis absent ou je suis empêché. Il a continué à faire ce qu’il voulait. 45 jours après ça, il vient me demander 100 millions de francs guinéens. Je lui ai demandé où est-ce que je vais enlever ça et lui donner. 6 mois encore après ça, c’est l’inspection générale de l’Etat que je vois à l’OGC pour un contrôle. Après le passage de la mission d’inspection qui a fait dresser un rapport contre l’OGC. Sorel Sankon a envoyé ça à la présidence pour dire qu’il y a un détournement à l’OGC. Aussitôt, c’est mon nom qui était à la une des médias comme quoi j’ai détourné de l’argent. Mais, ce n’est pas fondé. Je n’ai pas fait de détournement. Sorel Sankon m’en veut parce que c’est moi qui ai créé l’Office guinéen des chargeurs. Sinon, ça n’existait pas en Guinée. L’OGC est un établissement public à caractère administratif. C’est un service qui n’a pas de budget ni de subvention. Il fonctionne sur la base de sa quote-part des recettes recouvrées et reversées sur son compte logé dans les livres de la BCRG. De sa création jusqu’en 2015, la clé de répartition des recettes recouvrées auprès des chargeurs était de 30% du montant total pour le trésor public, 30% pour le partenaire technique, 25% pour l’OGC et 15% pour la marine marchande. C’est en 2015, quand une société du droit béninois a été recrutée, que les quote-parts ont été ajustées. Elles sont passées de 30 à 40% pour le trésor public, 40% pour le partenaire technique qui est cette société béninoise, 10% pour l’OGC et 10% pour la marine marchande. Mais, l’article 5 des textes statutaires de l’OGC indique que les 10% de la marine marchande et les 10% de l’OGC sont logés sur le compte de l’OGC domicilié à la Banque Centrale de la République de Guinée. Maintenant, les 25 milliards de francs guinéens qui sont incriminés dans cette affaire qui représentent les 2 quotes-parts de la marine marchande et de l’OGC. C’est l’OGC dont j’étais DG qui gère les fonds de la marine marchande aussi. Il n’y a eu aucun franc détourné de ces 25 milliards de francs guinéens incriminés », a expliqué Sékou Camara.

Mais, aux questions accablantes du procureur spécial Aly Touré et les avocats de la partie civile de savoir s’il peut fournir des pièces justificatives de l’utilisation des 25 milliards de francs guinéens incriminés, monsieur Sékou Camara dit ne disposer d’aucune pièce comptable.

« A l’époque des faits, je n’avais vraiment pas pu avoir la possibilité de garder les pièces comptables, les copies des dépenses », a-t-il dit.

Selon le rapport dressé par l’inspection générale de l’Etat au moment du contrôle financier effectué en 2015 et 2016, il y a eu des opérations hors circuit et des retraits abusifs dont le montant s’élève à 18  855  497 512 francs guinéens. Le même rapport fait état d’un prélèvement de 1 870 874 881 francs guinéens.

Au procureur spécial Aly Touré de poser la question de savoir si c’est possible de savoir si la BCRG qui est gardienne du compte de l’OGC peut faire des prélèvements abusifs sur le compte de l’OGC sans l’accord préalable du directeur général. Répondant à cette question, Sékou Camara dira que « je ne suis jamais allé à la BCRG pour qu’elle fasse un quelconque prélèvement sur le compte de l’OGC. Et, quand il y a eu le prélèvement de ce montant, je n’ai rien dit. Puisque je n’étais plus aux affaires. On était déjà incriminés ».

A son tour de passage à la barre, Mamadou Saliou Barry, comptable de l’OGC à l’époque des faits et co-prévenu du DG Sékou Camara, n’a pas échappé à la chaleur des questions du ministère public et de celles des avocats de la partie civile. Confirmant les déclarations de Sékou Camara, Mamadou Saliou Barry va tenter de justifier l’utilisation des 25 milliards par des comptes financiers qu’il dit n’être pas accompagnés des pièces qui ont servi à leur élaboration.

« La mission de contrôle de l’inspection générale de l’Etat nous a surpris. Après la mission, nous avons promis aux membres de la mission qu’au bout d’une semaine on allait leur fournir les pièces comptables justificatives des fonds. Mais, moi j’étais malade. On n’a pas pu communiquer les pièces (reçus, factures, billets de voyages et autres). Nous avons déposé les états financiers au trésor public, mais ils ont demandé de déposer aussi les pièces justificatives », a déclaré le comptable Mamadou Saliou Barry.

Parlant de leurs salaires, monsieur n’a voulu déclaré les montants ou bien la masse salariale du personnel. Il a fallu que le procureur spécial l’amène à dire et reconnaître tout au moins les primes qu’ils percevaient lui et son DG Sékou Camara.

« Oui monsieur le procureur, excusez-moi, c’est que c’est 3 375 000 GNF que je percevais. Le directeur, lui, percevait 6 000 000 de francs guinéens par mois », a-t-il déclaré finalement, alors qu’il avait déclaré un montant de 1 500 000 GNF pour lui comme prime tout faisant croire à la Cour qu’il ne connaît pas les primes de son DG.

Finalement, la Cour a renvoyé le dossier au 27 décembre 2022 pour la suite des débats.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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